Après le 8 Mars

Les femmes représentent 52% de l’humanité, sont partout désavantagées par rapport aux hommes, voire opprimées, mais il est de coutume de leur accorder un peu de place le 8 mars, décrétée Journée internationale des femmes (et non de LA femme, SVP, comme s’il y avait une Femme Idéale, une sorte de modèle pour toutes les...

Les femmes représentent 52% de l’humanité, sont partout désavantagées par rapport aux hommes, voire opprimées, mais il est de coutume de leur accorder un peu de place le 8 mars, décrétée Journée internationale des femmes (et non de LA femme, SVP, comme s’il y avait une Femme Idéale, une sorte de modèle pour toutes les autres). Une journée, c’est peu, mais au moins, c’est l’occasion de faire le point sur les discriminations qui perdurent et les progrès qui restent à faire.

Or ce 8 mars 2013 fut plutôt décevant. Certes, Gauchebdo s’est habillé en fuchsia pour nous offrir un numéro (le 1er mars) entièrement consacré aux femmes : nous sommes senties respectées, aimées. Le bimensuel socialiste solidaritéS a aussi arboré sa Une en fuchsia qui annonçait : renouons avec le féminisme « insurrectionnel », 2,5 pages sur 20 consacrées uniquement aux femmes, et les autres articles les incluant dans la réflexion et la forme (les employé-e-s, les réfugié-e-s, etc.).

Vendredi 8 mars, le quotidien Le Courrier nous a fait une magnifique surprise : d’abord il a féminisé son nom en « La Courrier » (j’aurais préféré « La Courrière », mais bon), il a accordé la moitié de ses 16 pages aux femmes, abordant des sujets fondamentaux comme le genre, la langue, le nom de famille, les héroïnes actuelles, les Femen. Mais ce qui m’a le plus bluffée, c’est la décision de mettre au féminin les mots génériques, ce qui donnait : les Espagnoles pour le peuple en général, au temps des Sumériennes, des Grecques et des Romaines, les passagères, les interlocutrices, les laissées pour compte de la Feuille de trèfle, une trentaine de vendeuses, etc. C’était aussi surprenant que jouissif, surtout quand je suis arrivée au titre « Au nom de Dieue et de Jesa Christa ». Bon sang, quel bien ça fait ! Aux hommes que ce féminin générique irriterait, je leur répondrais que les femmes subissent le masculin depuis leur naissance, avec des accords comme « cent femmes et un chien furent suivis » ou « vingt femmes et un homme se sont levés ». Un homme vaut combien de femmes, au juste ? Alors ce féminin généralisé, ce fut merveilleusement rafraîchissant.

La Tribune de Genève, au titre pourtant féminin, n’a pas brillé ce jour-là, c’est le moins qu’on puisse dire. Certes, nous avons eu droit à l’édito de Marie Prieur sur le féminisme, la photo de la dernière page, symbolisant le poids que portent les femmes, et un article en p. 22 « Les remparts du mâle », intéressant… mais qui raconte les derniers bastions où les femmes sont absentes. Soit 2 pages, un peu maigre. En outre, au début du cahier « Genève et région », on nous a servi l’incontournable salon de l’auto et les non moins incontournables propos sexistes de « mâles ».

Je me suis amusée à dénombrer les femmes et les hommes des illustrations dans les deux quotidiens (sans les photos des journalistes ni les publicités). Dans la TdG, nous avons 52 hommes, 9 femmes (dont une nue) et 2 couples. Dans La Courrier : 11 hommes, 18 femmes, 3 couples et 3 filles. 14% de femmes dans la TdG, 51% dans La Courrier, mieux que la parité.

Le « Journal du matin » de la radio suisse romande ne fit pas mieux. On a certes parlé des violences faites aux femmes, thème d’une session de l’ONU, mais l’équipe de la rédaction a passé comme chat sur braise sur notre Journée. Le pire a été atteint par le sujet de l’émission « En ligne directe », qui donne la parole aux « auditrices » (comme aurait écrit La Courrier) sur un sujet d’actualité. Ce 8 mars, on n’a rien trouvé de mieux que de nous proposer les drones ! Sans surprise, aucune femme n’est intervenue, ni parmi le public ni parmi les invité-e-s. Or ce sont les femmes qui sont les premières victimes des guerres actuelles.

Heureusement, les manifestations organisées autour du 8 Mars nous ont comblées. J’ai eu beaucoup de plaisir à participer aux « portes ouvertes » des bureaux de Sandrine Salerno et Esther Alder, à la rue de l’Hôtel-de-Ville, admiré leur calme et leur gentillesse. Des groupes de migrant-e-s observaient tout cela avec des yeux exorbités. Il y eut aussi des visites guidées « La Croix-Rouge et les femmes », des films et des débats dans le cadre du FIFDH, dont celui de Caroline Fourest sur les Femen, si courageuses, Ich bin eine Terroristin dimanche au Bio : une fillette qui part sur les traces de Rosa Luxembourg, son idole. Pour conclure, écoutons son conseil : « Fais donc en sorte de rester un être humain. »