Décès de Benoît Violier: un minimum de réserve, s’il-vous plaît!

Il faut le dire • Le décès du «chef triplement étoilé» Benoît Violier a donné lieu, et continue de donner lieu, à l’une de ces gargantuesques orgies journalistique dont le microcosme a le secret. On ne compte plus les articles, analyses, témoignages, hommages reniflants de tout ce que la Suisse romande compte de people, de gens fortunés et de décideurs,...

Le décès du «chef triplement étoilé» Benoît Violier a donné lieu, et continue de donner lieu, à l’une de ces gargantuesques orgies journalistique dont le microcosme a le secret. On ne compte plus les articles, analyses, témoignages, hommages reniflants de tout ce que la Suisse romande compte de people, de gens fortunés et de décideurs, les trois catégories n’étant par ailleurs que difficilement distinguables.

Bien sûr, la mort d’un homme interpelle et attriste; c’est d’autant plus le cas lorsqu’on parle d’une mort choisie, dénouement terrible d’une souffrance qu’on imagine profonde. Mais de là à en faire un feuilleton quotidien…

A pareille effusion médiatique, je vois plusieurs raisons.

La première est d’ordre dramaturgique: la mort soudaine et violente d’un homme au faîte de sa gloire, surtout quand celui-ci est jeune, évoque des schémas intemporels et puissants, utilisés des tragédies grecques jusqu’aux meilleurs succès hollywoodiens. La deuxième renvoie à l’appartenance de classe: toutes celles et ceux, journalistes, actionnaires, patrons de ceci ou de cela, grands hommes et femmes de pouvoir, sportifs, avocats, hommes et femmes politiques, fréquentent ou ont fréquenté les lieux. Certains étaient des habitués; tous y ont organisé qui un anniversaire de mariage, qui un repas d’affaires, qui la signature d’un contrat. Pour l’élite romande, la table de Violier est un stamm, un point de ralliement où l’on a l’assurance de rester entre-soi. La troisième raison tient au nouveau statut social du «chef étoilé», propulsé au rang de héros contemporain par les émissions de divertissement (le marmiton de base, soit le 99% de la profession, n’ayant pas droit à pareils honneurs, il va sans dire).

Que la presse rende hommage à un grand chef au talent incontestable est normal et sans doute souhaitable. Qu’elle en fasse tant, oubliant la retenue et la décence auxquelles un décès appelle pourtant, est plus choquant.

Julien Sansonnens