La MIA est-elle condamnée?

Genève • Pourquoi l'initiative qui visait à agrandir et valoriser la Maison internationale des associations (MIA) de Genève a-t-elle échoué? Quel avenir pour la MIA? Notre chroniqueuse Anna Spillmann s'interroge.

Avec le bon accueil par la presse genevoise de l’initiative «Pour la valorisation et l’agrandissement de la Maison Internationale des Associations», celle-ci semblait avoir quelques chances de succès. Elle a pourtant été refusée il y a quelques semaines à 62,2% des voix. Pour tenter de comprendre cet échec, nous nous sommes entretenus avec le directeur de la Maison Internationale des Associations (MIA), Régis de Battista, qui gère les lieux en tant que président de la Fondation d’Expression Associative (FEA).

«38% d’acceptation et 40% en Ville représente déjà un taux honorable», estime le directeur, qui considère que «ce vote avait seulement pour but de remettre la question de l’avenir de la MIA au centre de l’actualité et de rendre la population consciente des problèmes qui pèsent sur la Maison». La terne campagne autour de cette initiative -quelques événements organisés à l’intérieur du bâtiment- nous semble cependant devoir être questionnée plus avant. Etait-elle à la hauteur de l’objectif? N’aurait-il pas été opportun que les militants de la MIA s’avancent au-delà du trottoir de le rue des Savoises pour présenter aux habitants de la ville et surtout à ceux des communes la richesse des activités qui se déroulent dans la MIA? La FEA se targue en effet de réunir sous son toit plus de 60 organisations, d’organiser plus de 1’500 événements chaque année, et de refléter ainsi la richesse de la vie associative de la population du bassin genevois…

Une «brochure explicative» partiale
Pour Régis de Battista, l’échec de l’initiative pour la valorisation et l’agrandissement de la MIA serait également dû à la recommandation de rejet émise par le Grand Conseil Genevois, où la droite est majoritaire. Par 57 voix, celle-ci avait en effet refusé l’initiative, qui n’avait été soutenue que par 31 voix du PS, d’Ensemble à Gauche et des Verts. Le rapport de la majorité de la commission chargée d’étudier la question, rédigé par le PLR Yvan Zweifel, est du reste truffé d’inexactitudes et de contre-vérités concernant le statut légal du site de la MIA. Dans son rapport minoritaire, la socialiste Lydia Hauser a essayé de remettre l’église au milieu du village et de rectifier la présentation erronée et tendancieuse du libéral. Dans un autre rapport minoritaire, le Vert François Lefort a proposé un contre-projet à l’initiative 158, qui aurait bien convenu à la FEA, mais qui a été rejetée par le bloc de la droite.

Malheureusement, la brochure «explicative» officielle du conseil d’Etat s’est basée exclusivement sur le rapport discutable d’Yvan Zweifel, qui laisse croire que c’est à la FEA, propriétaire des terrains, d’assumer les frais d’entretien et d’amélioration du lieu. Or, la FEA n’a qu’un droit de superficie sur certains bâtiments et en occupe d’autres à titre d’usufruitière. Cette information fallacieuse à la population habilitait la FEA à contester le scrutin et exiger l’annulation du vote. Ce n’est cependant pas ce qu’elle a fait, en raison d’un délai trop court entre la publication du résultat et la possibilité de le contester. Les militants de la MIA n’ont-ils pas pris la peine de consulter, déjà avant la votation, la brochure qui présentait leur cause?

Deux initiatives à l’origine
En 2015, des signatures avaient été récoltées pour deux initiatives jumelles, dont l’une portait sur la valorisation et l’agrandissement et la MIA, tandis que l’autre demandait que l’État de Genève solde le reste de la dette contractée en 2001 par la FEA pour aménager le site. Or, la deuxième n’a pas été soumise au vote, parce que le nombre de signatures valides transmises à la Chancellerie était insuffisant. Cette mésaventure cadre avec la faiblesse de la campagne avant la votation. Plus généralement, la politique consensuelle de la direction de la FEA, qui semble miser beaucoup sur l’entente avec des personnalités du monde politique et des finances, ne paraît pas la mener au succès. Comment les promesses peu fiables de ce monde-là pourraient remplacer une mobilisation active des usagers et une bonne information du public?

Comment continuer maintenant? Régis de Battista mise sur une initiative municipale, qui est déjà prête. On votera en Ville de Genève. Espérons que la campagne sera intense et colorée. Mais attention aux vautours de l’immobilier! La droite a en effet évoqué plusieurs fois déjà la possibilité de louer plus cher les locaux de la MIA, voire l’utilisation de la MIA pour «amener un peu de la Genève internationale vers l’autre rive du lac». Que deviendraient alors les usagers aux possibilités financières plus modestes?