La résistance pro-zadiste s’affirme

Vaud • Des soutiens politiques et de la société civile défendent un dialogue entre zadistes en péril d’évacuation, Conseil d’Etat et le géant du ciment Holcim. Les zadistes du Mormont (La Sarraz) tiennent la colline. En pleine crise climatique, sociale et sanitaire, leur lutte écologique a valeur de symbole.

«Le retrait du permis d’habiter de la maison occupée par les zadistes a été confirmé par la Cour de droit administratif et public. La décision sera exécutable le 26 mars. Notre second recours concernant les troubles occasionnés par les zadistes sur la propriété de la Birette a également été rejeté par le Tribunal d’arrondissement de la Côte. La décision sera exécutable dès le 30 mars», a annoncé la semaine dernière l’Association Les Orchidées du Mormont.

Cette association de soutien menée par le Prix Nobel Jacques Dubochet et le philosophe Dominique Bourg, tenait conférence de presse le 19 mars dernier. Pour rappeler l’importance du combat des activistes contre l’extension de la carrière d’Holcim sur le plateau de cette colline.

Site archéologique et naturel protégé

Rappelant que le Tribunal fédéral doit encore se prononcer sur l’opposition de fond déposée par l’Association pour la Sauvegarde du Mormont à l’extension de la carrière sur le site, les deux scientifiques ont tenu à préciser qu’une telle expansion ne pourrait se faire tout de suite.«Le terrain est un site archéologique d’importance européenne. Des fouilles d’une durée estimée à deux ans devront être réalisées avant que le terrain soit livré à sa destruction», ont relevé les deux scientifiques. Pour conclure, ils ont appelé Holcim et la Municipalité de la Sarraz à prendre patience et à reporter la décision d’évacuation de la ZAD, soulignant qu’une procédure de dialogue est en cours entre les zadistes et la conseillère d’Etat écologiste, Béatrice Métraux.

Un jour avant cette conférence de presse, près de 130 député.e.s vaudois.e.s – allant de la gauche radicale aux Vert libéraux – ont fait part de leur lettre ouverte à l’attention du Conseil d’Etat demandant de surseoir à l’évacuation. «Béatrice Métraux a confirmé qu’elle était prête à dialoguer avec les zadistes», a souligné le député écologiste Vassilis Vénizelos.

Contactée à ce propos, Holcim nous fait savoir qu’elle «a toujours tenté de construire un dialogue ouvert avec les zadistes et nous prenons leurs préoccupations au sérieux. En parallèle, l’occupation au Mormont est illégale et n’est pas acceptable. Holcim a assumé ses responsabilités et entamé les démarches nécessaires devant la justice. Les autorités se sont prononcées en notre faveur. Nous espérons désormais une évacuation pacifique des lieux d’ici fin mars, conformément à la décision de justice».

Ce mardi, l’élu a déposé une motion au Grand Conseil sur le sujet, rappelant au préalable le cadre de sa démarche. «La colline du Mormont est exploitée depuis 1953 pour son calcaire. Mais cette activité lucrative entre en conflit avec les qualités naturelles et historiques du site qui est inscrit à l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP) du fait, notamment, de sa végétation riche et variée qui en fait l’un des hauts lieux botaniques du canton. Le Mormont abrite aussi un site archéologique exceptionnel classé en tant que bien culturel suisse d’importance nationale. En 2022, l’exploitation de la carrière du Mormont arrivera à la limite du périmètre d’exploitation autorisé. Le plan directeur des carrières (PDCar) adopté en 2015 par le Grand Conseil prévoit une extension de plusieurs hectares sur le plateau agricole de la Birette. Cette extension fait l’objet d’un recours porté par des organisations non gouvernementales et des particuliers depuis 2015, mais nous ne pouvons avoir aucune influence sur la décision du TF. Donc nous nous concentrons sur le reste», précise Vassilis Vénizelos.

Protection durable du site

«Notre motion, signée par le reste de la gauche, les Verts libéraux et le centre, vise à empêcher de nouvelles extensions, en renforçant le statut de protection du Mormont à travers une décision cantonale. Elle demande ainsi au Conseil d’Etat de protéger durablement la colline du Mormont de toute nouvelle extension et de toute nouvelle activité d’extraction ou de destruction des ressources naturelle et archéologique, mais aussi garantir un passage à faune généreux et à planifier les actions à entreprendre pour rétablir un espace naturel de qualité (comblement ou renaturation)», souligne encore le député. Parallèlement, les Verts vaudois ont sollicité leurs partenaires pour étudier l’opportunité de lancer une initiative constitutionnelle pour protéger définitivement le site, à l’image de la protection de Lavaux.

A plus court terme, une manifestation de soutien à la ZAD de la Colline a été agendée ce vendredi 26 mars (dès 17h15, Place du Château, Lausanne) par la Grève du climat-Vaud, qui dévoilera, à cette occasion, ses propositions politiques concrètes pour protéger le plateau de la Birette ou mettre en place une transition juste pour les salarié.e.s d’Holcim.

Pour sa part, Holcim s’avère confiante dans le verdict du TF. «La pérennisation de nos réserves en matières premières est à cet égard essentielle; tant au niveau économique qu’écologique, cela fait du sens de produire nos matériaux de construction là où les matières premières sont disponibles. C’est pourquoi une nouvelle étape d’exploitation est prévue. Elle fait actuellement l’objet d’une procédure en cours. Les premières écritures de l’Office fédéral de l’environnement sont à cet égard tout à fait favorables, nous sommes donc confiants que ce projet puisse aboutir», assure Arthur Got, son porte-parole.

Le vivant contre les multinationales

«Nous saluons cette mobilisation politique. Il n’a jamais été question de rester dans l’entre-soi, mais de pouvoir donner la parole au peuple – notamment celui du Canton de Vaud – pour qu’il se prononce sur cette aberration écologique de la production de béton. Et faire le lien avec les autres lieux de résistance à l’extractivisme. Plus on parle du problème comme à l’occasion d’une manif, mieux c’est pour nous», souligne Nestor  (nom fictif), membre du Collectif de la Colline. Du côté zadiste, on met en lumière une pression accrue de la police et de l’Etat contrariant leur accès aux biens de première nécessité.

«La ZAD subit une répression grandissante de la part des forces de l’ordre. Il y a une semaine, un barrage a été installé sur la route d’accès, limitant ainsi ses possibilités d’approvisionnement en eau et nourriture. Nous dénonçons ces décisions approuvées par l’Etat qui une fois de plus servent à protéger les profits des multinationales plutôt que le vivant». Les zadistes annoncent une résistance «créative, colorée, vivante et pleine de surprises…», en cas d’interventions policières. «Dans l’idéal, nous voulons une résistance passive», souligne Nestor. Cette résistance inquiète cependant le syndic de la Sarraz et député PLR Daniel Develey, qui, dans 24 Heures, avouait son «sentiment d’avoir été lâchés par l’État», pointant aussi que «les risques que la situation dégénère ont été sous-évalués». On n’a pas fini d’entendre parler de la Colline. Ni des zadistes, décroissants, écologistes et anti-productivistes, qui essaient d’inventer la société post-industrielle.