Les métallos cramés

Jura • Catastrophe dans l'Arc jurassien. La dernière fonderie du canton de Berne disparaît. Le site est pourtant rentable

La fonderie Swissmetal-boillat va fermer. Branle-bas de combat à Reconvillier.

Catastrophe dans l’Arc jurassien. La dernière fonderie du canton de Berne disparaît. Le site est pourtant rentable.

Le couperet est tombé lundi matin : la fonderie de Swissmetal Boillat à Reconvilier disparaîtra au profit du site concurrent de Dornach. Si cette option était déjà sérieusement envisagée par la direction, l’annonce du transfert d’activités a été un choc, tant on pensait que l’usine, nettement plus rentable que celle de Dornach, pouvait être préservée. La semaine dernière, le groupe annonçait en effet le report de sa décision finale au début de l’année prochaine (voir GH 45-05). Il était notamment question d’effectuer une étude industrielle approfondie des deux sites avant de trancher. Las ! Après une nouvelle volte-face, Swissmetal a avancé sa sentence : la fonderie sera délocalisée dans le canton de Soleure, entraînant avec elle la suppression d’une quarantaine d’emplois à plus ou moins court terme à Reconvilier. Puis ce seront à nouveau quarante autres postes qui passeront à la trappe d’ici à 2010. Sans parler de la disparition du savoir-faire industriel, internationalement reconnu, qui faisait la fierté de toute la région.

Poker menteur de la direction

Colère, tristesse, indignation, les qualificatifs manquent pour décrire le désarroi des ouvriers de la « Boillat ». Pourtant, les salariés serrent le poing dans la poche ; sans doute l’incertitude quant à leur propre avenir les retient de trop donner de la voix… Ils se refusent donc, pour l’heure, à envisager une nouvelle grève. « Si tout devait être perdu, je ne voudrais pas qu’on puisse l’imputer au personnel », expliquait lundi sur Radio Jura bernois Nicolas Wuillemin, président de la commission du personnel.

En revanche, des « actions de désobéissance civique » sont prévues. Les salariés pourraient par exemple refuser de se prêter au démontage des fours et des machines destinés au transfert. Ou encore débrayer de manière ponctuelle et sectorielle.

Malgré les « promesses » de maintien des autres activités sur le site jurassien, les implications de cette restructuration concernent bien l’ensemble des employés de « la Boillat ».

D’aucuns craignent en effet que cette restructuration ne signifie, à terme, la disparition pure et simple de l’usine. « Nous avons des doutes légitimes sur les intentions de maintenir ou même de développer à long terme la production sur deux sites », estime, parmi d’autres, le syndicat UNIA, qui fustige vertement la stratégie de « poker menteur » adoptée par la direction de Swissmetal.

Sollicité, Deiss laisse faire

La mobilisation politique et citoyenne n’avait pas attendu l’annonce de la délocalisation pour se manifester. La semaine dernière, un comité de soutien à la « Boillat », regroupant plusieurs élus bernois et jurassiens de tous bords, avait vu le jour. Lundi, il a exhorté Joseph Deiss d’intervenir auprès de Swissmetal, suite à quoi ce dernier a contacté la direction. Sans plus : « Il n’appartient pas à la politique de décider à la place des entrepreneurs », s’est borné à commenter mardi le conseiller fédéral. « Je crois que l’entreprise Swissmetal a la volonté totale de rester active dans notre pays et il faut absolument que nous fassions tout pour qu’elle puisse rester compétitive. »

Bref, le ministre de l’économie a choisi son camp : celui du laisser-faire.

Cette fin de non-recevoir de Joseph Deiss n’a toutefois pas entamé la détermination des acteurs politiques et économiques de la région. D’une même voix, députés, Conseil régional et Chambre d’économie publique du Jura bernois ont appelé le gouvernement cantonal à diligenter lui-même une étude industrielle sérieuse sur la viabilité du site. Rappelant que lundi encore, la direction disait n’avoir « pas exclu une autre solution, si le canton de Berne parvient à convaincre Swissmetal qu’elle est viable à long terme », ils comptent bien lui prouver que le site est rentable. Aussi, ils exigent que les restructurations soient suspendues avant de connaître les résultats de l’étude. Mais les dirigeants vont-ils prendre la peine d’écouter ces revendications ? Rien n’est moins sûr…

Mobilisation large

En attendant de connaître les « clarifications » que pourront apporter les prochaines discussions entre le Conseil d’Etat bernois et Swissmetal, la mobilisation se poursuit. Et gagne de l’ampleur : mardi, le gouvernement jurassien est sorti de sa réserve pour dire son « indignation » devant l’attitude de Swissmetal ; il exige également qu’une étude approfondie soit menée. Or, plus encore que d’une étude de viabilité, c’est de garanties concrètes pour leur emploi que les ouvriers de Reconvilier ont besoin. On en est très loin aujourd’hui, malgré le soutien de tout l’Arc jurassien à la cause de « la Boillat ».