L’activisme néofasciste contre «La Plume Noire»

France • La Jeune Garde Lyon est un groupe formé en 2018 en espérant pouvoir insuffler une nouvelle dynamique et ampleur à la lutte antifasciste lyonnaise. Il réagit après une nouvelle attaque de l’extrême droite.

Samedi 20 mars, 14h30 à Lyon, il fait grand soleil. Une foule est réunie en musique devant le Théâtre National Populaire pour s’opposer à la politique et la gestion de la crise sanitaire par le Gouvernement. A l’autre bout de la Ville, dans le quartier historique de la Croix-Rousse, une cinquantaine de personnes cagoulées attaquent une libraire à coups de jets de pavés ravageant la façade de l’établissement. En repartant aux cris d’«Avant! Avant! Lion le melhor!»(1), l’un d’eux fait distinctement un salut nazi. Par chance, il n’y aura aucune personne blessée parmi les membres d’une association qui organisait alors une récolte solidaire au sein de cette librairie-bibliothèque autogérée par la Coordination des Groupes Anarchistes et baptisée «La Plume noire».

Les assaillants s’attendaient vraisemblablement à ce que des personnes sortent afin de les provoquer physiquement. C’est en tout cas ce que pense Raphaël Arnault, porte-parole du groupe antifasciste la Jeune Garde Lyon (JGL). «On commente souvent la violence matérielle des mouvements sociaux. Avec l’extrême-droite ce qui est visé c’est de casser de l’humain», confie-t-il une semaine après l’assaut.

Génération identitaire mise en cause

Si le groupe antifasciste a des liens avec la librairie et y organise parfois des événements, celle-ci était visée à part entière. M. Arnault rapporte que dans le quartier les locaux du Parti Communiste ont eux aussi fait les frais de cette violence, qu’il convient de nommer, sans guillemets, fasciste. «Ce qui est nouveau c’est qu’ils agissent ainsi, en plein jour. D’habitude c’était plutôt le soir, comme ça a été le cas avec deux personnes agressées une nuit de décembre 2020», raconte-t-il.

Bien qu’une enquête soit en cours, l’identité des auteurs reste inconnue, ou presque. Pour M. Arnault, il s’agirait de membres de l’ex-association extrémiste Génération Identitaire, dont le siège se situait à Lyon. «Nous ne pouvons pas le prouver, mais nous les avons reconnus», explique-t-il. Génération Identitaire a été officiellement dissoute le 3 mars dernier par décret au motif que l’association tient «un discours de haine envers des individus en raison de leur origine, race ou religion» et «pouvait être regardée par sa forme et son organisation militaires… comme présentant le caractère d’une milice privée.» (Le Monde, 03.03.21). Mais pas les associations locales liées.

Malgré cette dissolution, la JGL dénonce la persistance de deux lieux utilisés par le groupuscule, La Traboule-Maison de l’Identité lyonnaise, qualifié de «Bar des Identitaires» fermé sur décision administrative (pour raison de conditions de sécurité non remplies), un an et demi avant sa réouverture le 12 septembre 2020 et L’Agogé. L’un sert de site d’organisation et l’autre de salle de boxe. La JGL en réclame la fermeture immédiate.

Manifestation solidaire

Pour Raphaël Arnault, dissolution et fermeture de locaux permettent de casser la dynamique organisationnelle de l’extrême-droite. Toutefois, celle-ci persistant à avoir une influence dans la rue, c’est là qu’il faut peser. C’est en ce sens que l’UCL (fusion de la CGA et d’Alternative Libertaire)  organisait ce samedi à 14h, une manifestation antifasciste «en solidarité avec La Plume Noire», au départ de la place des Terreaux. «Les camarades romand.e.s sont évidemment les bienvenu.e.s!», conclut le porte-parole. Elle vient cependant d’être interdite et donc reportée

Après les violences contre la libraire, le jeudi 25 mars, des membres du groupe royaliste et nationaliste Action Française ont fait irruption avec violence dans l’hémicycle du Conseil régional d’Occitanie à Toulouse. Avec une banderole où l’on pouvait lire «Islamo-gauchistes, traîtres à la France».

(1) Cri de guerre historique en franco-provençale signifiant «En avant! Le Lion est le meilleur!», référence à l’animal qui symbolise la capitale des Gaules, Lyon.