Et l’amour l’emporta tambour battant

opéra • Sur la scène de l’Opéra de Lausanne, «la Fille du régiment» se joue des militaires, des bienséances, d’un patriotisme joyeusement cocardier, avec panache, lyrisme et humour.

Très colorés, pétillants de vie et d’invention, les deux actes se déroulent dans un décor fort convaincant et plein de symboles.

L’opéra comique de Donizetti pourrait dater un peu, n’était une mise en scène signée Vincent Vittoz, qui, jouant sur l’ironie, a suscité l’enthousiasme du public. Ajoutez, ce qui est bien sûr capital pour un opéra, une interprétation vocale et instrumentale remarquable avec, dans la fosse, l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL), dirigé par Roberto Rizzi Brignoli, sur scène, le Chœur de l’Opéra, à la diction particulièrement distincte, formé par Jacques Blanc, des solistes de grande classe, et vous avez les clés du succès de cette nouvelle production de l’Opéra de Lausanne.

Tendresse, panache et ironie

L’histoire aux multiples coups de théâtre et rebondissements invraisemblables est digne du genre: Marie, cette fille recueillie par les hommes d’un régiment français occupant la Bavière épousera Tonio, le Tyrolien de son cœur qui se fait militaire pour être mari. Et la marquise gentiment loufoque, soi-disant sa tante, qui veut l’arracher à sa vie de vivandière, se révélera être sa mère et la rendra à son destin de fille du régiment. Très colorés, pétillants de vie et d’invention, les deux actes se déroulent dans un décor fort convaincant et plein de symboles, surtout après l’entracte, alors qu’il apparaît un peu voulu, avec la superposition de ses plans inclinés dans la première partie. On peut juger la charge parfois un rien excessive, les masques des soldats exagérément loufoques, les acrobaties des figurants et les pitreries du chœur d’une exubérance un peu envahissante, la musique ne s’en impose pas moins. Mêlant les genres, à cœur fendre, à cœur tendre, rantanplan et tambour battant, Donizetti s’y révèle le maître incontesté de l’art vocal et atteint les sommets du bel canto dans des airs d’un lyrisme à vous tirer les larmes ou d’une bravoure conquérante. Julie Fuchs, Marie, dont c’était une prise de rôle, et Frédéric Antoun, Tonio, rivalisent d’aisance et de virtuosité. On en oublie contre-uts célèbres et autres difficultés tant les voix restent souples et belles dans toute l’étendue de leur tessiture. Il y a de la tendresse, du panache, de l’ironie. Les autres rôles sont à la hauteur, que ce soient Anna Stieger, la marquise, Pierre-Yves Pruvot, Sulpice, ou Alexandre Diakoff, Hortensius.

Jadis, cet opéra écrit par un Italien à la gloire de la France, était donné régulièrement le 14 juillet. Après les attentats de Paris, il prend, hasard de la programmation, une actualité inattendue, chargée de sympathie! A voir et entendre jusqu’au 20 mars