En effet, grâce aux mesures dilatoires destinées à retarder cette votation, celle-ci n’aura pas lieu avant le mois de novembre de cette année, tandis que la couleur orange des 30’000 drapeaux accrochés aux balcons depuis une année commence à pâlir et que les moyens financiers des initiants faiblissent.
Parcours tortueux
Mais il y a plus grave encore. Alors qu’en janvier 2017, sitôt après le dépôt de l’initiative, le Conseil fédéral recommandait de la rejeter sans contre-projet, une commission du Conseil national élaborait un contre- projet indirect. Il fut accepté en mai 2018 par la grande majorité du Conseil national. Ce contre- projet allait dans le sens des initiants qui se montraient alors prêts à retirer leur initiative s’il était accepté. Néanmoins, à une courte majorité, le Conseil des États n’est pas entré en matière sur ce contre-projet qu’il a toujours combattu.
En été 2019, par une démarche inhabituelle, le Conseil fédéral intervient dans le différend entre les deux chambres. Jusqu’ici hostile à tout contre-projet, il informe le Conseil des États qu’il serait favorable à un contre-projet en préparation, lancé par la conseillère fédérale Karin Keller-Suter. Il obtient alors, via la chambre haute, que la discussion soit reportée après les élections fédérales.
Contre-projet alibi
En décembre 2019, le Conseil des États nouvellement élu s’empresse d’accepter ce nouveau contre-projet, élaboré à la hâte et vidé de toute substance mais qui, visiblement, est là pour tenter de faire barrage à une initiative alors au firmament dans les sondages. Comme le Conseil national est demeuré sur ses positions, c’est finalement en Conférence de conciliation que la décision vient de tomber.
Et, après un de ces glissements dont le «parti du centre» PDC a le secret, le contre-projet initial du Conseil national a été abandonné au profit du contre-projet alibi qui sera opposé à l’initiative. Ainsi, les multinationales ont obtenu le maximum qu’elles pouvaient attendre du Conseil fédéral et des chambres fédérales. Ce n’est pas en vain qu’elles investissent dans Economiesuisse et SwissHoldings…
Coup du sort supplémentaire: la pandémie, survenue Entretemps, complique encore la situation. Reste à espérer que le mouvement créé pour mettre les multinationales face à leurs responsabilités conservera assez de ressources pour affronter leur puissance financière et qu’il réussira à entraîner avec lui une majorité du peuple suisse sensibilisé par la défense des droits humains et le combat pour l’environnement.
