Troisième vague pandémique sur l’Europe

Covid-19 • L’évolution de la situation depuis la seconde vague à l’hiver prend depuis quelques temps une tournure inquiétante. A moins que notre regard sur celle-ci ait été par trop optimiste.

Panorama des mesures en Europe. Bleu foncé: quarantaine obligatoire, bleu azur: quarantaine obligatoire à partir du 22 mars, blanc: quarantaine non-obligatoire. (DR)

Il y a une année, l’Europe commençait à prendre conscience de la gravité de la situation liée à la prolifération du Covid-19 et adoptait les premières mesures drastiques pour y faire face. Le 17 mars 2020, peu après l’Italie et l’Autriche, l’Allemagne, la France et la Suisse étaient mises sous cloche, les frontières verrouillées et les populations appelées ou contrainte, à rester chez elles.
Un an. Des privations de libertés inédites, un gigantesque coût économique et près d’un million de décès liés au virus plus tard, la situation sanitaire sur le vieux continent est toujours aussi inquiétante voire davantage, malgré les promesses de jours heureux.


Italie, en arrière tout
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Il y a trois semaines, alors que le Conseil fédéral faisait miroiter dans la presse que terrasses et restaurants pourraient possiblement rouvrir au 22 mars plutôt que début avril, la courbe des contaminations quotidiennes en Italie s’emballait, après une décrue importante.
Le pays avait décidé de rouvrir au 1er février ses bars, restaurants, magasins, musées et salons de coiffure. Ceci sur la majeure partie de son territoire. Il se voit désormais obligé de faire marche arrière et de confiner strictement. Avec notamment la fermeture des écoles et des magasins non-essentiels ainsi qu’un contrôle drastique des déplacements dans onze de ses vingt régions. Entre la mi-février et la mi-mars, le moyenne glissante (sur 7 jours) des nouvelles contaminations quotidiennes dans le pays est passée de 200 à près de 370 cas par million d’habitants, soit un quasi-doublement. Elle continue d’augmenter. A titre de comparaison, cette valeur n’avait pas atteint 100 lors de la première vague et près de 580 à la deuxième (Université John Hopkins).

L’Autriche, qui envisage de rouvrir l’ensemble de ses bars et restaurants au 27 mars, connaît une progression similaire et même légèrement supérieure avec un doublement sur la même période, passant d’environ 150 à près de 300 cas détectés par million d’habitants, et va probablement devoir y renoncer.

France et Allemagne sur le qui-vive


Pour sa part, la France connaît une ascension progressive depuis le début de mois de décembre. Lundi, elle comptait 355 cas/million d’habitant.es (contre 280, un mois plus tôt), soit à peu près autant que l’Italie. La situation paraîtrait d’une relative stabilité, à des niveaux élevés, en termes de cas détectés. Mais les les hôpitaux de certaines régions voient affluer toujours plus de patient.es dans un état critique. Les capacités en réanimation sont saturées dans le Haut-Rhin (1). C’est aussi le cas en Ile-de-France, où le taux d’occupation des lits en réanimation aurait atteint en début de semaine plus de 100% (Europe1).

Là encore, la petite musique d’un allègement des mesures sanitaires qu’entonnait le gouvernement, pour la première quinzaine d’avril, en a pris un coup.
L’Allemagne s’était fixée le 22 mars, pour réfléchir à de nouveaux assouplissements. Elle a vu le couperet tomber. Lundi, l’association des médecins allemands en soins intensifs demandait un retour immédiat à des restrictions sévères. «Nous n’avons rien à gagner à laisser la prochaine ou les deux prochaines semaines ouvertes, car nous allons atteindre très rapidement un niveau élevé et il sera 2 fois plus difficile à ce niveau élevé de faire redescendre les chiffres», mettait en garde l’un d’eux dans l’édition suisse du 20 Minutes.

Vers la nuit totale?

Il semblerait donc que l’optimisme ait cédé le pas à l’inquiétude devant ce qu’il convient de qualifier de troisième vague européenne. Pourtant, dès janvier une étude de l’Imperial College of London (encore non-revue par les pairs), pointait un risque de transmissibilité accrue de l’ordre de 30 à 70% du variant dit britannique (B.1.1.7). Ce dernier pourrait remplacer progressivement sur le continent le virus d’origine. Et participer à une nouvelle poussée épidémique. «Le variant B.1.1.7… augmente en prévalence à travers l’Europe», notent des scientifiques dans une autre étude britannique récente (également non-revue). Qui a le potentiel «pour se répandre plus rapidement avec un taux de mortalité supérieur à ce que l’on a connu depuis le début de la pandémie».

Variant sous-estimé


Lorsque cette souche a été détectée pour la première fois en octobre dernier, les médias soutenaient dans leur majorité que «rien n’indiquait qu’elle soit plus transmissible ou dangereuse». Une approche du verre à moitié plein – puisque rien n’indiquait le contraire non plus – qui joue à présent des tours. De la même façon, lorsqu’il y a deux semaines un nouveau variant apparaît dans un cluster nosocomial, à l’hôpital de Lannion en Bretagne, on se veut d’abord rassurant (Le Télégramme).

On finira rapidement par s’inquiéter. Il faut dire que ce variant a péniblement été détecté chez huit patients. Leurs tests étaient revenus négatifs bien que le tableau clinique recoupait la maladie. Ceci laissait craindre une moindre détection par les tests, possiblement due à une moindre présence du virus dans les voies respiratoires supérieures sur lesquelles s’effectuent les prélèvements. Ces personnes sont depuis toutes décédées (20 Minutes).


Circulation incontrôlée


A l’heure actuelle, la Bretagne ne fait pas partie des territoires au retour desquels une quarantaine est exigée à l’entrée en Suisse. Quand bien même cela serait le cas, rien n’indique qu’il ne circule pas d’ores et déjà un peu partout en France ou ailleurs. Rien n’indique non plus que d’autres variants n’aient pas émergés sans être détectés.

Concluons sur le fait que sur près d’une dizaine de témoignages de personnes ayant voyagé au cours des dernières semaines aucune circulant en Europe n’a subi le moindre contrôle ou l’obligation de présenter un test à l’arrivée. A leur passage aux frontières franco-suisse, germanique, espagnole ou portugaise, à pied, en bus ou en voiture, rien ne leur fut demandé. Seul un témoin indique avoir reçu un sms à son entrée sur le territoire allemand. Avec un lien lui indiquant les dispositions à prendre en matière de quarantaine en fonction de ses déplacements. Les personnes contactées ayant quitté l’Europe par avion ont dû présenter un test pour embarquer à l’aller et au retour.

(1 )Comme en mars 2020, ces situations mettent le personnel soignant dans une position difficile et douloureuse. Dans l’urgence, il doit intensifier les choix drastiques quant aux personnes jugées «plus aptes à survivre» (ndlr).