Pierre-Yves Maillard prépare son fauteuil présidentiel

élections vaudoises • Si la gauche perd quelques plumes au Grand Conseil, elle pourrait rester majoritaire au Conseil d'Etat.

Si la gauche perd quelques plumes au Grand Conseil, elle pourrait rester majoritaire au Conseil d’Etat.

Qui sera prochain homme fort du gouvernement vaudois ? La réponse définitive en sera donnée au second tour des élections au Conseil d’Etat vaudois au soir du 1er avril. Pour l’heure, le socialiste Pierre-Yves Maillard est plutôt en bonne position, et même en pôle position après le premier tour des élections du 11 mars. Il y a cinq ans, il s’était fait devancer par le radical Pascal Broulis, devenu président pour la législature. 2012 signe le temps de la revanche. Le candidat malheureux à l’élection au Conseil fédéral est sorti en tête du premier tour des élections cantonales avec 59,5% des voix contre 57,5% à son concurrent radical. Les deux ténors du gouvernement sont élus, de même que deux autres sortants PLR : Jacqueline de Quattro, avec 55,5% des voix, et Philippe Leuba avec 54,4% des suffrages.

La victoire est à portée de main

Pour que le rêve de Pierre-Yves Maillard devienne réalité, il faudra pourtant que ses trois colistières, soit ses collègues socialistes Anne-Catherine Lyon et Nuria Gorrite et la sortante écologiste Béatrice Métraux, passent la main et ancrent la majorité du gouvernement à gauche. La victoire semble à portée de main et d’une bonne campagne électorale à rempiler. Le trio de la gauche qui tourne autour des 44% de suffrages devance leur plus sérieux adversaire, l’UDC Claude-Alain Voiblet, de près de 6% des voix. Le blochérien pourra-t-il compter sur une bonne mobilisation du PLR ? Rien n’est moins sûr. Certains électeurs de droite pourraient aller à la pêche après avoir fait passer leurs trois poulains. Autre écueil pour l’UDC : le candidat de Vaud libre, fort de ses 5% de suffrages, Emmanuel Gettaz, qui s’était déjà présenté en décembre au Conseil d’Etat, a décidé de maintenir sa candidature au second tour. Ce qui devrait entraîner derrière lui les voix du centre, dont le meilleur représentant lors de la première manche aura été le PDC et ancien président de la Poste, Claude Béglé, qui a obtenu 9,5% des voix. « Nous n’avons pas fait le plein de voix, alors que la droite a donné tout qu’elle a pu donner », soulignait à la RTS, Anne-Catherine Lyon. La conseillère d’Etat en charge de l’Instruction publique compte sur un bon report de voix de la gauche du PS.

Julien Sansonnens améliore son score personnel

Partis à cinq, la liste La Gauche à passé la barre des 5% avec un de ses candidats, le député Jean-Michel Dolivo (solidaritéS) qui obtient 6,7% des suffrages en moyenne cantonale, décrochant 11,25% dans le district de Lausanne. Candidat à l’automne au Conseil aux Etats, le vice-président du POP, Julien Sansonnens, améliore son score par rapport à ce scrutin, passant de 2,13% à 4,83%, juste en dessous de la barre. En ce qui concerne leurs colistiers, soit les indépendantes Soufia Feki, Aurélie Wysler et le décroissant Yvan Luccarini, leur score oscille entre 3,14% et 3,29% des voix. Le 12 mars, l’assemblée générale de La Gauche a renoncé à maintenir un candidat au Conseil d’Etat et décidé de soutenir la liste rose-verte.

La droite reste majoritaire au Grand Conseil

Si le Parti socialiste progresse de trois sièges par rapport à 2007, passant de 38 députés à 41, les Verts reculent comme cela s’était déjà passé à l’occasion des élections fédérales. Fort de 24 sièges lors de la dernière législature, le parti écologiste n’en compte plus que 19 à l’issue de l’élection du 11 mars.

La Gauche perd un siège

Pour sa part, La Gauche (regroupant le POP, solidaritéS, Alternatives Vevey et les décroissants de Point de départ) qui s’appelait A Gauche toute en 2007, a perdu un siège et se retrouve avec quatre députés. Trois élus – qui sont aussi trois sortants – proviennent de Lausanne : Jean-Michel Dolivo, Anne Papilloud, tous deux de solidaritéS et la popiste Christiane Jaquet. Le quatrième élu provient de l’arrondissement de l’ouest lausannois. Il s’agit du conseiller communal popiste de Renens Didier Divorne. S’exprimant en son nom personnel, le Renanais considère tout d’abord qu’il n’y a pas vraiment de changement au niveau de la députation. « Depuis le départ de notre élu Bernard Borel, il ne restait que 4 députés A Gauche toute ! dans le parlement. Nous avons donc réussi à maintenir, malgré une baisse notable des suffrages, les 3 sièges de Lausanne et le siège de l’Ouest lausannois. Par contre, nous perdons le groupe, ce qui nous ferme l’accès aux commissions et influence négativement les entrées financières », précise-t-il. Quels seront ses chantiers prioritaires ? « Je prioriserai la mise en place de mesures efficaces visant à augmenter le nombre de logements (la crise étant en partie le corollaire de l’arrivée des multinationales), l’amélioration des transports publics via la mise en place des axes forts des transports publics performants », note-t-il. « J’aurai un œil très attentif sur tous les projets de loi visant à creuser les inégalités et les combattrai de mon mieux. La thématique des forfaits fiscaux et des exonérations fiscales en fait, bien entendu, partie. Bien d’autres thématiques viendront certainement en fonction des réunions que nous aurons entre les 4 députés et il est clairement impossible de fixer aujourd’hui des priorités définitives. Juste des intentions », explique encore Didier Divorne. Celui-ci déplore pourtant le recul global de la gauche. Verts, PS et La Gauche décrochent 64 sièges sur les 150 du parlement.

Au centre-droit, l’alliance du centre qui regroupe le PDC, les Verts libéraux, l’Union démocratique fédérale, Riviera libre et Vaud libre progresse de 3 sièges, de 9 à 12 députés. Créé en 2010, le parti des écologistes libéraux, qui sont déjà entrés dans plusieurs conseils communaux en 2011, progresse nettement. Ils obtiennent sept députés, ce qui leur permettrait de créer leur propre groupe dans l’hémicycle à côté de l’Alliance du centre. La fusion des libéraux et radicaux leur fait malgré tout perdre des plumes. Alors que le Parti radical comptait en 2007 29 élus et les libéraux 19 députés, la droite réunie n’obtient que 47 sièges, soit la perte d’un siège au profit de l’UDC. Tout à droite, l’UDC progresse, en gagnant un siège, passant à 27 députés. « En considérant que les 7 Verts libéraux sont bien à droite, cette dernière aura la majorité avec 81 sièges sur 150 », résume Didier Divorne.

« Nous traversons une période difficile, mais nous avons toujours surmonté ces aléas »

Ancienne conseillère nationale popiste, Christiane Jaquet est présidente de l’Avivo-Suisse, co-présidente de la Fares (Fédération des Associations des retraités et de l’entraide en Suisse), présidente du Conseil suisse des Aînés, conseillère communale lausannoise, mais encore rédactrice à « Gauchebdo ». Elle présidera la cérémonie d’assermentation à la Cathédrale en qualité de doyenne réélue. Interview.

Quel bilan tirez-vous de ces élections cantonales pour La Gauche, liste sur laquelle vous avez été élue et qui perd un siège au parlement ?
Christiane Jaquet On ne peut pas vraiment parler d’une grande défaite ou de la fin de la gauche de la gauche au Parlement. Notre siège du district d’Aigle, nous l’avons perdu en décembre au moment du départ de nos rangs de Bernard Borel, un député reconnu par tous pour son engagement et ses compétences. Nous traversons il est vrai une période difficile, mais par le passé le POP s’est retrouvé avec deux députés au Grand Conseil ou ensuite quatre et même aucun élu à Berne. Nous avons toujours surmonté ces aléas. J’en veux pour preuve notre bon score aux élections communales de 2011, où La Gauche a obtenu 13 sièges au Conseil communal de Lausanne et d’excellents résultats à Renens.

Est-ce que l’alchimie entre le POP et solidaritéS, ainsi que d’autres partenaires regroupés au sein de La Gauche, a bien fonctionné ?
Il s’agit bien de trouver une alchimie, mais ce regroupement des forces à la gauche du PS n’est pas aussi facile à réaliser qu’on aurait pu le croire. L’ancrage de ces deux partis est différent depuis des années. Les pratiques aussi sans doute. Ainsi à Lausanne, le POP et solidaritéS ont tenu des stands distincts. Une alliance forte a besoin de temps pour se mettre en place et la période électorale n’est peut-être pas la meilleure pour la concrétiser. On voit qu’à droite aussi le mariage entre libéraux et radicaux a connu quelques querelles qui prolongent la période des fiançailles

Avec quatre élus au lieu de cinq, La Gauche ne peut pas former un groupe parlementaire ayant un accès aux commissions ? Est-ce définitif ?
Accéder aux commissions est un avantage qui facilite le travail parlementaire et apporte plus de finances, même si pour un petit groupe c’est chronophage et présente des difficultés pour répartir le travail. Ne pas accéder aux commissions n’est cependant pas dramatique. Notre groupe examine toujours avec soin les projets de loi et sait poser les questions utiles dans le débat. Mais pour l’heure, rien n’est joué. Nous allons voir si un accord est possible avec les Verts, les socialistes ou des dissidents pour former un groupe. Si cela nécessite trop de concessions, nous siégerons à quatre élus et saurons nous faire entendre en séance plénière. Nous ne sommes pas éjectés du Parlement comme certains veulent le faire croire !

Le centre-droit progresse, est-ce que cela crée une nouvelle marge de manœuvre pour la gauche ?
Les Verts ont perdu cinq sièges au bénéfice des Verts libéraux qui sont absolument à droite et plus libéraux que verts. Mais l’on a constaté durant la dernière législature que beaucoup de votes importants se sont joués souvent à une voix près, du fait des absences ou de consignes de vote dispersées. Cela pourrait se reproduire dans la prochaine législature. Le risque le plus évident est de se retrouver face à une droite revancharde pendant cinq ans, dans le cas où l’actuelle majorité de gauche au Conseil d’Etat vaudois est reconduite.

Cette suprématie de la droite n’est-elle pas finalement liée au découpage en dix districts qui favorise l’arrière-pays au détriment des villes ?
Le district du Jura Nord vaudois comprend Yverdon et la Vallée de Joux, celui de Vevey inclut le Pays d’En-Haut. Ce découpage favorise en effet la droite. Ce n’est pourtant pas nouveau. La droite a toujours calculé que le découpage en districts doit lui permette de maintenir ses avantages.

Comment voyez-vous le deuxième tour des élections au gouvernement. Est-ce que l’UDC Claude-Alain Voiblet, qui a terminé huitième à l’issue du premier tour, pourra reprendre un siège aux trois candidats de la gauche ?
Nous souhaitons fortement que la gauche puisse maintenir sa majorité au Conseil d’Etat et nous nous prononçons contre une majorité de droite fortifiée par une UDC qui n’a plus rien à voir avec l’ancien PAI. Il ne s’agit pas de se soumettre à une sorte de conformité mathématique mais d’être conscient de ce que représente la ligne blochérienne au sein d’un gouvernement.

Dolivo : « Il faut poursuivre l’alliance de la gauche de gauche »

Membre de solidaritéS, député de La Gauche et conseiller communal, l’avocat Jean-Michel Dolivo a été réélu au Grand Conseil. Interview.

Quel bilan faites-vous de ces élections pour La Gauche ?
Jean-Michel Dolivo Le bilan de la campagne pour les élections cantonales est nuancé. Dans une situation d’atonie sociale, où les mouvements de résistance sont très faibles, la gauche de gauche ne peut s’attendre à des résultats électoraux très importants. C’est la chape de plomb du consensus mou qui s’impose, consensus entre les socialistes et les verts gouvernementaux, d’une part, et, d’autre part, la droite. Le débat à fleurets mouchetés sur les exonérations fiscales illustre ce consensus, le PS et les Verts ne les remettant pas en cause, sur le fond, au nom du maintien de l’attractivité économique du canton, mais exigeant simplement une plus grande transparence. La Gauche, quant à elle, veut la suppression de ces exonérations qui ne sont que des cadeaux consentis aux plus riches et une forme de dumping fiscal. Dans cette campagne La Gauche a pu se construire dans le Nord vaudois et nouer des relations, entamer un dialogue avec le courant de la décroissance ainsi qu’avec le groupe Alternatives à Vevey. Du point de vue des résultats proprement dits, à Lausanne comme dans l’Ouest lausannois (Renens, Prilly) nous maintenons nos quatre sièges, deux pour solidaritéS et deux pour le POP. Nous enregistrons cependant une perte significative de suffrages à Lausanne et dans son agglomération, liée principalement au contexte actuel de régression sociale sans apparition d’une alternative crédible, et, dans une moindre mesure, à la division de la gauche de gauche lors des élections fédérales de l’automne 2011.

Faut-il continuer l’alliance de la gauche de la gauche ?
Il est tout à fait impératif de poursuivre une alliance de la gauche de gauche. Vu la situation de faiblesse extrême des mouvements sociaux et la brutalité des attaques patronales, il est indispensable de construire un front de résistance unitaire sur le terrain, dans les quartiers comme sur les lieux de travail. Il y a une véritable aspiration à une telle unité et toute forme de sectarisme est à bannir. Les partis et mouvements qui contestent radicalement le capitalisme doivent agir ensemble. C’est la seule voie pour faire face aux urgences sociales et écologiques liées à la crise et aux formes de décomposition de ce système. Le chemin pour trouver des alternatives est difficile, mais il convient de s’y engager, résolument.