Une élection complémentaire gagnable pour la gauche

Le PS a l'embarras du choix et toutes les chances de l'emporter au Conseil d'Etat le 17 juin prochain.

Le PS a l’embarras du choix et toutes les chances de l’emporter au Conseil d’Etat le 17 juin prochain.

Ce samedi 24 mars, les socialistes doivent désigner leur candidat ou candidate au Conseil d’Etat parmi les quatre prétendants en lice. Qui sont-ils ? Petit tour d’horizon.

Vice-présidente de la Commission des finances du Grand Conseil, l’enseignante Anne Emery-Torracinta est la candidate qui connaît le mieux les dossiers de l’Etat. « Les liens que j’ai tissés avec les députés des autres partis, dans les commissions ou comme cheffe de groupe, seront des atouts précieux pour faire passer des projets dans un parlement où nous sommes très minoritaires », assure-t-elle dans sa déclaration d’intention. « Au gouvernement, j’agirai pour que l’Etat renforce ses actions. Par exemple, en luttant contre la sous-enchère salariale par des contrôles stricts ou en encourageant la création d’emplois durables, notamment dans les domaines des services à la personne ou des cleantech. »

L’ancien maire de Genève Manuel Tornare, lui, fait valoir sa popularité. « Une élection complémentaire se focalise sur quelques personnes et démontre qu’il faut une personnalité ayant une profonde assise populaire, capable de rassembler dans leur camp et au-delà », estime le conseiller national.

De son côté, la conseillère administrative d’Onex, Carole-Anne Kast, mise tout sur le logement pour la « classe moyenne ». La benjamine ambitionne de récupérer le Département des constructions (DCTI) afin de mettre en œuvre une « autre » politique du logement. « Ainsi nous pourrons défendre directement la classe moyenne et montrer que le rôle de l’Etat ne se limite pas à ce qui est par définition non rentable », dit-elle. « Mark Muller, en bon libéral, s’est contenté de profiler l’Etat sur le logement social, non rentable, en laissant le champ libre à ceux qui ont payé ses campagnes. A l’exception des bénéficiaires du logement subventionné, la quasi-totalité des Genevois doivent subir la spéculation, qui enrichit une minorité de possédants aux dépens des locataires ! » En tant que secrétaire du Rassemblement pour une politique sociale du logement, Carole-Anne Kast avait pourtant signé en 2006 un « protocole d’accord sur le logement ». Une « paix du logement » que l’Asloca avait évité de signer et qui a contribué à la disparition de 1’500 logements subventionnés.

Enfin, le conseiller administratif Thierry Apothéloz, le moins connu des quatre candidats en dehors de sa commune, met en avant ses réalisations sociales à Vernier. « Par une politique de gauche ancrée dans les quartiers et répondant aux besoins des habitants, nous avons notamment introduit à Vernier les premiers contrats de quartier de Suisse, doublé le nombre de places de crèches, instauré un service d’aide à l’insertion professionnelle unanimement reconnu, engagé des correspondants de nuit, qui, 365 jours par an, assurent une présence humaine et une veille sociale. » Il rêve désormais d’étendre ces actions au niveau du cantonal. « Le canton de Genève a besoin d’idées nouvelles, portées par une nouvelle génération de politiques », explique ce fils d’ouvriers, qui a grandi aux Avanchets et qui n’hésite pas à citer Jaurès : « C’est à nous de fatiguer le doute du peuple par la persévérance de notre dévouement. »

Les quatre socialistes inscrivant leur candidature dans le programme du PS, c’est moins sur un projet politique que sur un choix de personne que les militants sont appelés à se prononcer. Voire sur un calcul politique, comme celui du clan Salerno qui se démène pour Manuel Tornare. Si la parité passe à la trappe cette fois-ci, nul doute qu’elle sera revendiquée l’année prochaine par la conseillère administrative, lorsqu’il s’agira de renouveler, cette fois, l’ensemble du Conseil d’Etat.

Une réédition du scénario de 2003 ?

Quel que soit le candidat ou la candidate que le PS choisira ce 24 mars, cette élection est gagnable pour les socialistes. En effet, toute la gauche devrait se mobiliser derrière le parti à la rose, alors qu’en face, la droite sera divisée. Candidat du PLR, Pierre Maudet, actuel maire de Genève, se retrouve coincé entre le MCG Eric Stauffer et la candidature, certes symbolique, du Vert libéral Laurent Seydoux. De plus, l’UDC n’a pas fait savoir pour l’heure à qui irait son soutien, alors même que le MCG lui fait de l’œil. Quant au PDC, une partie de ses électeurs pourrait avoir des scrupules à voter pour un candidat allié au parti blochérien.

Dans ces conditions, le scénario de l’élection complémentaire de 2003 pourrait se réaliser à nouveau. A l’époque il s’agissait certes de remplacer une socialiste, Micheline Calmy-Rey, élue au Conseil fédéral. Son collègue de parti, Charles Beer, avait alors été élu face à deux candidats de droite : le radical François Longchamp et l’UDC André Reymond.

Eric Stauffer rétablissant la sécurité ? Du pipeau

Comme en France pour les présidentielles, la sécurité sera l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale. Eric Stauffer prétend, s’il était élu, obtenir des résultats rapides sur ce point. On peut légitimement en douter, à moins de ne plus respecter les lois fédérales en vigueur ni les droits de l’homme. Sans parler du fait que les policiers se plaignent déjà de travailler trop…

A Onex, il s’est « coulé dans le moule »

En la matière, ce n’est que sur le long terme que des résultats seront obtenus, en combinant prévention et réforme de la police. Si l’on n’a encore guère vu de politique de prévention – qui ne doit pas être confondue avec la dissuasion policière -, Isabel Rochat a engagé la réforme de la police. Il s’agit aussi, comme le fait la conseillère d’Etat malgré son incapacité à communiquer, de tenir tête à l’UPCP, le syndicat des gendarmes qui entend régenter le Département de la sécurité. Emanation de l’UPCP, le MCG est-il susceptible de mettre les gendarmes au pas ? Eric Stauffer est-il vraiment capable de dépasser une posture tribunicienne ? Là encore la question mérite d’être posée. Elu l’année dernière au Conseil administratif d’Onex, le magistrat MCG s’est rapidement « coulé dans le moule » de sa nouvelle fonction, bien loin de l’image qu’il se donne au niveau cantonal.

Complètement opportuniste Eric Stauffer ? Rappelons qu’il avait commencé sa carrière politique au Parti libéral, puis était passé à l’UDC, et, faute de pouvoir se faire élire par ces deux partis, avait créé le MCG en trouvant dans la stigmatisation des travailleurs frontaliers un fonds de commerce électoral, qui s’est révélé fort rentable. Une base électorale insuffisante pour se faire élire au Conseil d’Etat sans alliance avec la droite, mais qui offre au leader du MCG la consolation du rôle d’opposant en chef.