Les prestations complémentaires dans le collimateur de la droite et des patrons

assurances sociales • Un projet de réforme des prestations complémentaires AVS/AI était en consultation jusqu’au 18 mars dernier. Une modification qui vise 250 millions d’économies, ceci alors que le nombre de personnes retraitées ou à l’AI touchées par la précarité augmente.

(Alain Rouiller)

Les nuages qui planent sur les assurances sociales menacent l’avenir du contrat social censé être la base solidaire de notre société. La consultation fédérale sur les prestations complémentaires (PC) qui vient de se terminer en apporte la preuve néfaste: les plus modestes, les plus fragiles, ceux qui doivent recevoir des prestations complémentaires AI et AVS pour vivre en sont les premières victimes. Alors que le Conseil fédéral constate l’augmentation de 3,1% par an du nombre de retraités et de personnes à l’AI touchées par la précarité et la pauvreté, il propose une modification de la loi permettant d’économiser quelque 250 millions sur les prestations complémentaires! Pire encore, le 26 février dernier, la Commission de la sécurité sociale du Conseil national a décidé de ne pas traiter avant plusieurs mois le projet de relèvement des montants concernant le calcul du loyer dans les PC. Cette adaptation est attendue de longue date car depuis 2001, moment de la fixation des critères, les loyers ont augmenté en moyenne de 21%. Les prestations complémentaires ne couvrent donc même plus les besoins vitaux et pour nombre de retraités il faut prendre dans le budget de la nourriture pour pouvoir payer le loyer. C’est dans cette période d’incertitude inquiétante que le Conseil fédéral met en consultation une modification de la loi sur les PC sans savoir ce qu’il adviendra de l’adaptation au coût des loyers.

Un quatrième pilier

En 2014, on comptait dans notre pays 12,4% de retraités et 44,1% de personnes à l’AI qui ne pouvaient couvrir leurs besoins vitaux essentiels que grâce aux prestations complémentaires (PC). Des prestations qu’il faut demander et qui sont calculées individuellement avec complexité, au risque de laisser sur le carreau ceux qui ne correspondent pas aux normes pour une centaine de francs de revenu annuel supplémentaire. Ils sont alors victimes des effets de seuil, glissent à travers les trous du filet social et passent de la précarité à la pauvreté, souvent pour toutes les années qui leur restent à vivre. Introduites en 1966, les prestations complémentaires devaient être provisoires en attendant que les rentes AVS correspondent enfin aux exigences fixées par Constitution fédérale à son art. 112, al2 lit b, qui préconise la couverture des besoins vitaux par l‘AVS. Depuis lors, le fameux conseiller fédéral Tschudi est passé par là, a instauré les trois piliers, et voilà. De temporaires, les PC sont devenues pérennes et indispensables: depuis 1975, les rentes AVS n’ont pas augmenté! On peut donc affirmer que les PC sont devenues un 4ème pilier dont l’importance va croître, au rythme des modifications délétères du système des retraites dit «paquet Berset» et des faibles rendements du 2ème pilier…

Un retrait du 2ème pilier plus difficile

Dans le fatras des propositions visant essentiellement à économiser (primes d’assurance maladie, remise en cause des rentes AI, diminution des participations, restriction des rentes pour le membre du couple qui reste à la maison alors que son conjoint est hospitalisé en EMS, etc), on trouve quand même une proposition acceptable. Actuellement, le deuxième pilier, présenté comme une épargne à long terme, autorise certains à retirer ce pactole pour créer une entreprise, acheter une maison ou, au moment de leur retraite, pour le gérer eux-mêmes. Cela conduit à des situations dramatiques en cas de mauvaises affaires, faute de pouvoir bénéficier de rentes. Il est donc juste que le deuxième pilier soit destiné en priorité à servir pour la retraite et non à faire le bonheur des milieux immobiliers. Se lancer dans une activité indépendante à l’aide de son 2ème pilier n’est pas un choix mais souvent une alternative au chômage ou à un marché du travail saturé. La proposition fédérale d’exclure cette solution ou de la limiter à la moitié seulement de la somme totale est donc positive.

Diminution des subsides à l’assurance maladie

En revanche, le refus de prendre en compte les primes effectives de l’assurance maladie dans le calcul des PC est incompréhensible et inacceptable. Sous prétexte d’éviter les effets de seuils, la proposition fédérale veut empêcher les cantons d’accorder des subsides pour les primes effectivement payées au profit d’un calcul alambiqué de moyennes. Pour le canton de Vaud, cela signifierait que cette prime moyenne de référence se monterait à 331 francs au lieu des primes réelles de 453 à 480 francs selon la région, soit une différence de 120 à 150 francs par mois de subsides en moins pour un large cercle de bénéficiaires. Il est difficile d’y voir une lutte contre les effets de seuil. Car en réalité, c’est des impôts que découlent les effets de seuil qui frappent les personnes proches de la limite du droit aux PC.

Vivement AVS plus

Il est difficile de savoir quel sera le sort réservé par la nouvelle majorité du Parlement à cette révision partielle et complexe de la loi sur les PC. Les premiers échos ne laissent entendre rien de bon. L’UDC ne rêve que de diminuer encore les prestations et le PLR frémit à l’idée de ne pas savoir se montrer aussi «économe». Alors qu’une augmentation des rentes AVS est indispensable pour respecter notre Constitution, mais surtout pour garantir le pacte social que représente notre premier pilier, la population va-t-elle vraiment se laisser endormir et accepter le démantèlement suave de nos prestations sociales?

Le 25 septembre prochain, le peuple aura la parole et pourra voter enfin une augmentation de 10% des rentes AVS grâce à l’initiative AVSplus. C’est une occasion magnifique de soutenir le système exemplaire de répartition de l’AVS et de montrer enfin la direction vers une couverture des besoins vitaux par le premier pilier. Quand on y parviendra réellement, les PC seront devenues superflues pour couvrir les besoins vitaux.