Le ministre de l’Education fait sa pub

neuchâtel • Dans un livre, Philippe Gnaegi défend une véritable contre-réforme scolaire. Le libéral se propose d'instaurer une école à deux vitesses, aux moyens réduits et au service exclusif de l'économie.

Dans un livre, Philippe Gnaegi défend une véritable contre-réforme scolaire. Le libéral se propose d’instaurer une école à deux vitesses, aux moyens réduits et au service exclusif de l’économie.

Le 16 novembre dernier, Philippe Gnaegi, conseiller d’Etat en charge de l’Education, a présenté à la presse son ouvrage sur les réformes en cours dans l’école neuchâteloise [1]. Philippe Gnaegi y détaille ses projets, de l’école enfantine à la formation professionnelle, en passant par la régionalisation de l’école obligatoire, l’introduction d’Harmos et la réforme du secondaire I. Rien de neuf pour l’observateur attentif, qui retrouve là, enveloppée d’une rhétorique rassurante (« nul élève ne sera laissé en plan »), la vision financière et économiste de l’école, chère au ministre PLR. Il s’agit là, manifestement, d’un coup de marketing, qui occulte habilement les défauts du produit proposé.

Passons sur le coup de force qui consiste à faire passer la régionalisation de l’école obligatoire, compromis (provisoire ?) entre l’Etat et les villes, comme découlant obligatoirement du concordat Harmos. Il est plus étonnant par contre, que la multiplication des postes de direction et la dilution des responsabilités qui s’ensuit ne soient pas abordées. Pas plus d’ailleurs que la situation problématique à la Chaux-de-fonds, précurseur de ce modèle, où deux directeurs sont en burn-out et où un troisième a démissionné. Signe d’un malaise que l’on refuse de voir ? Rien non plus sur la polémique liée à l’introduction de l’horaire bloc en première enfantine, violemment contesté par les professionnels.

Réduire à 20% le nombre d’élèves en filières académiques

L’essentiel des efforts de Philippe Gnaegi porte actuellement sur les coûts du secondaire II. Il s’agit d’orienter 80% des élèves vers la formation professionnelle et de n’en garder que 20% dans les filières académiques. Et à l’intérieur de la formation professionnelle, d’augmenter sensiblement le nombre d’apprentissages – moins onéreux pour l’Etat – et de vider les écoles à plein-temps. En cela, notre ministre ne fait que suivre la vulgate néolibérale, qui estime que l’économie de demain aura besoin d’une minorité de cadres bien formés et d’une masse d’exécutants dans lesquels on investit encore trop. Pour Philippe Gnaegi, cela se traduit par l’augmentation des exigences d’accès et la limitation du nombre de classes, bref par un numerus clausus au secondaire II. Pas un mot sur des mesures d’incitation ou d’obligation concrètes, pour les entreprises, de créer des places d’apprentissage, dans un canton où 85% d’entre elles ne forment pas. Philippe Gnaegi se contente de les « inviter » à prendre leurs responsabilités. Pas un mot non plus sur l’effet « boule de neige » d’une telle ruée sur les quelques places d’apprentissages disponibles, qui se fera aux dépens des élèves issus de la section préprofessionnelle. Pas un mot non plus sur la nécessité d’une bonne formation générale pour affronter la mobilité professionnelle de demain.

Enfin, un chapitre particulièrement bien pensant traite de l’intégration scolaire des enfants handicapés. A nouveau, pas un mot sur les moyens à mettre en œuvre pour qu’une telle intégration soit réussie ; pas un mot non plus sur le fait que Neuchâtel multiplie depuis deux ans les intégrations sauvages, sans la moindre mesure d’accompagnement.

Bref, notre ministre libéral cherche à nous vendre là le projet d’une école aux moyens réduits, à deux vitesses, au service de l’économie, où l’élève lui-même n’est plus qu’un pion.


[1] Philippe Gnaegi, Les réformes en cours dans l’école neuchâteloise, éd. G d’encre.