La Suisse reconnaîtra-t-elle ses enfants?

12 février • Le peuple suisse se prononcera début février sur la naturalisation facilitée pour les jeunes étrangers de la troisième génération. Un comité interpartis mène campagne depuis quelques semaines.

Ils sont nés et ont grandi ici, comme leurs parents, mais ils ne sont pas Suisses. Ne devraient-ils pas bénéficier d’une procédure de naturalisation facilitée? C’est à cette question que devront répondre les votant-e-s le 12 février prochain, en même temps qu’ils s’exprimeront sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises et la création du fonds FORTA. Pour le comité interpartis «OUI à la 3e génération» – qui regroupe des parlementaires PS, PLR, PDC, PBD, PVL, Verts et PEV – «les personnes dont les parents et les grands-parents ont déjà vécu en Suisse font partie intégrante de notre pays et devraient donc pouvoir obtenir plus facilement le passeport rouge à croix blanche». Les membres du comité ont réaffirmé cette vision lors d’une conférence de presse récemment à Berne.

4000 à 5000 jeunes concernés par an
Précisément, l’objet soumis au vote est un ajout dans l’article 38 de la Constitution qui définit que le Confédération facilite la naturalisation des étrangers de la troisième génération. Le Parlement a déjà adopté une loi d’application dans laquelle la droite a introduit toute une série de conditions limitant l’application de ce principe constitutionnel. Pour accéder à la naturalisation facilitée, il faudra par exemple avoir moins de 25 ans et au moins un parent au bénéfice d’un permis d’établissement (permis C). En clair: la naturalisation ne sera ni automatique, ni garantie pour toute la troisième génération. Ce changement, s’il était accepté, toucherait entre 4’000 et 5’000 jeunes par année. Si l’on compare ce chiffre aux 2 millions d’étrangers résidant en Suisse, on voit bien que le danger de «brader» le passeport suisse brandit par l’UDC ne tient pas la route.

Qu’est-ce qui changera si le peuple vote OUI le 12 février? Principalement deux choses. Premièrement, la personne qui aura accès à la naturalisation facilitée ne devra plus prouver qu’elle est intégrée, comme c’est le cas aujourd’hui. Ce sera au contraire à la commune ou au canton de prouver que la personne n’est pas intégrée dans le cas où il souhaiterait s’opposer à la naturalisation. Deuxièmement, il y aura une harmonisation des pratiques au niveau fédéral. Aujourd’hui, chaque canton y va de sa propre recette: 9 cantons n’ont introduit aucune facilitation, d’autres ont renoncé à quelques obstacles, tandis que Vaud et Neuchâtel sont allés beaucoup plus loin en renonçant même à tout entretien et examen pour les personnes nées en Suisse.

Un chemin difficile
Rien de révolutionnaire donc, mais le combat s’annonce difficile. Au cours des dernières décennies, le peuple suisse a rejeté toutes les propositions visant à faciliter la procédure de naturalisation des jeunes étrangers. On se rappelle en particulier de la double votation du 26 septembre 2004, où la naturalisation facilitée pour la deuxième génération et la naturalisation automatique pour la troisième génération étaient toutes deux refusées, par respectivement 56,8% et 51,6% des voix. A l’époque comme aujourd’hui, l’UDC s’était retrouvée seule contre tous. Elle avait triomphé, avec l’aide de son affiche montrant des mains qui agrippent des passeports ou à la photo de Ben Laden sur une carte d’identité helvétique. Une importante mobilisation sera nécessaire – en particulier en Suisse alémanique – pour que la Suisse reconnaisse enfin ses enfants.

L’appel «Oui à la naturalisation facilitée de la 3e génération» peut être signé sur www.3eme-generation.ch.