Un lieu de spectacles plus que de théâtre

Théâtre de Vidy • A Lausanne, Vincent Baudriller a présenté la première partie de sa deuxième saison avec une prise de risques assumée pour le directeur et pour le public.

Plusieurs pièces en langues étrangères font partie du programme, parmi lesquelles "Werther!" ©Iko Freese et Holger Stegmann

Vincent Baudriller présente sa deuxième saison au Théâtre de Vidy-Lausanne. Il invite à toutes sortes de découvertes et rencontres intéressantes, décoiffantes, interpellantes; cependant les amateurs d’un théâtre qu’on dira traditionnel, c’est-à-dire de pièces écrites pour la scène et interprétées par des acteurs, seront probablement déçus. En fait Vidy affiche surtout des spectacles: mise en scène, sons, effets visuels, chorégraphie l’emportent sur le texte, quand texte il y a ou du moins mention d’un texte et de son auteur. Dopo la parole! Conscient qu’un certain public s’y perd, Vincent Baudriller multiplie les propositions de présentations avant et après certaines représentations.

S’il y a prise de risques de la part du directeur du théâtre, elle est demandée aussi au public; il n’est pas sûr cependant que tout le monde apprécie de devoir, par exemple, mettre des écouteurs sur les oreilles ou lire des surtitres, même si l’idée d’ouvrir Vidy à d’autres langues, donc à d’autres manières de l’art, peut être séduisante. Du reste le slogan pour la prochaine saison est: «jouer et penser in italiano, auf deutsch, en français, in english», ceci «dans le souci qui traverse notre époque du rapport à l’autre, de ce qui nous rassemble malgré nos différences». Il y aura 27 spectacles pour cette première partie de saison de septembre 2015 à janvier 2016, où l’on va jouer, danser, montrer, musiquer, parler, questionner. On se souvient que le compositeur Lutoslawski disait: «La perpétuelle curiosité pour des moyens d’expression chaque jour nouveaux lasse. On ne peut pas produire seulement des briques, iI faut construire.» Le théâtre contemporain va-t-il dès lors se construire à partir de ces investigations, créations et expérimentations?

Ouverture en fanfare
Tout commence par En Avant, marche! de Frank van Laecke et Alain Platel… Au Théâtre du Jorat, avec une fanfare d’acteurs, de musiciens et une harmonie dans une métaphore d’une marche ensemble envers et contre tout. De l’anglais ensuite, surtitré, avec The Encounter, d’après un livre de Petru Popescu inspiré par le journal de bord d’un photographe parti en Amazonie, à écouter avec un casque sur les oreilles. Puis serbe, bosniaque et allemand, surtitrés en français, pour raconter la guerre et surtout comment y survivre, Milo Rau mêlant dans The Dark Ages spectacle, politique et musique. En allemand et en français, Werther, de Nicolas Stenmann, surtitré, d’après le roman de Goethe. Mais il y aura du français aussi avec deux textes écrits et publiés de Pascal Rambert, Clôture de l’amour et Répétition, joués dans le même décor. Nicolas Bouchaud revient dans Le Méridien d’après un texte de Paul Celan. Revient encore Romeo Castellucci, après l’énigmatique Go down Moses, qui propose Sur le concept du visage du fils de Dieu, tandis que Pippo del Bono fait une sorte de messe laïque, en italien surtitré, avec Vangelo (Evangile). En italien encore et surtitrés, deux spectacles de Daria Deflorian/ Antonio Tagliarini, alors que janvier se termine avec Citizen Jobs, allusion à Steve Jobs bien sûr, de Jean-François Peyret, bataille de «pommes» entre prestidigitation et philosophie.

Citer 27 titres serait trop long; relevons encore les spectacles de danse sur une musique de Schönberg et de Steve Reich d’Anne Teresa de Keersmaeker, une comédie musicale de Yann Duyvendak, un Rentrer au volcan inattendu et certainement déroutant d’Augustin Rebetez, des spectacles pour enfants dès 4, 5 ou 7 ans, des échanges avec d’autres théâtres à Genève et Lausanne (service de bus prévu), des conférences, des expositions à la Kantina dont le e final s’est changé en a, clin d’œil à l’italien et au romanche paraît-il, pour que cela fasse moins allemand, mais pas plus romand!

www.vidy.ch.