Continuité révolutionnaire et castriste

Cuba • A l’occasion du VIIIe Congrès du PCC, Raul Castro a décidé de quitter la direction politique du parti. Andrea Duffour, présidente de la section fribourgeoise de l’Association Suisse-Cuba, revient sur cet événement et l’avenir de l’île.

Raul Castro à la tribune du VIIIe Congrès du PCC, sous le regard de José Marti et consorts. (PCC)

Le départ de Raoul Castro induit-il des changements dans la politique insulaire?

Andrea Duffour Tout d’abord, j’aimerais souligner qu’à Cuba, il n’y a jamais eu de culte de la personnalité. Par contre, il y a toujours eu un grand respect de la personnalité de Fidel et de Raul. Le plus important? L’idée de la continuité. Avec une actualisation constante du modèle choisi par le peuple cubain. Rappelons aussi que Raul n’a jamais été élu juste parce qu’il est le frère de Fidel, mais selon les statuts de la constitution cubaine en vigueur à l’époque. Cela avec une majorité absolue. Une élection libre et logique relativement à sa trajectoire et ses mérites pour avoir été un cadre révolutionnaire exemplaire dès le début. Rappelons ici la tentative de la prise de la Moncada, la prison avec d’autres révolutionnaires, l’exil au Mexique, l’expédition du Granma, puis toutes ses années de travail révolutionnaire cohérent avec le peuple cubain.
Dans ce VIIIe congrès du PC qui s’est achevé le 19 avril, Raul rappelle que selon l’Art. 5 de la Constitution de Cuba,le PCC unique, martinien, fidéliste, marxiste et léniniste, avant-garde organisée de la nation cubaine… reste en liaison permanente avec le peuple. Il est la force politique dirigeante supérieure de la société et de l’État… pour développer des valeurs éthiques, morales et civiques. Vous le devinez, l’immense majorité des Cubaines et Cubains ont l’intention de maintenir leur modèle.

Des changements économiques en perspective?

Je n’ai jamais rencontré un peuple ayant un tel sens de l’adaptation. Les changements économiques à Cuba ont commencé le 1er janvier 1959 et sont en continuelle adaptation face à la situation de guerre économique que subit cette petite île. Elle est constamment obligée de faire des choix économiques relativement à l’intensification du blocus économique, commercial et financier. En revanche, ce peuple a choisi un modèle économique et social de développement socialiste et reste intransigeant sur ce point. Je souhaiterais au moins qu’on les laisse choisir souverainement le modèle qui s’adapte le mieux à leurs réalités difficiles et à leurs besoins. Sans vouloir leur imposer notre modèle libéral.

Que faut-il attendre de Miguel Díaz-Canel, le nouveau Président du PCC?

Miguel Díaz-Canel est vice-président du Conseil d’État depuis 2013, président du Conseil d’État dès 2018 et Président de la République à partir de 2019. Certes, c’est la première génération qui n’a pas été là au début de la révolution. Toutefois elle est déjà née sous ce blocus qui conditionne cette petite île depuis 60 ans.
Le peuple attend de lui qu’il continue à s’adapter face à l’agression subie en actualisant le modèle social et économique de Cuba. En ce moment, il y a la tâche de l’«ordenamiento». Avec notamment des ajustements salariaux nécessaires aux nouvelles réalités, les difficultés économiques qui s’accentuent après avoir perdu plus de 144 milliards de dollars suite au blocus. Il faut trouver une relation adéquate entre les salaires et les prix des vivres qui augmentent continuellement, développer la science, innover la production tout en maintenant les moyens de production dans les mains du peuple, avec la lutte contre la Covid-19 en sus. Comme le parti unique promeut en son sein et dans la société en général la plus grande démocratie et un échange permanent, sincère et profond d’opinions, les personnes à sa tête n’ont jamais fait la pluie et le beau temps. A Cuba, nous avons une démocratie participative.
Et, comme le rappelle Raul Castro durant ce Congrès: L’unité de l’immense majorité des Cubaines et Cubains autour du parti doit se garder soigneusement et il ne faut jamais accepter la division entre révolutionnaires sous de fausse raison d’une plus grande démocratie, car ceci serait le premier pas vers la destruction de l’intérieur de la propre révolution – leçon qui pourrait nous servir aussi.

Peut-on s’attendre à un changement de politique avec Joe Biden? Une levée de l’embargo?

A Cuba, on ne parle pas d’embargo. Mais de blocus. Car il y a ce caractère d’extraterritorialité. Ainsi les USA obligent des pays tiers à appliquer leurs «sanctions». Ce blocus est illégal du point de vue du droit international. Nous pouvons tous constater que les démocrates aux États-Unis n’ont jamais appliqué une politique extérieure moins agressive que les républicains – regardons leur actuelle politique envers la Russie, la Chine, l’Iran, l’Afrique, le Proche et le Moyen Orient, et évidemment le Venezuela et d’autres pays d’Amérique latine. Donc on ne peut s’attendre à aucun changement important par rapport à Cuba à court et à moyen terme. D’ailleurs, M. Biden a exprimé plusieurs fois que Cuba n’est pas une priorité.

Où en est-on des relations entre UE et Cuba? Et entre la Suisse et Cuba, alors que certaines banques suisses interdisent le transfert d’argent vers l’ile et paralysent l’action des associations de soutien?

Il est primordial que les pays européens, qui se sentent obligés à suivre ces pratiques, arrêtent immédiatement avec leur participation à cette politique agressive et inhumaine contre les peuples et les États qui ne s’alignent pas sur les diktats des impérialistes.
Nous saluons notre parlement qui a accepté le 9 mars 2021 avec 98 voix notre postulat demandant que la Suisse s’engage fermement et activement à mettre un terme au blocus économique des États-Unis contre Cuba. Comment d’ailleurs se dire démocrate et ne pas être opposé ouvertement et activement à ce blocus illégal?