Régime sec pour La Poste à l’approche des fêtes

Suisse • Alors qu’une troisième cure d’amaigrissement de La Poste a été révélée par la presse juste avant Noël, les syndicats se préparent à la résistance. Syndicom a également commencé à répertorier, dans chaque canton, les bureaux de poste potentiellement menacés.

Le 5 juin dernier, 70% des électeurs suisses rejetaient l’initiative «Pro service public», lancée par les magazines de consommateurs. Soutenue par aucun parti ni aucun parlementaire fédéral, celle-ci avait pourtant réussi à faire parler d’elle au point de créer un véritable débat sur la question en Suisse. Un mois avant le vote, un sondage réalisé par Tamedia prédisait ainsi son acceptation à 60%. Le signe d’un certain attachement de la population à ses services publics?

Ce n’est pas le message que semble avoir retenu La Poste, qui en est, 6 mois plus tard, à sa troisième annonce de cure d’amaigrissement. Fin octobre, elle informait de la fermeture de 500 à 600 offices postaux d’ici 2020 pour les remplacer par des «points d’accès», notamment dans des commerces. «Environ 1200 collaborateurs pourront être concernés par ce changement», précisait-elle. Début novembre, la volonté de réorganisation de Postfinance, avec de possibles réductions d’effectifs à la clé, était annoncée. Enfin, juste avant Noël, la presse dominicale révélait que le Géant jaune prévoit d’économiser environ 30% d’ici 2020 dans ses secteurs finance, personnel et communication.

Un demi-milliard de bénéfices

«Ce chiffre de 30% n’a qu’une valeur indicative. Il ne faut pas imaginer qu’un poste sur trois sera supprimé», s’est empressé de rassurer, dans les médias, le porte-parole de La Poste Olivier Flüeler. Ainsi, la diffusion en ligne notamment des magazines destinés au personnel et à la clientèle serait à l’étude. Mais il faut tout de même «s’attendre à des suppressions de postes ces prochaines années», a-t-il ajouté.

Du côté de Syndicom, on regrette de «ne pas avoir été tenu au courant» des plans de réorganisation, tout en soulignant qu’«il sera difficile de réaliser 30% d’économies sans toucher au personnel». Si La Poste a annoncé que certains collaborateurs pourraient repostuler après réorganisation, «ils coupent tellement de tous les côtés qu’on ne voit pas où certains retrouveront un emploi», estime Yves Sancey, responsable de la communication du syndicat, qui dénonce un «nouveau plan d’économie alors que La Poste fait un demi-milliard de bénéfices». Pour le syndicaliste, cette troisième annonce depuis l’été «commence à bien faire».

Du côté du Syndicat autonome des postiers (SAP), Olivier Cottagnoud renchérit: «Ça n’arrête pas, c’est un démantèlement de l’entreprise avec la bénédiction du parlement fédéral. La Poste n’est plus une entreprise publique!», dénonce-t-il. Relativement à la fermeture annoncée de nombreux offices, il rappelle, comme Yves Sancey, que si les opérations au guichet ont diminué, le trafic général de colis, en particulier lié aux entreprises, est plutôt en augmentation, mais sans forcément passer par les offices de poste. «La réorganisation interne de La Poste réduit l’importance des offices. C’est une stratégie pour les diminuer», dénonce le président du SAP. «On a l’impression que la Poste suit une pure logique financière, sans vraiment réfléchir. Ce faisant, elle pénalise les citoyens, les emplois et les PME», critique encore Yves Sancey.

«Avant, il y avait une fierté à travailler pour La Poste»

Face à cette situation, Syndicom a demandé un moratoire sur la fermeture des offices et lancé une pétition ainsi qu’une «campagne transparence» consistant à répertorier, dans chaque canton, les bureaux de poste potentiellement menacés. A Fribourg par exemple, seuls 9 offices sur les 68 actuels sont garantis à l’avenir, avance le syndicat, qui estime que «la Poste va supprimer tout ce qu’elle peut supprimer légalement».

Interrogée par La Liberté, la porte-parole du géant jaune Nathalie Dérobert Fellay ne s’est pas prononcée sur ce pronostic, précisant qu’aucune décision n’avait encore été prise. Les autres cantons romands seront prochainement soumis à la même démarche par Syndicom. Des réunions avec le personnel sont également prévues et le syndicat «se prépare à d’éventuelles mobilisations», ajoute Yves Sancey. Du côté du SAP, le constat est plus mitigé: «Cela fait plusieurs années que le personnel est démotivé. Avant, il y avait une fierté à travailler pour La Poste. Maintenant, ce n’est plus qu’alimentaire. Les gens sont résignés et il y a peu de révolte», constate-t-il.

Du côté des politiques, plusieurs conseillers nationaux ont manifesté leur indignation, le Grand Conseil tessinois a adopté une initiative cantonale contre l’élimination prévue de 32 offices postaux, et des interventions parlementaires ont été déposées en Valais, à Lucerne et à Berne, selon Yves Sancey. Affaire à suivre.