Daniel Zappeli reste de marbre face au sort du prisonnier El-Ghanam

Le procureur veut maintenir en détention le militant égyptien enfermé depuis 2007 à Champ-Dollon.

Le procureur veut maintenir en détention le militant égyptien enfermé depuis 2007 à Champ-Dollon.

« Nous sommes très inquiets pour la situation médicale de Mohamed El-Ghanam. S’il reste là où il est, son processus vital est engagé », annonce à la barre le docteur Hans Wolff, médecin responsable à l’Unité de médecine pénitentiaire genevois. « Un changement de cadre de vie serait le bienvenu, par exemple, dans un milieu psychiatrique ouvert », renchérit le docteur Ariel Eytan, responsable de l’Unité de psychiatrie pénitentiaire. Cette semaine, le service d’application des peines et mesures se penchait une nouvelle fois sur le cas de l’opposant égyptien, Mohamed El-Ghanam, qui croupit depuis 2007 à la prison de Champ-Dollon. Réfugié politique en Suisse pour son opposition à Hosni Moubarak dès 2001, l’ancien officier des renseignements et ex-chef du département de la Justice du Ministère de l’Intérieur égyptien avait été approché par le Service d’analyse et de prévention (SAP) suisse, mais s’était toujours refusé de collaborer. Se sentant menacé, voire espionné, il s’était finalement retrouvé impliqué dans une bagarre en 2006 à Uni-Mail. Jugé pour « tentative de meurtre » – une version des faits contestée par l’association Citoyens pour la justice publique qui le soutient, il avait finalement été remis en liberté conditionnelle la même année. La chambre d’accusation prononçant un non-lieu dans cette affaire, mais ordonnant un internement en milieu fermé du fait de soupçons de paranoïa. Enfermé depuis cinq ans, le militant s’est replié sur lui-même, refusant les contacts, suivant plusieurs fois une grève de la faim. Cette dégradation de la santé préoccupe fortement son frère venu de Washington pour suivre l’audience. Il craint pour la vie de son frère.
Durant les débats, les médecins ont rappelé au juge Leonardo Malfanti les difficultés d’appliquer un traitement neuroleptique pour une personne connaissant des problèmes d’arythmie cardiaque ou de manque de potassium. « Le traitement ne peut pas être que médicamenteux, mais doit inclure un changement d’environnement », réitère Ariel Eytan. Quid de la dangerosité du patient ? Celui-ci est dans un état de catatonie qui rend sa dangerosité relative, souligne le médecin. Il explique que le patient ne se rebelle – sous forme d’injures ou de crachats – que quand on le contraint. Une « alliance thérapeutique » s’est faite à l’occasion de soins dentaires, relève-t-il. Toutes ces explications laissent de marbre le procureur Daniel Zapelli, qui considère qu’il n’y a pas eu de changement du prisonnier depuis la première expertise psychiatrique de 2006. Mettant dans la balance la sécurité publique et l’intégrité physique et psychique de l’incarcéré, il demande le maintien d’El-Ghanam en milieu institutionnel fermé. Cette demande hérisse Pierre Bayonnet, l’avocat du prévenu. « On ne peut laisser la situation se dégrader. Soit on lui donne des soins, soit Mohamed El-Ghanam meurt en prison », explique l’avocat. « On ne peut maintenir un patient dans un établissement fermé que s’il présente un grave danger à l’intérieur de l’établissement, ce qui n’est pas le cas », a-t-il souligné. Il a aussi insisté pour que les termes de « tentative de meurtre » soient requalifiés, rappelé que l’expertise psychiatrique s’était fait sur la base d’un rapport erroné de la police, sur suggestion du SAP et sans que le psychiatre ne rencontre le patient. En conséquence, l’avocat a plaidé pour des mesures thérapeutiques soient administrées à Mohamed El-Ghanam en milieu ouvert, par exemple à Belle-Idée. Il a aussi demandé que celui-ci soit entendu lors d’une prochaine audience. On attend le verdict. « Nous ne baisserons pas les bras. Dans le cas où le juge Malfanti suivait le procureur, nous déposerons plainte pour détention arbitraire et mise en danger de la vie d’autrui », tonne Pierre Pittet, président de Citoyens pour la justice publique.