Le parti solidaritéS en pleine division

Genève • Deux clans se sont formés au sein de solidaritéS, au point de mener le parti au bord de l’implosion. Pour y voir plus clair, interview d’Alexander Eniline, président du PdT, une des composantes de la coalition Ensemble à Gauche (EàG).

Le local de la rue des Gares à Genève restera aux mains de la coordination de solidaritéS, instance dirigeante de la formation. (DR)

La semaine dernière, une lettre ouverte, signée par le député de solidaritéS, Jean Batou, et appuyée par d’autres élu.e.s du parti comme Pablo Cruchon, Jean Burgermeister, Pierre Vanek, Rémy Pagani ou la conseillère nationale Stefanie Prezioso, mettait le feu aux poudres dans ce parti. Teneur des accusations? Le fait de ne pas avoir présenté de candidat.e de solidaritéS aux élections cantonales partielles du 7 mars. La missive faisait fi de la candidature de Morten Gisselbaek, candidat du PdT au scrutin. «La défection d’EàG est à nos yeux une faute politique majeure, en particulier vu la grave crise sanitaire, sociale et politique que nous traversons… Cette désertion est grave. Au bout de ce chemin de repli et d’accommodement avec le programme des dominants, il y a la disparition programmée d’EàG du parlement cantonal au printemps 2023», pouvait-on lire entre autres amabilités. Suite à ce brûlot, réponse du tac au tac de la part de la dénommée coordination de solidaritéS, regroupant des membres de la direction du parti comme la députée Jocelyne Haller. «La communication à laquelle nous réagissons découle malheureusement des tensions internes qui agitent solidaritéS depuis quelques mois. Elle s’inscrit dans une démarche programmatique d’un nouveau parti en gestation. Elle a peu à voir avec l’élection complémentaire dont elle parle abondamment, mais elle entérine la volonté de certain.e.s membres de solidaritéS de prendre leurs distances avec notre mouvement. A l’évidence sans le laisser indemne», assurait le texte. Président du PdT, une des composantes de la coalition Ensemble à gauche, Alexander Eniline, nous éclaire sur ces passes d’armes.

SolidaritéS lave son linge sale en public. Quels sont les tenants et aboutissants de cette guerre interne?

Alexander Eniline Juste après les élections cantonales de 2018, où nous étions partis unis, Jean Batou a lancé l’idée de créer un nouveau «grand parti» à la gauche du PS. Cette proposition que nous avons refusée fait aussi débat au sein de solidaritéS et polarise les positions en deux clans. A cela se superpose un conflit interne de pouvoir à solidaritéS, marqué par le jusqu’au-boutisme de certains, qui n’ont pas l’habitude que l’on conteste leur pouvoir et de le partager, comme on a pu le voir au moment du départ-éviction de quatre membres de solidaritéS, venu.e.s rejoindre nos rangs.

Les auteurs de la lettre ouverte veulent désormais pouvoir reverser leurs jetons de présence à qui ils veulent. Qu’est-ce que cela signifie?

D’après les accords conclus pour les élections au Grand conseil de 2018, les élu.e.s doivent reverser partie de leurs jetons de présence à la formation, qui les a fait élire. En proposant une rupture par rapport à ce système, Jean Batou et consorts indiquent qu’ils veulent pouvoir verser leurs indemnités au nouveau parti qu’ils souhaitent lancer et qui pourrait s’appeler Ensemble à gauche, résistons!.

Genève a-t-il vraiment besoin d’un nouveau parti à la gauche du PS?

C’est du grand n’importe quoi. Ce parti prétend vouloir fédérer tout le monde, mais il fragmente encore plus la gauche de la gauche, en créant une organisation de plus. D’ailleurs, les réactions ne se sont pas fait attendre, partagées entre commentaires ironiques et constat catastrophé sur une division supplémentaire infligée à la gauche radicale, qui enlève toute crédibilité à ce nouveau parti.

Comment va se positionner le PdT face à tous ces remous?

La guerre interne de solidaritéS nous concerne de loin. Nous sommes engagés dans une campagne cantonale avec la candidature de Morten Gisselbaek (ancien memebre de solidaritéS ayant rejoint le PdT) et nous essayons de faire au mieux un travail politique. Nous n’avons pas non plus décidé de notre future politique d’alliance. n
Propos recueillis par Joël Depommier