Lula libre et prêt à affronter Bolsonaro

Brésil • Un juge de la Cour suprême annule les condamnations de l’ancien président de gauche brésilien. Il dispose désormais de la latitude nécessaire pour se présenter face à Jair Bolsonaro en 2022. (Par Lina Sankari Paru dans L’Humanité)

Enfin, à armes égales. Lundi soir, l’ex-chef d’État brésilien Luiz Iniacio Lula da Silva a vu annulées toutes les condamnations pour corruption qui pesaient contre lui. Cette figure de la gauche est ainsi rétablie dans ses droits politiques et peut potentiellement affronter le dirigeant d’extrême droite, Jair Bolsonaro, à la présidentielle de 2022. En 2018, ce dernier l’avait emporté à la faveur du maintien en détention de Lula pourtant favori des sondages. Pour service rendu dans le cadre de l’opération «Lavage express», qui avait permis d’incriminer Lula, le juge Moro avait été nommé ministre de la Justice de Jair Bolsonaro, avant de démissionner en 2020. «La décision de justice concernant Lula démontre qu’il y a bien eu un coup d’État judiciaire qui a permis l’élection de Bolsonaro», souligne Pascal Boniface, le directeur de l’IRIS.

Un début de retour à l’État de droit, donc. Libéré en novembre 2019 sur décision de la Cour suprême, après 580 jours d’arbitraire dans la prison de Curitiba (sud) où il purgeait une peine de 12 ans de prison, l’ancien métallo mène depuis campagne pour la justice et le retour de la démocratie dans son pays.

Partialité des juges et des procureurs

Le «guerrier du peuple brésilien», selon le surnom que lui affublent ses partisans, entamait, l’an dernier à la même époque, une tournée en Europe auprès des camarades qui l’ont toujours soutenu et devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU à Genève. Le juge Edson Fachin a estimé que le tribunal de Curitiba qui avait condamné Lula dans quatre procès n’était «pas compétent» pour juger ces  affaires. Elles devraient ainsi être jugées par un tribunal fédéral de Brasilia. Le procureur général dispose cependant d’un droit de recours devant la Cour suprême. «Nous attendons l’analyse juridique de la décision du juge Fachin, qui a reconnu avec cinq ans de retard que Sergio Moro n’aurait jamais dû juger Lula», a expliqué Gleisi Hofman, présidente du Parti des Travailleurs sur Twitter. L’impartialité des membres de l’appareil judiciaire avait déjà été mise en doute par des échanges de messages dévoilés par le site The Intercept, en 2019. Ces échanges révélaient que la condamnation de Lula visait bel et bien à l’écarter du pouvoir.

La droite sur les dents

«Ils n’ont pas emprisonné un homme, ils ont tenté de tuer une idée. Une idée ne se tue pas, une idée ne disparaît pas», disait-il à sa sortie de prison. C’est en effet toute l’expérience de gauche que la droite et les juges ont tenté de ruiner: l’accession au logement et à l’université pour les noirs, l’éradication de la faim… autant de choix de société que la bourgeoisie revancharde n’a jamais digéré. La libération de Lula, à l’âge de 75 ans, intervient dans un contexte où le Brésil est plus polarisé que jamais. Avec l’outrance dont elle est coutumière, la droite a jugé, par la voix du député Bibo Nunes (Parti social libéral), la décision judiciaire «révoltante». «Lula candidat! Le Brésil a succombé, on va devoir supporter l’euphorie des antifas et des communistes», a pour sa part éructé Coronel Tadeu, un député issu de la même formation.