4 juin, Grève des femmes!

Suisse • En prévision de la Grève des femmes, la députée Ensemble à Gauche (Parti du Travail), Salika Wenger revient sur trois moments historiques de la discrimination des femmes.

"L’égalité doit être une réalité", défend Salika Wenger.

Depuis la fin du XIXe siècle chaque génération a porté des vagues de revendications de plus en plus exigeantes. La démesure des rapports de domination des hommes sur les femmes est le fruit de nombreux moments historiques. Nous avons décidé d’en présenter trois comme représentatifs des bases structurelles sociales, qui ont conduit au sexisme de notre société. Consciente qu’il s’agit d’une simplification extrême, il nous a néanmoins paru important de démontrer que ce processus de dévalorisation des femmes n’est en rien «naturel». C’est ainsi que Gauchebdo, soutient la lutte légitime des femmes en démontrant que si les rapports de dominations ont une longue histoire, la volonté et courage des femmes n’ont pas de limite. Il est également important de présenter la revendication première des femmes: l’égalité doit être une réalité, et ce par-delà les principes et les textes de lois divers votés par des assemblées d’hommes depuis quarante ans et qui n’ont jamais été appliqués. Debout les filles!

Pourquoi nos ancêtres ont-elles cessé d’accoucher toutes seules et ont-elles commencé à demander assistance? Nous pensons que cette demande a commencé lorsque les premiers individus du genre Homo, voire il y a quelques millions d’années, quand nos ancêtres sont devenus bipèdes. L’acquisition de la position verticale a mené à un rétrécissement du bassin afin de permettre une marche plus aisée. Mais cela eut aussi pour conséquence le rétrécissement de l’ouverture du bassin par laquelle passe l’enfant, rendant ainsi l’accouchement plus difficile. C’est donc notre anatomie et pas seulement nos comportements sociaux qui ont conduit les femmes à demander de l’aide à d’autres femmes lors de l’accouchement. Cette taille maximale de l’ouverture explique aussi que de toutes les espèces mammifères, seules les femmes accouchent d’enfants prématurés, le petit humain a besoin de longs mois avant de se tenir debout et encore plusieurs semaines pour gambader. La parole elle aussi se fait attendre. Le jour de sa naissance, le bébé n’est pas autonome. Ce qui implique que la couveuse, c’est la mère! En prime on estime à 3 ans le temps permettant à l’enfant d’acquérir une relative autonomie et pendant des millénaires les femmes ont dû prendre en charge ces apprentissages. Voilà comment, notamment, la division des tâches se met en place.Merci!

Saint Paul

Paul met en rapport la tête découverte et la relation avec Dieu. La spécificité du christianisme est, pour l’Apôtre, d’avoir ouvert la voie au face-à-face avec Dieu notamment par l’intermédiaire de l’Eglise, et d’avoir ainsi inauguré une relation nouvelle entre la divinité et ses créatures. En revanche, pour St Paul, seul l’homme est à l’image de Dieu. Pour la femme, qui, elle, vient de l’homme, le voile représente donc sa distance par rapport à Dieu. Seul l’homme a le monopole du rapport direct avec la divinité ce qui explique que l’Eglise catholique ne portera à la prêtrise que des hommes. Les femmes chrétiennes doivent ainsi passer par l’intermédiaire de l’homme pour accéder à une relation avec Dieu. «Est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée?».

Ce rituel païen et pratiqué sur le pourtour méditerranéen et le Croissant fertile, sera conservé dans l’usage chrétien. La fiancée voilée est initiée, par ce signe à sa soumission à l’époux lui-même. Si la liturgie chrétienne du IVe siècle a assimilé ce rite impliquant la soumission de la femme à son époux, c’est parce que Paul a laissé la porte ouverte à cette possibilité. Ainsi Paul, en liant le culte, Dieu et le voile des femmes, en tant qu’intermédiaire entre le sacré et le profane, fait du voile un signe chrétien qui définit la soumission de la femme à l’homme. Pendant des siècles les femmes chrétiennes payeront un lourd tribut à cette position de Paul à l’égard des femmes. Voilà comment on met en place les rapports de domination que nous vivons encore.

Notre Code Napoléon adoré!

Rédigé en 1804, le Code Civil des Français, dit «Code Napoléon», consacre l’incapacité juridique totale de la femme mariée considérée comme une éternelle mineure (majeure seulement pour ses fautes):

Interdiction d’accès aux lycées et aux universités;
Interdiction de signer un contrat, de gérer ses biens;
Exclusion totale des droits politiques;
Interdiction de travailler sans l’autorisation du mari;
Interdiction de toucher elle-même son salaire;
Contrôle du mari sur la correspondance et les relations;
Interdiction de voyager à l’étranger sans autorisation;
Répression très dure de l’adultère pour les femmes;
Les filles-mères et les enfants naturels n’ont aucun droit.

Cerise sur le gâteau: à l’article 1124 de ce monument de misogynie qu’est le code civil: les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux. L’enfant appartient au mari de la femme comme la pomme au propriétaire du pommier. La femme est donnée à l’homme pour qu’elle lui fasse des enfants; elle est sa propriété. Bref, la femme et ses entrailles sont la propriété de l’homme, il en fait donc ce que bon lui semble. De plus il faut ajouter que le «devoir conjugal» est une obligation! Il n’existe pas de viol entre époux et en prime pour toutes et tous, l’interdiction de divorcer. Voilà donc comment on transforme les femmes en sous-êtres infantilisés! Il faudra attendre 1970, pour que la fonction de chef de famille soit supprimée, aucun époux n’ayant de voix prépondérante pour les décisions relatives à la famille ; la «puissance paternelle» étant remplacée par l’«autorité parentale».

Aujourd’hui

Nous voulons ne plus différencier hommes et femmes selon des qualités supposées liées à leur sexe, autorité masculine, empathie féminine, mais affirmer qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes tous semblables. Hommes et femmes ne sont pas complémentaires dans la marche de la vie mais égaux. Nous percevons sous le scénario de la complémentarité ou de la différenciation, une marchandisation de l’égalité, une dénaturation du principe originel de nos luttes. L’expression de la crise écologique et sociale, la demande égalitaire soulèvent aussi le problème de la représentation politique et du partage du pouvoir qui s’inscrivent dans la grille des inégalités sociales, oubliées ces dernières années. Le sexisme n’est pas accidentel, il est profondément ancré dans la structure même du capitalisme. Ce mouvement des femmes se veut également international, anticapitaliste, écologiste, antiraciste et les luttes des femmes vont souvent de pair avec les luttes menées par toutes et tous les travailleurs et travailleuses