MSubito, Twinto, Quick, Simplissimo !

Consommation • En quelques mois, on a vu apparaître un peu partout dans les grandes surfaces des caisses de «self-checkout». Mais à qui ces caisses sans caissier ni caissière rendent véritablement service?

En promenant les cabas des grands distributeurs, nous vantons la fraîcheur de leurs produits, leur respect des animaux, leur protection de la nature, jusqu’à l’engagement de l’enseigne pour les enfants et la famille. Depuis quelques mois, nous sommes les publicitaires bénévoles d’un nouveau concept: les sacs dans lesquels nous transportons nos commissions plaident soit pour TWINT, soit pour SUBITO son concurrent, ou alors pour le nouveau venu QUICK. Mais attention, Subito n’est ni un café en poudre ni un potage instantané. Écoutons Sophie, la caissière du magasin de mon quartier, qui m’a délivrée d’une ignorance profonde. Subito est un moyen de payer soi-même ses achats en «dialoguant» avec une machine, sans passer par la caissière. Comprenant mal mon désarroi, Sophie me rassure en soulignant que les caisses traditionnelles ne vont pas disparaître et que le patron aurait promis au personnel qu’il n’y aurait pas de suppression de postes. Elle me recommande sa collègue Fernanda, préposée, en ce soir pluvieux, à la formation du public à Subito.

«Payez sans espèces, en toute simplicité»,

«Payez sans espèces, en toute simplicité», proclame le géant orange dans son hebdomadaire. N’osant exprimer mon scepticisme face à certains «progrès techniques», j’ai écouté les explications de Fernanda, dont je vous rapporte l’essentiel. Avant l’initiation aux merveilles du libre-service, libre-scanning et libre-débitement-de-carte-bancaire, ma formatrice et moi avons dû attendre notre tour, le temps que le client précédant résolve son problème personnel avec la machine. À moi maintenant de chercher le code-barre; il faut s’y habituer, on ne devient pas caissière en cinq minutes. Comme l’étiquette accolée aux poireaux était froissée ou abîmée, la machine n’a pas su la lire. On m’a conseillé de retourner peser à nouveau le légume que je comptais acheter, mais j’ai préféré m’en passer. J’aurais déboursé le double pour le paquet de six pommes, si je l’avais laissé une seconde de plus sur l’appareil, car tant que la marchandise s’y trouve, la machine scanne et facture, scanne et facture… Cet écueil contourné, je passe au paiement. Non, je n’ai pas de bons à faire valoir, mais j’ai déjà appris à régler des courses avec Postfinance. Pas ringarde donc, je sors du magasin fière de moi.

Plus que deux caisses traditionnelles sur six

Ces caisses de «self-checkout», selon le jargon M-maison, sont censées rendre service aux gens qui ne font que quelques achats, pas plus d’une dizaine. Devrons-nous dorénavant tous nous munir d’une carte bancaire ne serait-ce que pour pouvoir acheter des bonbons? La même chose pour les personnes âgées habituées à extraire de leur porte-monnaie pièce par pièce la somme indiquée, tout en profitant de l’occasion d’une brève conversation aimable avec la caissière? Et les écoliers qui se cotisent pour financer un goûter ou un cadeau collectif? Les ouvriers qui travaillent sur les chantiers du quartier doivent-ils porter une carte de crédit sur eux pour payer en Subito leur eau minérale ou leur croissant? Pour l’instant, les deux dernières caisses «traditionnelles» – auparavant elles étaient au nombre de six – sont prises d’assaut, les caissières ont plus de travail et le temps d’attente des clients est prolongé.

Pour mes achats en grande quantité (puisque ces caisses ne sont destinées qu’aux petites quantités), je suis supposée être en possession d’un appareil à scanner prêté généreusement par la M-Hôtesse, objet qui me permet d’enregistrer les articles au fur et à mesure que je les prends à la main avant de les mettre dans mon panier. Arrivant à la caisse avec mon total, je n’aurai même pas besoin de sortir une nouvelle fois mes marchandises du chariot. Je comprends même, à la lecture des informations données, qu’on attend de nous que tout-e un-e chacun-e possède un smartphone avec applications «Migros» et «banque», qui permettraient à la fois d’enregistrer les courses et de débiter notre compte bancaire de leur contre-valeur, avant même d’avoir quitté les lieux. Pour l’heure le magasin ne prête toutefois ledit scanner destiné à cette fonction qu’à de rares client-e-s intéressé-e-s.