Le remaniement ministériel du 11 février et les femmes

La chronique féministe • Comme Laurent Fabius quitte le ministère des Affaires étrangères pour, vraisemblablement, la présidence du Conseil constitutionnel, en remplacement de Jean-Louis Debré, François Hollande a procédé à un mini-remaniement ministériel, qualifié par la droite de «bricolage» catastrophique ou «d’auberge espagnole» à 15 mois de la nouvelle échéance présidentielle

Jeudi 11 février sur TF1, François Hollande a réaffirmé les grands axes de sa politique : chômage, sécurité, environnement. Il est apparu à tout le monde que ce nouveau gouvernement ne changerait rien dans le fond et n’inverserait pas la courbe du chômage.

C’est Jean-Marc Ayrault (germaniste et germanophile) qui remplace Fabius au Quai d’Orsay. L’ex-Premier ministre devient donc un ministre comme les autres. Imaginons cela dans le privé, étrange, non? Lui qui n’avait pas de mots assez durs contre le projet de déchéance de la nationalité, a avalé son chapeau, voté la loi et le voici de retour.

Trois écologistes font leur entrée : Jean-Vincent Placé, qui piaffait depuis des années, est chargé de la Réforme de l’Etat, Barbara Pompili des relations internationales sur le climat, enfin Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV (Europe Ecologie-Les Verts), obtient le ministère du Logement et de l’Habitat durable. Elle aurait troqué son acceptation contre l’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Tout le monde nie, mais personne n’est dupe. D’ailleurs, Hollande a promis un référendum sur la question. De nombreuses réactions, surtout à droite, voient dans l’arrivée de trois écologistes une manœuvre pour affaiblir le parti, ce qui arrangerait Hollande pour la présidentielle de 2017.

Dans le même ordre d’idée, Hollande a nommé Jean-Michel Baylet, du Parti radical de gauche, à l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales. Il aura patienté 23 ans avant de retrouver un poste au gouvernement. Seuls deux journaux saluent ce remaniement : «La Dépêche du Midi» et le «Midi Libre», qui sont dirigés par… Baylet!

Audrey Azoulay, en charge de la culture à l’Elysée, prend la place de Fleur Pellerin, qui a fondu en larmes en apprenant son éviction au téléphone, une heure avant le communiqué officiel. Rappelons que Fleur Pellerin, nommée ministre de la Culture le 26 août 2014, s’était avérée incapable de citer un seul titre de Patrick Modiano, lorsqu’il reçut, le 9 octobre de la même année, le prix Nobel de littérature, avouant de surcroît qu’elle n’avait pas le temps de lire…

Juliette Méadel, porte-parole du PS, est nommée secrétaire d’Etat chargée de l’Aide aux victimes. Eicka Bareigts, députée PS de la Réunion, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité réelle (j’aimerais qu’on m’explique ce que cela signifie!). Estelle Grelier (PS) est chargée des Collectivités territoriales ; Hélène Geoffroy, députée PS, de la Ville.

Hollande a laissé entendre à Marylise Lebranchu qu’il fallait faire de la place à de nouvelles personnes. Elle n’eut pas la vie facile dans son ministère de la Fonction publique, où elle est remplacée par Annick Girardin, du Parti radical de gauche. Quant à Laurence Rossignol, socialiste féministe, nommée en 2014 secrétaire d’Etat chargée de la Famille et des Personnes âgées, elle va gérer le ministère «Famille, enfance et droit des femmes».

Aussitôt cette dénomination connue, les féministes sont montées au créneau, suivies par un certain nombre de journalistes. On se croirait en effet revenu 50 ans en arrière, quand les femmes étaient systématiquement associées à la famille et aux enfants. De Gaulle, quand on lui avait suggéré de créer un ministère de la Condition féminine avait rétorqué : «Pourquoi pas un ministère du Tricot?»

Bref historique. Le secrétariat d’Etat à la Condition féminine a été créé en France en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing et attribué à Françoise Giroud. Le poste est supprimé en 1976, et deux secrétariats d’Etat ont la charge, l’un de l’Emploi féminin, l’autre de la Condition féminine, de 1978 à 1981. Le ministère délégué aux Droits de la femme est créé par François Mitterand après son élection de 1981, concrétisant ainsi une promesse faite un mois auparavant, le 28 avril, lors d’un meeting organisé par le mouvement féministe Choisir au Palais des congrès. Il devient de plein droit au sein du gouvernement de Laurent Fabius (du 21 mai 1985 au 20 mars 1986) avec Yvette Roudy. Entre 1988 et 2007, le portefeuille a existé de façon intermittente, sous la forme de ministère délégué ou de secrétariats d’Etat rattachés à un autre ministère. En 2012, sous la présidence de François Hollande, un ministère chargé du Droits des femmes est dirigé par Najat Vallaud-Belkacem. Le 8 janvier 2013 est par ailleurs créé le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. En 2014, le ministère est remplacé par un secrétariat d’Etat aux Droits des femmes sous la tutelle du Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Depuis le 11 février 2016, il n’existe donc plus de structure spécifique, et les fonctions sont intégrées au ministère de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes.

Du côté de la parité, l’actuel gouvernement compte 19 femmes et 20 hommes. Mais les ministères «régaliens» (mot qui vient du latin regalis, royal, curieux dans une démocratie), qui sont les Affaires étrangères, l’Intérieur, la Justice, l’Economie et la Finance sont aux mains d’hommes. Christiane Taubira partie, il n’y a plus de femme à l’une de ces fonctions majeures. A part quelques exceptions, on laisse des miettes aux femmes. Récemment, un homme s’est écrié, au moment d’établir une liste électorale : «On ne va quand même pas mettre une femme en tête de liste!» Quand elles accèdent aux plus hautes fonctions, les femmes subissent constamment des remarques sexistes. Puis on les jette comme des kleenex. Et maintenant, le président français dissout les Droits des femmes dans le pot de la Famille et de l’Enfance. Malgré le principe de parité, il semble qu’au lieu d’avancer, la cause des femmes recule…