Le pape, les intégristes, la haine des femmes

Le pape s’est exprimé, dimanche 12 mai, jour de la Fête des Mères, comme par hasard, devant des milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre. Il a réclamé une « garantie juridique de l’embryon », afin de « protéger tout être humain depuis le premier instant de son existence ». Ce faisant, il apportait...

Le pape s’est exprimé, dimanche 12 mai, jour de la Fête des Mères, comme par hasard,
devant des milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre. Il a réclamé une
« garantie juridique de l’embryon », afin de « protéger tout être humain depuis le premier
instant de son existence ». Ce faisant, il apportait un soutien inconditionnel à la marche
de 30’000 chrétiens « pro life » qui avaient défilé dans les rues de Rome le matin même.
Lorsqu’il officiait en Argentine, François faisait campagne contre la politique du gouvernement
en matière d’avortement. Devenu pape, il en remet une couche et prévoit une
cérémonie spéciale au Vatican les 15 et 16 juin sur la « sacralité » de la vie humaine.

Ceci, hélas, n’étonne pas les féministes. Les religions, écrites et imaginées par des
hommes pour les hommes, sont toutes profondément misogynes. Dans les textes, les
femmes n’ont presque aucun droit, elles sont généralement considérées comme du
bétail, comme la possession exclusive de leur mari et uniquement destinées à la reproduction.
Dans la hiérarchie, les femmes sont exclues. Les prêtres n’ont pas le droit de se
marier. Au départ, c’était pour des raisons économiques : l’Eglise voulait conserver ses
propriétés, mais cette interdiction, qui perdure, est symptomatique de la représentation
que se fait l’Eglise catholique de la sexualité : c’est un péché. Cette conception est si prégnante
que le Nouveau Testament a fait de la mère de Jésus une vierge.

Pour beaucoup de religions et de coutumes, la virginité reste l’attribut qu’il faut protéger
à tout prix, afin que le futur mari soit bien certain d’être le premier. C’est pourquoi on
voile les filles musulmanes dès les premiers signes de puberté, voire dès l’enfance, qu’on
interdit toute mixité, qu’on les enferme, qu’on leur refuse l’éducation. C’est pourquoi,
dans la plupart des pays africains subsahariens, on excise les fillettes à l’âge de sept ans,
de même qu’en Irak, Jordanie, Syrie, Egypte (Néfertiti et Cléopâtre furent excisées)…
Dans certaines tribus, en plus de l’ablation du clitoris, seul organe sexuel voué au seul
plaisir, on pratique l’infibulation, c’est-à-dire la couture des grandes lèvres, après les avoir
mises à vif. Benoîte Groult parle de cette barbarie dans le chapitre « la haine du c… » de
Ainsi soit-elle (Grasset 1975) que tout le monde devrait lire ou relire. Au Moyen Age, l’Occident
inventa la ceinture de chasteté, autre forme de torture, heureusement réversible,
mais utilisée jusqu’en 1890 ! Or, pendant que les Croisés bouclaient leurs épouses, on
entretenait pour eux en Orient 13’000 esclaves sexuelles, recrutées contre leur gré ou
vendues par leur père à la puberté. Rejetées par la société, elles finissaient à l’hospice ou
en prison, tandis que les tenanciers de bordels faisaient fortune…

Partout, on rencontre cette haine des femmes, de leur plaisir et/ou de leur libération de
l’emprise des hommes. Chaque fois qu’un progrès était en vue, cela provoquait une levée
de boucliers des croisés de la « morale ». L’éducation des filles, l’introduction du droit de
vote des femmes, le droit à la contraception, le droit à l’avortement ont suscité des propos
d’une misogynie exacerbée, même chez les hommes les plus en vue, comme Napoléon,
Schopenhauer, Balzac, Proudhon, Nietzsche, Freud, Proust, Montherlant, Carl Vogt,
de Gaulle, président de la France, balayant la création d’un Secrétariat de la condition
féminine par un méprisant « Pourquoi pas un sous-secrétariat d’Etat au tricot ! », Jean
Foyer, ministre de la santé en 1972-73 (« La contraception, c’est la fornication »), Chirac
en 1974, alors Premier ministre (« L’IVG est une histoire de bonnes femmes, qu’elles se
débrouillent ! »).

Pour le pape et l’Eglise catholique, la vie serait « sacrée ». Mais de quelle vie s’agit-il ? Celle
d’un embryon de quelques millimètres dont la survie n’est possible que dans l’utérus de
sa mère ou celle d’une femme adulte, en pleine possession de ses moyens ? Pendant des
siècles, l’accouchement était une épreuve traumatisante. Les médecins ne s’en occupaient
pas, les sages-femmes n’étaient tenues à aucun code professionnel et travaillaient à
l’aveuglette, à cause des tabous qui voulaient protéger « la pudeur » des femmes, avec des
conséquences terribles sur leur santé. Lors d’accouchements particulièrement difficiles,
il fallait débiter l’enfant à l’intérieur de l’utérus et l’extraire en pièces détachées à l’aide
de crochets, ceci sans anesthésie, même après son invention en 1844. L’Eglise aggrava les
choses en considérant la nouvelle vie plus importante que celle de la mère, afin que l’enfant
à naître ne fût pas privé de baptême. En conséquence, on ouvrait l’utérus pour en
extraire l’enfant vivant, ce qui équivalait à faire mourir la mère.

C’est le même raisonnement qui prévaut dans la question de l’avortement. L’enfant à
naître prime sur toute autre considération. L’Eglise reste indifférente au vécu de la mère,
à son état de détresse, à l’impossibilité où elle se trouve d’élever son enfant. Elle dénie
aux femmes leur libre arbitre, le droit de choisir leurs grossesses. Elle continue de les
considérer comme des contenants sans âme, qui doivent se soumettre aux lois de la
« Nature » et de l’Eglise, pour qui toute grossesse est un « don de Dieu »… même pour les
non-croyantes ! Amen.