Le Chablais, lieu de résistance à l’occupation nazie

HISTOIRE • Au travers d'ouvrages, le comité chablaisien de l'ANACR fait connaître l'histoire de la Résistance dans cette région savoyarde.

Au travers d’ouvrages, le comité chablaisien de l’ANACR fait connaître l’histoire de la Résistance dans cette région savoyarde.

Dans la perspective de la commémoration,
en août 1914, du 70e
anniversaire de la libération de la
Haute-Savoie de l’occupation nazie et,
en 2015, des 70 ans de la fin de la
Seconde Guerre mondiale et de la libération
des camps de la mort, le comité
chablaisien de l’Association nationale
des anciens combattants et amis de la
Résistance (ANACR) a décidé de promouvoir
la publication d’ouvrages relatant
les événements qui se sont produits
dans le Chablais de 1939 à 1944*.

Ce travail, commencé en 2011, est
animé par un collectif de chercheurs,
enseignants, anciens élus hautsavoyards,
passionnés d’histoire locale.
Il s’accomplit sous la direction de Bernard
Neplaz, ancien instituteur, maire
de Sciez et militant responsable du
Parti communiste français (PCF). Avec
pour but de stimuler pour la jeune
génération « le droit et le devoir de
connaître son passé pour comprendre
le présent et préparer son avenir en
toute connaissance de cause ».

Le premier fascicule de cette collection
« Regards sur la Résistance en
Chablais », paru en décembre 2012,
synthétise ces parutions sous le titre
« Le Chablais dans la tourmente ». Le
7 mai dernier était présenté à la mairie
de cette commune, devant une
nombreuse assistance et le sous-préfet
de la région, le deuxième ouvrage,
dû à la plume de Simone et Robert
Amoudruz, qui décrit la situation de
la Résistance à Machilly, « entre Voirons
et Frontière ». Car Machilly
jouxte la frontière genevoise.

Les autres publications prévues et
devant paraître au cours de ces prochains
mois concerneront les communes
de Cervens, Chens-sur-Léman,
Féternes, Lugrin, Lully, Sciez, Vinzier et
Yvoire. Ces petites monographies
seront particulièrement intéressantes,
car au-delà de la description précise des
lieux et de quelques, malheureusement
rares archives, elles apportent des
témoignages des derniers survivants de
cette époque ou des descendants
directs de quelques-uns des acteurs de
la Résistance, aujourd’hui disparus.

A noter, sans doute en raison de la
distance acquise avec les décennies passées,
que l’ouvrage principal et collectif
« Le Chablais dans la tourmente » est
marqué par un texte dépassionné, très
didactique, faisant une bonne analyse
historique des spécificités chablaisiennes
aux heures noires de la Seconde
Guerre mondiale. En rappelant tout
d’abord que cette région bordant toute
la côte française du lac Léman était fortement
liée à Genève et à la région
lémanique helvétique, qu’elle avait subi
l’influence de la réforme protestante et
n’avait réintégré la France qu’après le
plébiscite de 1860, après avoir appartenu
depuis 1814 au royaume de Piémont-
Sardaigne. Mais qu’elle avait aussi
développé depuis la Révolution française
de 1789 un héritage contestataire,
qui nourrira dans certaines communes
(surtout à l’ouest de la région) une tendance
au vote de gauche et au moment
de la guerre un terreau plus favorable à
la résistance anti-vichyste et anti-nazie.
Alors que d’autres communes, davantage
« travaillées » par une hiérarchie
religieuse catholique très conservatrice
en Haute-Savoie, développeront un
esprit de reconquête anti-républicaine
et seront plus favorables aux forces soutenant
le maréchal Pétain et en fin de
compte au recrutement de sa sinistre
milice chargée de réprimer les forces de
la Résistance.

La description des microcosmes
villageois du Chablais au moment de
ces événements est donc particulièrement
intéressante et stimulante pour
la réflexion politique, montrant qu’à
un moment particulier de l’histoire,
des voisins, d’anciens écoliers ayant
fréquenté les bancs de la même école,
pouvaient se transformer quelques
années après en ennemis irréconciliables,
capables de s’entre-tuer pour
la cause qu’ils croyaient juste. « Un
fait dont on devrait mieux se souvenir
à l’heure de la remontée en force
des idéologies d’extrême droite et
aussi des tentatives de réhabiliter les
miliciens et autres collaborateurs de
l’occupant nazi, avec l’espoir que la
disparition des témoins permettra de
réviser l’histoire dans un sens favorable
à ceux qui se mirent au service
de l’occupant », soulignent les associations
de mémoire issues de la
Résistance et de la déportation. Qui
se veulent vigilantes pour combattre
ces tentatives. Car au-delà des divergences
politiques actuelles, leurs animateurs
veulent continuer à agir au nom des valeurs de la Résistance.

C’est donc un travail salutaire qui est
entrepris par nos voisins chablaisiens
de l’ANACR, qui souhaiteraient également
compléter leur travail par une ou
des études ayant trait aux aides reçues
par la Résistance de la Suisse voisine.
Certes, à notre connaissance quelques
publications et émissions radio-télévisées
ont été réalisées à ce sujet. Mais
elles n’ont pas toujours connu le retentissement
nécessaire et restent trop disparates.
Il manque aujourd’hui un bon
ouvrage de synthèse sur l’appui apporté
par des Suisses à la Résistance française,
que ce soit pour la Haute-Savoie ou les
autres départements français limitrophes
de la Suisse, qu’un ou plusieurs
historiens, dont éventuellement le soussigné,
pourraient entreprendre ces prochains
mois ou années.


* Editions de l’ANACR Chablais, BP 40070,
F-74202 Thonon-les-Bains.