Infirmières en première ligne dans les urnes

Suisse • On l’a applaudi durant la première vague Covid, mais dorénavant il faut faire plus pour le personnel soignant, estime l’Association suisse des infirmiers (SBK-ASI). Déposée en 2017, son initiative fédérale «Pour des soins infirmiers forts» sera soumise au vote le 28 novembre. Présidente de l’ASI, Sophie Ley revient sur les revendications portées par cette initiative.

Améliorer les conditions de travail et les salaires fait partie des objectifs de l’initiative. (Gustave Deghilage)

En quoi votre initiative va améliorer la condition du personnel soignant? Qui sera concerné par votre texte?
Sophie Ley Notre texte vise avant tout à répondre à la pénurie de personnel soignant et aussi à assurer que les personnes qui nécessitent des soins les reçoivent dans des conditions de qualité et de sécurité. Cela passe par la garantie d’améliorer les conditions de travail et les contrats du personnel soignant, mais aussi par la formation en nombre suffisant de personnel – hôpitaux, EMS, infirmier.ères indépendantes – et par leur formation continue. Depuis vingt ans, la situation de pénurie ne s’est pas améliorée. Au cours des dernières années, le Parlement fédéral n’a rien fait pour les soins, ce qui nous a incités à lancer une initiative fédérale, qui fixera un cadre unitaire valable sur tout le territoire.

Est-ce que votre initiative permettra de remédier au manque de personnel?

Le paradoxe actuel est que de plus en plus de personnes requièrent des soins, par le seul fait que le nombre de personnes de plus de 65 ans va presque doubler d’ici 2030, ce qui nécessitera la formation de 65’000 soignants supplémentaires, mais que, dans le même temps, l’on constate que près d’un tiers des infirmier.ères quitte leur profession avant 35 ans. Notre initiative permettra de remédier à la pénurie de soignants et garantir la qualité des soins.

Qu’attendez-vous de mieux avec le principe que «la Confédération édicte, dans les limites de ses compétences, des dispositions d’exécution sur la définition des soins infirmiers pris en charge par les assurances sociales» inscrit dans votre initiative?

Nous voulons permettre que les infirmier.ères puissent facturer directement aux caisses certains soins sans passer par un médecin référent. Cette mesure pratique n’augmentera pas les dépenses de santé, car il est prévu un mécanisme de contrôle devant prévenir une hausse des coûts de la santé et des primes d’assurance-maladie.

Comprenez-vous la position des employeurs, qui ne soutiennent pas votre initiative?

Nous avons entendu des employeurs que les institutions n’ont pas les moyens d’augmenter les nombres de contrats adéquats pour le personnel soignant. Il est pourtant prouvé que si les patients sont mieux soignés, c’est également rentable sur le plan financier. Il vaut la peine d’investir dans les soins, car ceux-ci permettent de faire directement des économies. Pourquoi? Parce qu’il y a moins de complications, moins d’erreurs, moins d’hospitalisations et un séjour hospitalier plus court. La masse salariale totale du personnel soignant dans les hôpitaux et les cliniques ne représente que 17% du coût total de fonctionnement de ces institutions. Il est prouvé scientifiquement que la qualité des soins est meilleure lorsque 80% des prestations sont assurées par des infirmières et infirmiers.

Pourquoi le contre-projet indirect du Conseil fédéral et du Parlement ne vous satisfait pas?
Le contre-projet indirect affiche des points positifs. Il prévoit que les infirmier.ères pourront facturer certaines prestations directement aux caisses-maladie. Il envisage aussi de financer jusqu’à un milliard de francs la formation et la formation continue, mais seulement sur 8 ans. Mais, il ne prévoit pas de mesures visant à améliorer les conditions de travail et le financement des prestations de soins alors qu’elles permettraient d’augmenter la dotation de personnel. Or, ce sont deux éléments-clés de notre initiative.

Dans votre argumentaire, vous dénoncez notre forte dépendance à l’étranger. Privilégiez-vous une certaine préférence nationale?

Non, mais il est indéniable que notre système de santé dépend de nombreux infirmier.ères titulaires d’un diplôme étranger. Or, bon nombre de pays à notre entour connaissent eux-mêmes une pénurie de personnel soignant. La vague de Covid, qui a entraîné une fermeture partielle des frontières, a aussi montré qu’on aurait pu connaître une catastrophe, si le personnel soignant avait été interdit d’exercer en Suisse.

Est-ce que les soins restent bons en Suisse?

Ils sont encore, mais si rien n’est fait, notamment en matière de formation de base et continue, d’amélioration des contrats de travail, de possibilités de concilier vie professionnelle et vie familiale, nous pourrions assister à un accroissement encore plus conséquent des abandons de la profession de la part d’infirmier.ères, ce qui nuirait à notre système de santé. C’est pourquoi nous avons besoin d’un OUI à l’initiative sur les soins!