Le « pornogate » est-il terminé ?

Le Parlement a décidé le 25 novembre de ne pas créer de commission d'enquête dans l'affaire dite du pornogate, la consultation de sites pornographiques par des fonctionnaires et le procureur.

Le Parlement a décidé le 25 novembre de ne pas créer de commission d’enquête dans l’affaire dite du pornogate, la consultation de sites pornographiques par des fonctionnaires et le procureur.

Une motion interne déposée par Serge Vifian (PLR), signée également par la gauche (CS-POP, Verts et PS) demandait que le législatif assume ses responsabilités à travers une commission d’enquête. Les zones d’ombre dans cette affaire, et pas seulement sur le respect de la séparation des pouvoirs, sont importantes. Dès le déclenchement de cette affaire d’Etat par l’Etat lui-même, certains ont parlé d’un complot organisé pour faire tomber le procureur général. Le soussigné n’a, pendant longtemps, pas cru à cette théorie. Un avis qui a quelque peu changé au fur et à mesure que le dossier évoluait.

D’abord, il a été décidé d’ouvrir une enquête sur la consultation de sites à caractère pornographique sur le lieu de travail, et non, plus largement, sur la consultation de sites non professionnels durant le temps de travail. La nuance paraît faible, mais est fondamentale.

Si les enquêtes avaient été ouvertes sur la consultation de sites non professionnels durant le temps de travail, sans en préciser la nature, il est probable que les magistrats n’auraient pas été concernés, puisqu’ils ne sont pas soumis à un horaire de travail. Les deux magistrats de l’ordre judiciaire ayant démissionné n’auraient pas été inquiétés, sauf s’ils consultaient des sites condamnables pénalement, ce que l’enquête générale aurait également permis de vérifier.

De hauts fonctionnaires ont apporté une réponse inexacte à cette question posée dans le cadre d’une commission parlementaire en prétendant que seule la consultation de sites à caractère pornographique était interdite dans l’administration. Tout comme sur le respect de l’anonymat des services touchés par l’affaire en affirmant que trois services étaient équipés de Mac, alors qu’il n’y en a qu’un. Or, dans l’information publique donnée par le gouvernement, la particularité de l’équipement informatique (Mac) pour le cas le plus grave avait été révélée. Ceci avait permis à la presse locale d’identifier le service. L’employé indélicat n’ayant pu être découvert, c’est l’ensemble du personnel qui a été, et est encore, soupçonné, publiquement.
Cette volonté répétée de cacher la réalité par les hauts fonctionnaires, d’autres exemples existent, est de nature à éveiller des doutes, sérieux, sur la transparence de la procédure et sur ses origines.

Le chef de la police impliqué

Mais il y a pire. Révélé récemment. Il est de notoriété publique que le procureur poussé à la démission et le chef de la police jurassienne, PDC tous les deux, ne s’appréciaient guère (c’est un euphémisme). Les convaincus du complot ont toujours pensé que le chef de la police y était mêlé. Or, nous savons désormais que le patron de la police jurassienne était informé en novembre au moins de l’affaire de la consultation des sites pornographiques. Cela doit être un cas unique parmi les chefs de service dans l’administration.

Le chef de la police est même allé jusqu’à diffuser une note interne à la police, en novembre précisément, dans laquelle il promettait l’impunité à ses collaborateurs ayant consulté des sites prohibés s’ils se dénonçaient spontanément jusqu’à une date donnée.

Les convaincus du complot y voient une preuve. Sachant que l’opération anti-procureur allait avoir des effets collatéraux, il a tenté, par cette offre, de les limiter dans son propre service. On reste dans le domaine des spéculations, mais elles paraissent de moins en moins dénuées de tout fondement.

Ce que l’on sait maintenant est que certains fonctionnaires ont bénéficié d’une information pouvant les sauver le cas échéant et pas d’autres. On sait aussi qu’un chef de service au moins a été informé de la procédure dès son origine, mais pas d’autres. Des questions subsistent sur le respect des institutions, sur l’égalité de traitement due à tous les collaborateurs de l’Etat, sur le respect du secret de fonction par un chef de service, plus généralement sur la manière dont s’est déroulée la procédure. Le Parlement n’a pas voulu d’une commission d’enquête (à bulletins secrets par 29 voix contre 29 !). C’est donc publiquement, à la tribune du Parlement, qu’il faudra tenter d’obtenir certaines réponses.