L’école japonaise de la porcelaine

Expo • Le Musée de la céramique Ariana présente une collection japonaise de porcelaine de grande finesse remontant du 17e siècle jusqu’au début du XXe.

Expo Chrysanthèmes, Dragons et Samouraïs, Plat Arita (© Musée Ariana, Ville de Genève)

Inventeur et principal producteur de céramique en porcelaine, la Chine fait face au 17e s. à l’effondrement de la dynastie des Ming. A cette époque, ce matériau et cette technique sont inconnus en Europe, qui développe alors une production de faïence comme l’expliquent bien deux salles du Musée.

Durant le dernier siècle de domination Ming, les effets du petit âge glaciaire se firent sentir sur l’agriculture, les catastrophes naturelles et les épidémies, tandis que la vie politique à la cour, puis dans l’empire devenait toujours plus instable. Face à cette situation et à une époque où le commerce mondialisé globalisé était déjà une réalité, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales décide de s’approvisionner en céramique de porcelaine au… Japon. Elle a pu y maintenir un petit comptoir sur l’île artificielle de Deshima, dans le port de Nagasaki, après la fermeture du pays aux étrangers entre 1650 et 1842.

Palette colorée

Si au début, les ateliers nippons développent des plats, assiettes en style chinois kraak avec fond blanc et décors bleus qui font penser à des azulejos portugais, ils vont rapidement s’affranchir de cette influence, en développant des céramiques polychromes de toute beauté. L’appellation kraak est une allusion au nom des bateaux portugais, caraques, dans lesquels la céramique était transportée.
La visite permet notamment de découvrir la production Nabeshima, du nom d’un clan seigneurial puissant dans l’ile de Kyūshū, tout au sud du pays. Outre la finesse de traits inspirés de thèmes de la nature avec bambou, châtaignier, hortensia, pin ou cerisier, les motifs ont la caractéristique d’être décentrés sur le support, alors que d’autres sont en gros plan. Loin d’un art du seul mimétisme ou illustratif, ces variations simplifiées proposent une interprétation à l’essentiel d’un thème aux fortes dimensions contemplatives et zen. Ces pièces resteront cependant pour la plupart au Japon, y étant classées comme «biens culturels notoires».
Tel n’est pas le cas de la production d’Imari au nord-ouest de l’île de Kyūshū, et de son four localisé non loin d’Arita, à Okawachiyama, et reconnu à juste titre comme principal de la contrée ou de Kutani dans la province d’Ishikawa, sur l’ile principale de Honshu.

Motifs végétaux

Nettement plus chargée que la production Nabeshima, mais remarquable dans la subtilité du trait, la production d’Imari s’identifie facilement par ses trois couleurs dominantes, le bleu de cobalt, le rouge de fer orangé, le tout rehaussé d’or. Sur les assiettes, coupes ou plats, on retrouve les variations de thèmes représentant aussi bien le monde végétal (arbres, fleurs) que le domaine animalier réel ou chimérique. Mais aussi des références aux religions comme le bouddhisme ou le confucianisme, de cet Extrême-Orient, dont la riche clientèle se délectait de l’exotisme. Fidèles au style Kutani, les pièces les plus sobres dans leur version Ko-kutani, (Ancien Kutani), où dominent le vert intense et les motifs originaux et simples toujours tirés de la nature attirent particulièrement le regard.

Présentant des œuvres sur deux siècles, cette exposition nous rappelle que le Japon est un grand pays de la céramique. Il est ainsi riche d’une production en grès dès la préhistoire. Elle perdure à travers les siècles. Cela notamment au sein des ateliers à Mashiko au cœur de la province de Tochigi ou à Bizen dans la préfecture de Okayama à l’ouest de Kobe, avec des oeuvres en sobres teintes partagées entre beige et rouille.

Musée Ariana, Genève, Chrysanthèmes, dragons et samouraïs, Exposition jusqu’au 6 septembre 2021.