Haro sur «l’ennemie publique numéro une»

Suisse • L’égérie de la gauche zurichoise, Andrea Stauffacher, écope de 14 mois de prison pour une action de 2017 devant l’ambassade de Turquie à Zurich.

Dans la nuit du 18 janvier 2017, les alentours du bâtiment de l’ambassade de Turquie à Zurich avaient été le théâtre d’une manifestation de solidarité avec les Kurdes du Rojava (Kurdistan occidental), alors sous la menace d’une offensive militaire turque du régime d’Erdogan en territoire syrien. Des engins pyrotechniques avaient été lancés et des jets de peinture rouge projetés sur la façade. Une fenêtre avait volé en éclats, mais personne n’avait été blessé. Comme il s’agissait d’un délit lié à «l’utilisation d’explosifs», l’enquête avait été confiée au Ministère public de la Confédération, qui avait décidé à plusieurs reprises de «suspendre» la procédure pénale. «Mais les dirigeants turcs à Ankara n’ayant pas voulu s’en tenir là, ont déposé un recours contre cette décision, qui a été approuvé par le Tribunal pénal fédéral. La Turquie se plaignant de l’inaction de la justice suisse, le tribunal lui a donné raison. Le Ministère public de la Confédération avait donc dû rouvrir l’enquête», accuse le site pro-kurde ANF news.

Ce 19 novembre s’ouvrait donc devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, le procès de l’égérie de la gauche révolutionnaire zurichoise, Andrea Stauffacher, alias «Andi», activiste de 71 ans, membre du secrétariat du Secours rouge international (SRI) – une association de soutien internationaliste aux militants de gauche, et active au sein du mouvement de la Reconstruction révolutionnaire (Revolutionärer Aufbau). Pour les juges, la culpabilité ne faisait aucun doute. Une trace ADN, ainsi qu’un mode opératoire comparable à celui de l’attentat contre le consulat général d’Espagne il y a dix ans, pour lequel l’accusée avait été condamnée ont largement pesé dans la balance. Le juge, qui a présidé l’audience, a qualifié d’«intense» la volonté de l’accusée de commettre des délits, selon le journal Nau.ch.
Verdict: 14 mois de prison, auxquels s’ajoute une amende liée à une manifestation lors du lockdown Covid au printemps 2020, où la militante avait appelé à un rassemblement de solidarité, qui avait réuni près de 300 personnes.

Un procès politique

Comme on pouvait s’y attendre, l’interprétation du jugement est radicalement contestée par Reconstruction révolutionnaire, qui avait mobilisé ses troupes devant l’ambassade turque de Zurich un jour avant le procès. «Le caractère politique de l’attaque est clair, provenant de l’Etat turc qui vise tous ceux qui, dans le monde entier, se solidarisent avec la lutte de la gauche turco-kurde. Mais aussi de l’Etat bourgeois suisse, qui vise tous ceux qui dénoncent son caractère de classe et de violence, et sont en rupture conséquente avec le capitalisme dominant ici», dénonce le parti. «Lorsque l’on tente de développer un positionnement révolutionnaire, il va de soi que cela implique d’entrer en conflit avec l’adversaire, … qui recourt à la répression, la division et l’emprisonnement. Tout cela n’a rien de nouveau et reflète plutôt la qualité des contradictions et des crises exacerbées au sein de la société capitaliste», anticipait Andrea Stauffacher lors d’une interview récente dans le journal de nos confrères de Vorwaerts.ch.