Une nouvelle loi sur le logement, légère comme une infusion de verveine

Vaud • Le Grand Conseil a enfin digéré l’épineuse question du logement. Mais la droite a d’ores et déjà annoncé un référendum.

Le projet voté par le Grand Conseil est bien loin du projet initial de l’ASLOCA ©Gustave Deghilage / FLICKR

Le Grand Conseil a mis sous toit, enfin, le dossier logement, une série de mesures destinées à lutter contre la pénurie dans le canton. Non sans peine et non sans coups de théâtre. Après deux renvois par le Grand Conseil du «paquet» censé résoudre la question, en novembre et en janvier dernier, une troisième mouture vient d’être adoptée. Pour rappel, ledit «paquet» était constitué initialement d’un contre-projet à l’initiative de l’ASLOCA «Stop à la pénurie de logements» ainsi que d’une nouvelle loi, la LPPL (Loi sur la préservation du parc locatif), fusion de deux lois de protection des locataires. Ce qui faisait tiquer les milieux immobiliers, c’était le droit de préemption introduit dans le contre-projet (version édulcorée du droit d’expropriation prévu par l’initiative de l’ASLOCA), soit la possibilité pour une collectivité publique d’acheter en priorité un terrain ou une maison mis en vente par un privé, en vue d’y réaliser du logement à loyer modéré. Du côté des milieux de défense des locataires, c’est l’assouplissement des règles de transformation et rénovation des immeubles qui était pointée du doigt. Ces derniers craignaient en effet de voir de trop nombreux immeubles à loyer actuellement modérés rénovés pour les relouer plus cher. Le Conseil d’Etat est alors revenu devant le Grand Conseil avec un nouveau projet sous la forme d’une seule loi, la LPPPL (Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif), réduisant un peu l’assouplissement des règles de transformation des immeubles d’une part et limitant encore un peu le droit de préemption d’autre part (nos éditions du 20 novembre 2015 et du 26 février 2016).

UDC et PLR se sont battus bec et ongles

Sur cette base, un nouveau délicat compromis discuté en commission a permis non pas d’aggraver la situation mais bel et bien d’apporter quelques améliorations. Comme l’introduction du droit de consultation des locataires en cas de travaux dans l’immeuble, la suppression dans le motif d’autorisation de la notion d’habitabilité et la «nécessité de travaux importants»,  notions floues, propres à permettre aux bailleurs d’entreprendre des travaux coûteux et pas forcément indispensables, mais qui ont de fortes répercussions sur les loyers. L’UDC et une grande majorité du PLR se sont battus bec et ongles pour faire échouer le droit de préemption, pourtant déjà adouci: ce droit a été retiré au canton mais maintenu pour les communes, qui, d’ailleurs, peuvent le déléguer au canton. Allez comprendre! Les opposants au droit de préemption n’ont pas hésité à tenter d’exempter de ce droit les descendants de concubins ou de partenaires. Ce qui fut heureusement refusé. Le bon sens les a fait renoncer à ajouter à la liste les cousins, les voisins ou, qui sait, les animaux de compagnie…

L’initiative de l’ASLOCA et la LPPPL pourraient cohabiter

En vote final, le groupe POP solidaritéS a donc accepté la nouvelle LPPPL, même s’il la considère comme constituée de «mesurettes». Les opposants, écœurés par leur défaite sur le droit de préemption, ont quant à eux déjà annoncé le référendum. En revanche, le groupe POP solidaritéS s’est trouvé bien isolé dans son soutien à l’initiative de l’ASLOCA. Si 21 députés ont voté en faveur du soutien à cette initiative, en vote final, seules six petites voix ont timidement respecté leur premier vote aux côtés du groupe du POP solidaritéS. En définitive, et si l’ASLOCA maintient son initiative, le peuple tranchera. Il aura d’ailleurs la possibilité de voter deux fois oui: une fois en faveur de l’initiative de l’ASLOCA, et une fois en faveur de la LPPPL. A l’heure où nous bouclions, l’ASLOCA devait encore se prononcer sur le maintien ou non de son initiative. Pour rappel, celle-ci demandait que le canton et les communes consacrent chaque année une contribution annuelle identique, qui pourrait être de 20 francs par habitant, pour la construction de logements à loyers modérés, et se chargent de ces constructions en collaboration ou non avec des privés. Elle proposait aussi qu’en dernier recours, les terrains utiles à la construction de ces logements puissent être acquis par voie d’expropriation.