La gauche de plus en plus critique vis-à-vis de l’intervention militaire

Libye • De plus en plus d'organisations, de militants et d'intellectuels condamnent l'ingérence militaire occidentale.

De plus en plus d’organisations, de militants et d’intellectuels condamnent l’ingérence militaire occidentale.

Fidèle à son « refus de toute intervention militaire étrangère pour résoudre des problèmes internes des pays », le Parti suisse du Travail (PST) « condamne la résolution de l’ONU ». « Personne ne peut ignorer que cette guerre est une guerre pour s’assurer le contrôle du pétrole libyen et que la démocratie n’a pas grand-chose à voir dans ce conflit. La preuve est que les forces alliées contre la Libye n’ont rien à dire et à reprocher à l’intervention armée de l’Arabie Saoudite qui n’a pas hésité à envoyer ses chars blindés au Bahreïn contre les opposants à l’émir, dictateur au pouvoir depuis des décennies, qui réclamaient la démocratie comme dans de nombreux pays arabes. »

Conserver l’accès au pétrole et protéger Total, ENI, Repsol…

Si Kadhafi avait réduit les rebelles de Benghazi, la Libye aurait été placée sous embargo, comme en son temps l’Irak, sous pression des opinions publiques occidentales. L’intervention militaire était donc indispensable pour conserver l’accès au pétrole libyen. Et pour préserver les intérêts des sociétés exploitant des gisements, comme Total (France), ENI (Italie) ou Repsol (Espagne).

Plutôt qu’une intervention qui appuie les intérêts des grandes puissances, le PST « considère que les problèmes politiques doivent être résolus par des négociations entre les parties en lutte avec l’aide diplomatique et la mise à disposition des bons offices de la part de l’ONU ».

La Gauche a aussi pris position pour « la cessation des raids et des bombardements des infrastructures du dictateur qui n’empêcheront jamais au sol le clan Kadhafi de massacrer son peuple, et l’histoire nous le démontre dans bien d’autres situations dramatiques aux bilans de pertes humaines catastrophiques ». La Gauche est également favorable à « une médiation internationale », qui pourrait être conduite par le président vénézuélien Hugo Chavez.

Le Parti socialiste suisse et les Verts, eux, n’ont pour le moment pas pris position sur l’intervention en Libye ni sur la non-neutralité helvétique dans le conflit. Le PST « désapprouve fermement la décision du gouvernement suisse de laisser le libre passage à des convois britanniques avec des armes et pièces de rechange ainsi que d’ouvrir l’espace aérien suisse aux avions militaires qui vont bombarder la Libye. Notre neutralité est mise sérieusement en cause par ces décisions, ainsi que notre crédibilité et la possibilité de jouer un rôle pacificateur dans ces situations difficiles. »

Dans une tribune publiée dans Le Courrier, Tobia Schnebli, au nom du Groupe pour une Suisse sans armée (GssA), demande « l’arrêt immédiat de toutes les exportations d’armes vers les pays du monde arabe ». Le pacifiste note que « comme bien d’autres fois, lorsque les puissances occidentales lancent leurs missiles et envoient leurs avions de combat sur les forces d’un régime imprésentable, les pacifistes et tous ceux qui luttent contre les nouveaux impérialismes se trouvent acculés à la fausse alternative proposée par les médias et les milieux politiques dominants : ceux qui ne soutiennent pas l’action des armadas occidentales soutiendraient, tour à tour, les Milosevic, les Saddam Hussein, les Kadhafi ».

« On nous ressort les références à la Deuxième Guerre mondiale »

Cette intervention militaire, comme d’autres, serait appuyée par des manipulations médiatiques que le journaliste belge Michel Collon qualifie de « médiamensonges ». « Comment se fait-il que personne n’ait jamais vu la moindre image des prétendus bombardements de civils par l’aviation de Kadhafi ? », se demande le journaliste genevois Philippe Stroot.

Pour l’essayiste Jean Bricmont, la gauche favorable à l’intervention n’aurait pas retenu les leçons du Kosovo, de l’Afghanistan ou de l’Irak. Dans Impérialisme humanitaire, le Belge avait dénoncé cette idéologie qui vise à légitimer l’ingérence militaire contre des pays souverains au nom de la démocratie et des droits de l’homme. « La motivation est toujours la même : une population est victime d’un dictateur, donc il faut agir. On nous sort alors les références à la Deuxième Guerre mondiale, à la guerre d’Espagne et j’en passe. Le but étant de faire accepter l’intervention », explique l’intellectuel dans une interview publiée sur le site de Michel Collon (www.michelcollon.info).