La Grèce scolarise les enfants des réfugiés

Grèce • Les enfants et jeunes de 7 à 18 ans constituent le tiers des 65’000 personnes piégées dans le pays. Malgré ses difficultés, la Grèce a mis sur pied un programme ambitieux de scolarisation pour les enfants réfugiés.

Depuis la fermeture des frontières européennes,les jeunes vivent avec leurs familles dans des structures d’hébergement collectif pour réfugiés et migrants. Une loi promulguée en septembre 2016 pose les bases de leur scolarisation. Refusant dès le début de déléguer cette tâche à un organisme à part, le groupe de travail a insisté pour intégrer celle-ci dans l’instruction publique grecque. On a décidé de faire la classe non pas dans les centres d’accueil mais à l’extérieur, dans des bâtiments scolaires vacants l’après-midi. Seuls les enfants d’âge préscolaire sont pris en charge à l’intérieur des centres, près de leurs mamans.

En vingt heures hebdomadaires, les élèves suivent un enseignement de grec, d’anglais, de maths, de communication, d’informatique et de gymnastique, des activités sportives et artistiques (musique, dessin, théâtre) leur étant en outre proposées. À chaque centre d’hébergement correspond une unité scolaire sous la responsabilité d’un coordinateur, qui veille à la réalisation appropriée du programme.

Le projet a pu être réalisé grâce à l’implication de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), dont la section grecque se charge du transport accompagné des enfants entre les centres d’hébergement et les écoles. 61 bus affrétés par l’OIM amènent quotidiennement quelques 3’000 écoliers dans une centaines de structures scolaires réparties sur tout le pays. Des ONG grecques et internationales ont su convaincre l’Union européenne de débloquer des fonds d’urgence.

Des élèves accueillis chaleureusement
L’organisation de l’enseignement hors des centres d’accueil a dû surmonter maints obstacles. Il a fallu s’assurer l’adhésion des autorités des communes qui se verraient attribuer une telle école. Les édiles voulaient être en mesure de répondre aux objections du voisinage et surtout de rassurer les parents qui craignent que la cohabitation avec les élèves étrangers ne soit nuisible à la santé de leurs enfants. Pour dissiper ces craintes, le ministère de la Santé a fait procéder à l’examen médical et à la vaccination de l’ensemble de ces jeunes.

Les écoles recevant des classes de réfugiés sont souvent situées dans des quartiers ouvriers qui ont eux-mêmes été construits, dans les années 20, pour loger des réfugiés grecs chassés massivement d’Asie Mineure. Leurs habitants se sont montrés sensibles à l’évocation du passé de réfugiés de leurs ancêtres et ont accueilli chaleureusement ces élèves atypiques. La rentrée scolaire d’octobre 2016 s’est déroulée dans une atmosphère festive pour le voisinage, les enseignants et les élèves, avec force applaudissements, ballons et sucreries.

Une tache hideuse au tableau: les agissements des nazis d’ «Aube dorée», qui essayent de terroriser habitants et enseignants dans le but d’empêcher la scolarisation des réfugiés. Il y a aussi des réactions négatives dans des centres d’hébergement, où certains parents méfiants ont peur de laisser partir leurs enfants pour quelques heures. Au camp d’Ellinikon près d’Athènes, des résidents ont empêché le départ du bus scolaire pour protester contre leurs mauvaises conditions d’hébergement.

Des mesures salutaires qui ne touchent pas les îles

Les réactions des élèves sont par contre unanimement positives. Pour beaucoup d’enfants qui ont parfois déjà dix ans, c’est la première fois qu’ils peuvent aller à l’école. Ils trouvent «génial» de pouvoir eux aussi s’asseoir sur un banc et avoir un cartable, des crayons et des cahiers, offerts par l’OIM. Certains rêvent maintenant d’un avenir de pilote, d’avocate, de doctoresse ou d’infirmier. L’UNICEF et le Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés prodiguent des éloges. Daniel Esdras, le chef de mission de l’OIM en Grèce, souligne que l’implication de son organisation est «une des choses les plus importantes que l’OIM accomplit: tenter de faire retrouver à ces enfants un semblant de normalité et d’ordre. Tout ce qui est associé à l’éducation est vraiment crucial».

Ces mesures salutaires n’atteignent malheureusement pas les enfants résidant dans les centres d’enregistrement sur les îles. En vertu de l’accord passé entre l’UE et la Turquie, les réfugiés sont retenus pendant des mois dans les centres de premier enregistrement à Lesbos, Chios, Samos, Cos ou Léros pour être triés. Les personnes qui fuient des zones de guerre, en particulier les porteurs d’un passeport syrien, ont droit à la protection internationale. Les autres réfugiés sont considérés comme «économiques», destinés à être renvoyés dans leur pays d’origine via le dernier État par lequel ils ont transité.