l’initiative du PDT ne manque pas de mordant

Genève • Après les POP vaudois et neuchâtelois, c’est au tour du Parti du Travail de lancer une initiative sur le remboursement des soins dentaires dans le but d’alléger le budget des familles et de lutter contre les inégalités sociales.

Les soins dentaires représentent 20% des frais médicaux d’un ménage

Alors que le groupe parlementaire d’Ensemble à Gauche a déposé il y a quelque temps un projet demandant le remboursement des soins dentaires, lundi dernier à Genève, le Parti du Travail a lancé une initiative sur le même sujet, demandant à l’État de créer une assurance obligatoire pour les soins dentaires. Ils se sont basés sur le même projet proposé par leurs collègues du POP vaudois et neuchâtelois.

Salika Wenger, députée d’Ensemble à Gauche (PDT) trouve que le projet déposé au Grand Conseil est trop consensuel, elle ne l’a du reste pas signé, elle explique que «le projet de loi au parlement risque d’être enterré, avec l’initiative c’est la population qui s’implique, cela donne un moyen de pression, l’initiative apporte une base constitutionnelle qui obligera le Parlement à se pencher sur le sujet». Actuellement, le PDT part seul, même si les alliés ont été avertis du lancement de l’initiative, ils ne l’ont pas encore clairement soutenue. Comme le rappelle Alexander Eniline président du PDT «ce projet était déjà en discussion lors du congrès de notre parti en 2014 et c’est un combat national lancé par le PST/POP, notre but à terme est de pouvoir créer une assurance nationale de soins dentaires». Les spécialistes de la branche, par la voix de la Société suisse des médecins dentistes (SSO) affirment être « opposés à toute assurance de soins dentaires, car la plupart des maladies de la dentition peuvent être évitées» en rajoutant qu’ «une assurance imposée par l’Etat ne ferait que provoquer l’inflation de la bureaucratie et aurait des effets indésirables, tels que ceux que l’on constate déjà dans d’autres pays européens». A ces critiques, Salika Wenger rétorque que «le seul argument concret des opposants, c’est la haine des assurances sociales».

89% des frais dentaires à la charge du citoyen

D’après les chiffres de l’office fédéral de la statistique, 89% des frais dentaires sont actuellement à la charge du citoyen. Seul 4,6 % est pris en charge par les assurances privées. Pour cause, ces assurances dentaires privées pratiquent des prix prohibitifs pouvant aller jusqu’à 250 francs par mois pour un homme de 45 ans habitant Lausanne, avec la formule la plus chère de Visana par exemple, qui revient à 3000 francs par an . De plus certaines assurances privées affichent des restrictions, quelques-unes refusent d’assurer les plus de 60 ans, d’autres demandent à avoir un certificat qui prouve une bonne santé bucco-dentaire etc… Cette initiative vise à sortir de ce modèle libéral, en proposant de financer sur le principe de l’AVS, à un taux de 0,5% paritaire employé-employeur, «principe le plus stable qui a fait ces preuves» souligne Alexander Eniline. Toujours selon l’OFS les soins dentaires représentent la part la plus importante des frais médicaux du ménage, soit plus de 20%. Avec ces coûts élevés pratiqué par les dentistes, on voit se développer le tourisme dentaire en Hongrie ou en Thaïlande par exemple. Certaines agences spécialisées suisses qui proposent ce genre de voyages ont des prix défiants toute concurrence, pour une couronne dentaire on paye jusqu’à six fois moins cher en Hongrie.

Une situation alarmante

L’aspect financier et le fait que l’assurance maladie de base ne rembourse pas de frais dentaires, joue un rôle important sur le choix d’aller où non chez le dentiste. Dans un rapport d’une commission du Grand Conseil vaudois sur la santé, Pierre-Yves Maillard, conseiller d’État en charge de la santé parlait de situation alarmante : «Les inégalités sociales jouent à plein et la santé dentaire des populations défavorisées du canton correspond à celle des habitants d’un pays en voie de développement». En 2009 déjà, la Revue médicale suisse (RMS) a mis en évidence «la discrimination sociale devant la maladie provoquée par la difficulté de l’accès aux soins dentaires et à la prévention». A ce titre la prévention est dans le viseur du PDT qui avec cette initiative vise à la renforcer sur le long terme, insistant sur le fait que «le dépistage scolaire est insuffisant», d’autant, précisent-ils, que «la santé dentaire des enfants se détériore depuis 1994, dû en partie à certaines habitudes alimentaires néfastes stimulées par l’industrie des boissons sucrées». Théoriquement les médecins conseillent un contrôle par année : en réalité, si l’on prend les chiffres d’une étude sur le revenu et les conditions de vie datant de 2007, 35 % de la population suisse n’est pas allé faire un contrôle chez un dentiste cette année là. Les prix des prestations élevées posent un problème de dignité, rappelle Salika Wenger, «il est inadmissible qu’une personne ne puisse se faire soigner ou remplacer des dents faute de moyens financiers».

Cette initiative aura besoin de 10’000 signature valides d’ici juillet. Dans le canton de Vaud, Céline Misiego, secrétaire cantonale du POP, nous a indiqué que normalement le Conseil d’État devrait proposer une date pour un vote cette année. La question sera de savoir si Pierre-Yves Maillard soumettra un contre projet direct ou indirect en votation. A Neuchâte,l l’initiative à été déposée l’été dernier avec plus de 8000 signatures, soit 2000 de plus que nécessaire.