« Je saurai faire preuve de ténacité au Conseil d’Etat »

Le 17 juin, le peuple élira le successeur de Mark Muller. Sept candidats sont en lice. A gauche, la députée socialiste Anne Emery-Torracinta est soutenue par le PS, les Verts et Ensemble à gauche.

Le 17 juin, le peuple élira le successeur de Mark Muller. Sept candidats sont en lice. A gauche, la députée socialiste Anne Emery-Torracinta est soutenue par le PS, les Verts et Ensemble à gauche.

Dans l’affaire Novartis, les autorités du Canton de Vaud se sont fortement investies pour le maintien du site à Prangins, tandis qu’à Genève le Conseil d’Etat est bien passif face à la direction de Merck Serono. Qu’en pensez-vous ?
Anne Emery-Torracinta Je regrette que le gouvernement n’ait pas été actif plus rapidement pour faire pression sur la direction générale de l’entreprise. De plus, la création de la « task force » devant permettre la mise en place d’un plan d’action régionale a tardé. Dans une situation de ce type, la pression de la classe politique est capitale. C’est pourquoi, avec le groupe socialiste, j’avais déposé une première résolution qui a été acceptée lors de la session de mai du Grand Conseil. Une nouvelle résolution co-signée par les Verts et demandant, notamment, le soutien du Conseil d’Etat aux propositions alternatives du personnel a été déposée pour la session de juin. Je pense aussi que la présence des élus aux côtés du personnel est importante dans les moments clés. C’est pourquoi j’ai assisté au piquet de grève du 5 juin et participerai à la manifestation du 9 juin, avec d’autres membres de la classe politique, je l’espère !

Le chômage de longue durée a des conséquences personnelles désastreuses, surtout chez les plus de 50 ans dont l’espoir de retrouver du travail ne cesse de se réduire. Prévoyez-vous des mesures de réinsertion pour ces personnes ?
Dans le cadre de la législation actuelle, certaines mesures existent, comme les allocations de retour en emploi. Toutefois, elles ne sont pas suffisantes puisque bien des personnes restent sur le carreau. Une des pistes qui doit être impérativement explorée est celle du suivi individualisé des personnes au chômage, en lien avec le terrain et les structures de proximité (communes, associations privées). Il faut s’inspirer des bons résultats obtenus par ce biais par des communes comme Vernier ou – pour les jeunes – par l’œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO). Une autre piste est de travailler sur la formation en proposant aux personnes au chômage des formations complètes, qualifiantes et certifiantes, reconnues sur le marché du travail (CFC, par exemple).

L’éducation est un thème peu abordé dans la campagne électorale. Pourtant, Genève ne figure pas parmi les meilleurs cantons en matière de résultats scolaires. Qu’est-ce qui, selon vous, fait défaut dans le système éducatif genevois ?
Sans doute des moyens financiers insuffisants dans certains ordres d’enseignement, notamment à l’école primaire et dans le post-obligatoire. A titre d’exemple, les premiers degrés de l’école primaire sont déterminants pour la suite du parcours scolaire des élèves. Ainsi, il est capital que suffisamment de moyens soient mis au moment des premiers apprentissages. Un enfant qui a des difficultés en français sera prétérité durant tout le reste de son parcours. Il faut donc renforcer l’encadrement, notamment chez les petits, pour permettre à chaque enfant d’acquérir ces premiers savoirs de base.

A la différence de certaines fortes têtes qui garnissent les exécutifs genevois et à l’égal de François Hollande, êtes-vous la conseillère d’Etat « normale » que les citoyens attendent ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par « normale » ! Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement a besoin de personnes connaissant leurs dossiers, qui s’engagent pour Genève et qui savent faire preuve de ténacité. Comme je l’ai montré au Grand Conseil en initiant puis défendant l’augmentation des allocations familiales. Grâce à cet engagement, les familles genevoises touchent depuis le 1er janvier les allocations les plus élevées de Suisse !

Propos recueillis par Carlos Serra

Commentaire : Mais dis quelque chose de gauche !

L’élection du 17 juin n’est pas anodine. Dans le cas où Anne Emery-Torracinta était élue, la majorité du Conseil d’Etat passerait à gauche, ou tout au moins au centre-gauche. Désignée comme grande favorite du scrutin, l’élue socialiste a jusqu’à maintenant bien montré qu’elle était gouvernementalo-compatible et qu’elle pouvait endosser sans peine le costume de la fonction dans la parfaite continuité de son travail au Grand Conseil. Son engagement pour défendre l’Etat social est unanimement reconnu. Cette posture et ce projet semblent pourtant un peu courts. Dans cette campagne où certains de ses rivaux ont vraiment osé jouer leur rôle d’outsiders, on aurait aimé que la députée prenne elle aussi le risque de se démarquer en lançant plus de propositions progressistes novatrices qui puissent susciter l’adhésion de la population. « Mais, dis quelque chose de gauche, dis quelque chose de gauche ! », s’emportait déjà en 1994 Nanni Moretti devant sa télé en écoutant Massimo D’Alema dans une fameuse scène de son film Aprile. La leçon reste valable en 2012.

Joël Depommier