Des socialistes n’ont pas encore renoncé aux privatisations

Le Conseil administratif de la Ville souhaite céder Télégenève à des actionnaires privés. Pagani est contre.

Le Conseil administratif de la Ville souhaite céder Télégenève à des actionnaires privés. Pagani est contre.

« Le socialisme est de retour, que les riches tremblent à nouveau », peut-on lire dans La Cuite finale, le nouveau journal de la Jeunesse socialiste genevoise. Si les idées socialistes reviennent, elles n’ont pas encore atteint les rives du Lac Léman où la majorité du Conseil administratif de la Ville de Genève, pourtant à majorité de gauche, souhaite privatiser Télégenève. Elue du Parti socialiste, Sandrine Salerno a préparé la cession à des privés du réseau de chaînes de télévision connu sous le nom de Naxoo. Avec un argument que ne renieraient pas les plus libéraux : « La Ville de Genève est convaincue que cette vente constitue une occasion unique pour des sociétés actives sur ce marché », a communiqué aux médias la collaboratrice personnelle de la magistrate.

« Alors que Genève subit la perte de plus de 1’000 emplois avec le départ de Merck Serono, le Conseil administratif se lance dans une aventure qui met en danger plus de 100 emplois pérennes », s’est distancé dans un communiqué Rémy Pagani. « Plus de 80’000 personnes ont bénéficié à satisfaction de cette offre sur le territoire de la ville. Sous prétexte d’une future éventuelle diminution de rentabilité, cet effort de la collectivité sera peut-être bradé à une entreprise multinationale qui rapatriera l’ensemble de la technologie ainsi qu’une grande partie des postes de travail à Zurich (Cablecom) ou plus loin encore, à son siège social qui se trouve aux Pays-Bas (Libertyglobal). Sans parler des effets collatéraux sur les emplois de Léman Bleu, Naxoo possédant 910 des 3’384 actions de Léman Bleu. » Plutôt que « de se battre pour préserver ces emplois et les prestations offertes à la population ainsi que la qualité de ce service public », la majorité de l’exécutif « a fait le choix de brader cette entreprise dans une politique aventureuse de délocalisation », dénonce le conseiller administratif. L’Elu d’Ensemble à gauche craint également qu’il soit proposé à l’avenir « un bouquet restreint normé à l’aune des grands distributeurs européens ».

« Rémy Pagani est le seul réellement à gauche au Conseil administratif », relève Pierre Pittet. « Le reste des conseillers administratifs sont des sociaux-libéraux, alliés à un libéral-radical. Rien à voir avec le socialisme ! » Le président de l’association CJP (citoyens-nes pour la justice publique) redoute la mainmise des actionnaires privés sur Léman Bleu. Celle-ci étant détenue aujourd’hui par la Ville, Télégenève, Stéphane Barbier-Mueller et Philippe Hersant. « La Ville de Genève doit défendre d’abord la liberté d’expression dans notre télévision genevoise. L’ancien radical, qui prétend à la charge de conseiller d’Etat à l’élection du 17 juin, Pierre Maudet, se révèle être un piètre défenseur des valeurs de la République ! » Pierre Pittet se dit prêt à lancer un référendum.

« Qui contrôle le tuyau, contrôle le flux », souligne de son côté Pascal Holenweg. Le conseiller municipal socialiste, lui, « préférera toujours, tant que le choix sera possible, que cela soit une collectivité locale et démocratique vouée à sa population qui le contrôle, plutôt qu’une entreprise privée vouée à ses actionnaires ».

« UPC-Cablecom cherche à mettre la main sur les réseaux pour les revendre »

Ingénieur en télécommunications, Dominique Tinguely a pris l’initiative d’envoyer un message aux conseillers municipaux pour les mettre en garde : « UPC-Cablecom a à maintes reprises démontré son but : générer du profit et revendre ses réseaux une fois ceux-ci assainis et fortement bénéficiaires. Ce fut déjà le cas en France (vente de Numéricable en 2006), en Italie, en Espagne et tout récemment en Belgique (vente à Telenet). Il n’y a pas de raison que la Suisse échappe à moyen terme à cette logique. UPC-Cablecom se déplace progressivement vers les pays de l’est de l’Europe à forte croissance et revend, souvent avec de fortes plus-values, son réseau de l’ouest de l’Europe. En Suisse, elle cherche à mettre la main sur tous les réseaux possibles, de façon à pouvoir vendre à terme un lot intéressant. Pour augmenter son cash flow, UPC-Cablecom maintient comme offre de base (soit celle fournie avec le raccordement mensuel, 26 francs, souvent liée au bail) une série de prestations bas de gamme (nombre de chaînes réduit et technologie de diffusion obsolète, soit la diffusion analogique). Elle condamne ses clients à débourser davantage pour obtenir un service digne des évolutions techniques que l’on peut attendre en 2012. En effet, pour fournir davantage de chaînes, la télévision numérique ou la haute définition HD, UPC-Cablecom fait systématiquement payer des suppléments. Or, les chaînes proposées dans ces offres sont souvent disponibles gratuitement par satellite ! Cette société profite donc de l’ignorance ou de l’absence d’alternative de sa clientèle en la matière : faire payer des suppléments pour accéder au numérique ou à la haute définition, c’est comme si l’arrivée de la couleur ou du télétexte avait été taxée en leur temps. »

Dominique Tinguely montre en exemple la Ville de Lausanne, qui « a opté pour l’autonomie de la gestion de son réseau câble vis-à-vis de Cablecom, en créant son propre réseau nommé Citycable. Depuis lors, Citycable est très régulièrement cité en exemple des réseaux câbles à vocation de service public. Il s’avère bien plus attractif que Cablecom, en proposant un large choix de programmes (140 chaînes de base à Lausanne contre 38 actuellement à Genève) pour un prix de raccordement mensuel similaire à Genève. Lausanne a opposé une farouche résistance à Cablecom avec, au final, un incroyable succès pour sa population et sa région. Nombre de communes limitrophes de Lausanne ont d’ailleurs quitté Cablecom pour reprendre les signaux de Citycable. »

Pour un partenariat avec Citycable ou NetDream

Plutôt que de céder Télégenève, l’ingénieur préconise un rapprochement avec Citycable ou NetDream, un réseau présent dans les cantons du Valais, de Vaud et de Fribourg. « Une collaboration étroite entre Naxoo et Citycable ou NetDream offrirait à la population genevoise une véritable offre de programmes diversifiée, flexible, et réactive. Ce choix préserverait l’autonomie du réseau genevois tout en réduisant une partie des coûts, de par la collaboration ou la reprise de signaux déjà mis en forme par NetDream ou Citycable. »