La Migros se mêle du scrutin sur les dimanches

Genève • Des affiches pour l’ouverture des magasins le dimanche, sujet soumis au vote le 27 novembre, sont apparues dans les succursales Migros. Une ingérence discutable dans la vie politique.

En 1925, l’apprenti Gottlieb Duttweiler rentre de longs séjours au Brésil et aux Etats-Unis et constate que les Suisses payent les articles courants beaucoup trop cher. Il achète cinq camions Ford, les fait transformer en magasins MI-GROS (= presque en gros), les charge de produits et commence à sillonner les rues et à vendre des aliments presque au prix du grossiste.

En 1941, Duttweiler transforme la Migros SA en une coopérative. En offrant ainsi l’entreprise à ses compatriotes, il s’assure des avantages fiscaux considérables, les coopératives étant plus faiblement taxées que les sociétés anonymes. En 1950 sont publiées les 15 thèses de Gottlieb et Adèle Duttweiler, des directives non contraignantes pour les coopératives Migros, où le couple exprime le désir de «servir dans le sens le plus croyant du mot» et de témoigner leur «foi en Dieu». Que ces temps-là sont lointains!

Depuis 2014, la Coopérative régionale de Genève est dirigée par Philippe Echenard, qui a été directeur du SV Group AG, une société active dans la restauration et l’hôtellerie en Suisse, en Allemagne et en Autriche, et membre de la direction de McDonald’s Suisse. Et la tradition d’implication en politique semble toujours d’actualité, ce qui est probablement conforme à la thèse n° 4 de 1950: «S’appuyer sur le peuple.» Ainsi, M. Echenard ne se gêne pas de se prononcer sur la votation cantonale du 27 novembre au bout du lac, portant sur l’ouverture des magasins le dimanche.

Dans le Migros-Magazine romand, tiré à 503’615 exemplaires, il exprime sa position en faveur d’une ouverture dominicale sous le titre «Ensemble, soutenons le commerce genevois et défendons l’emploi». Contrairement au PLR, il accepte le contre-projet soumis au vote, qui admet que l’on fasse travailler les employés des magasins trois dimanches par an en plus du 31 décembre.

La place des femmes derrière les caisses
Mais il va plus loin. Au moyen d’affiches du même format que celles qui nous annoncent une baisse de prix sur l’un ou l’autre article en vente, M. Echenard a fait placarder son mot d’ordre de vote aux vitrines des plus de 40 succursales Migros à Genève. Ce faisant, est-il bien dans l’esprit de sa thèse n° 14 de 1950, qui met en garde contre l’abus de la puissance financière et professe de placer l’être humain au centre de l’économie? Ou plutôt dans celui de la thèse no 6: «Travailler en tout temps et partout au grand jour» (soit 7 jours sur 7?). Enfin relevons encore la thèse n° 9: «Pour l’amour du ciel, assurez-vous la collaboration des femmes». Avec tout cela, les femmes comprendront que le dimanche, leur place est derrière les caisses de la Migros…