«Plus jamais ça!»

Vaud • Le Grand Conseil vaudois a adopté un rapport sur l’internement administratif, jusqu’en 1980, de personnes considérées comme «asociales».

Le 21 juin, en ce premier jour d’été, un silence dense et inhabituel a plané sur le Grand Conseil vaudois. Il y avait à l’ordre du jour la discussion sur la réhabilitation des personnes détenues administrativement dans le canton de Vaud entre les années 1930 et 1980 et l’indemnisation de leurs survivants.

Durant cette époque, dans notre pays et d’autres pays européens, les autorités ont imposé de gré ou de force la morale et les soi disant «bonnes mœurs» comme un objectif politique et religieux prioritaire, qui a conduit à prononcer des incarcérations et des mesures coercitives telles que la castration ou la stérilisation sur des personnes considérées comme «asociales». Une loi cantonale vaudoise de 1928, abrogée en 1971, le permettait. Les situations cantonales furent diverses durant cette période. On se souvient des excuses présentées par Evelyne Widmer Schlumpf en 2010 puis de celles, en 2013 de Simonetta Sommaruga au nom des cantons et de la Confédération. Le Conseil d’Etat vaudois a affirmé se sentir naturellement lié par ces excuses exprimées par la Conseillère fédérale. Une déclaration solennelle que le Parlement a faite sienne.

Il restera impossible de tout savoir
Il a donc été répondu favorablement et concrètement au postulat du député Jean-Michel Dolivo (POP solidaritéS) demandant la réhabilitation des personnes détenues administrativement dans le canton dans la période d’un demi-siècle. 2’523 prononciations d’internement pour alcoolisme ont été déterrées, 4’658 dossiers d’enfants placés ont été mis à jour dans les archives du Service de protection de la jeunesse (SPJ) durant cette période: enfants séparés autoritairement de leurs parents dès l’âge d’un an pour certains, séparés aussi souvent de leurs frères et sœurs. Josée Martin, députée socialiste, a reçu aussi une réponse à son postulat demandant «la sauvegarde des archives des enfances volées.» Malheureusement, il restera impossible de tout savoir, comme par exemple combien de mères ont été persuadées de «donner» leur enfant à l’adoption. A ce jour, 150 personnes ont reçu une aide cantonale immédiate de 12’000 francs en guise de reconnaissance de leurs souffrances. Hélas, la majorité des personnes concernées ne sont plus là pour en bénéficier aussi.

Jean-Michel Dolivo s’est déclaré satisfait du rapport et de la réponse à son postulat – acceptés par l’ensemble du Grand Conseil avec une abstention. Il a conclu en affirmant «qu’il ne doit plus y avoir d’êtres humains traités comme des personnes de seconde catégorie, des personnes pour lesquelles des lois, des autorités, des pratiques portent atteinte à leurs droits et à leur dignité, qu’il s’agisse aujourd’hui de roms, de demandeurs d’asile, de mendiants, de chômeurs, d’invalides ou de personnes atteintes dans leur santé mentale. Plus jamais ça!»