A Cointrin, la grève reprend son envol

genève • Après Dnata, Swissport et ISS Aviation, c'est au tour des salariés de Gate Gourmet de mener une grève à l'aéroport. Pour augmenter les profits de ses actionnaires étasuniens, la direction de la société de restauration pour avions a dénoncé la CCT et procédé au licenciement de 86 de ses employés.

Après Dnata, Swissport et ISS Aviation, c’est au tour des salariés de Gate Gourmet de mener une grève à l’aéroport. Pour augmenter les profits de ses actionnaires étasuniens, la direction de la société de
restauration pour avions a dénoncé la CCT et procédé au licenciement de 86 de ses employés.

Depuis le 14 septembre, une vingtaine d’employés de l’entreprise de catering Gate Gourmet à l’aéroport de Genève ont entamé un mouvement de grève après la dénonciation de la CCT et le licenciement de 86 des 122 employés. Une lettre de congé-modification leur a été adressée leur soumettant en substance le chantage suivant : « Soit vous acceptez que l’on baisse vos conditions salariales, soit vous prenez la porte ! »

C’est donc une véritable déclaration de guerre qu’a lancée à son personnel l’entreprise de restauration pour avions. Dans ce nouveau contrat à prendre ou à laisser, la direction envisage, entre autres, des baisses des salaires, un relèvement de l’âge de la retraite ou une suppression des majorations salariales de 25% pour les heures supplémentaires. « Il est encore difficile de savoir combien chacun va perdre, mais les chauffeurs qui travaillent de nuit pourraient voir leur salaire baisser de 600 francs par mois », relève Dominique Deillon, cuisinier et délégué SSP dans l’entreprise. « A titre personnel, du fait de la suppression des retraites anticipées, je perds 55’000 francs », assure-t-il. Face à ces menaces, le syndicat SSP a, dans un premier temps, décidé de porter l’affaire devant la CRCT (Chambre des relations collectives du travail), mais Gate Gourmet a refusé de se soumettre à cet arbitrage. Ce qui a conduit le syndicat à lancer des mesures de lutte dès le 14 septembre, jour où les employés non signataires du nouveau contrat ont reçu leur lettre de congé-modification à la maison. « Ceux qui ont accepté les nouveaux contrats sont une quarantaine de petits cadres, qui ont fait profil bas après avoir été menacés », explique Dominique Deillon, qui est, par ailleurs, candidat au Grand Conseil sur la liste d’Ensemble à Gauche.

Les cadences infernales
font remonter le cours de l’action

Les grévistes dénoncent aussi les cadences infernales qu’ils subissent. « Les conditions de travail sont désastreuses. On nous demande de faire toujours plus avec moins de personnel. Avant, nous étions trois pour organiser six vols long-courrier. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une personne et demie pour faire le même travail », souligne notre interlocuteur.

Parallèlement, l’entreprise a vu ses bénéfices progresser ces deux dernières années. « Gate Gourmet est le numéro deux de la branche et ambitionne d’être le numéro un mondial. Pour cela, il a racheté de nombreuses sociétés de catering en Asie, qu’il fait figurer comme pertes dans son bilan. A Genève, nous sommes le petit mouton noir qui augmente les bénéfices », assure Dominique Deillon, qui rappelle que ce fournisseur de plateaux-repas créé par Swissair est passé dans les mains d’actionnaires US. « Aujourd’hui, le but est de servir aux clients une nourriture médiocre, engranger les bénéfices et faire remonter le cours de l’action », témoigne un autre gréviste.

Helena de Freitas,
présidente du comité de soutien

Avec une vingtaine de grévistes, ce mouvement minoritaire peut-il aboutir ? Dominique Deillon y croit, en évoquant les précédents succès des grèves à Cointrin.

Comme dans le cas des grèves de Dnata, Swissport et ISS Aviation, la solidarité s’est rapidement mise en place. Comprenant les syndicats, les partis de gauche et Gauchebdo, un comité de soutien aux grévistes s’est constitué présidé par Helena de Freitas. « Les salariés ne veulent plus faire de sacrifices pour les bénéfices des actionnaires, il faut soutenir leur courageuse grève », lance la jeune femme, qui préside aussi la société d’édition de notre hebdomadaire. Le 18 septembre au petit matin, au cinquième jour du conflit, les grévistes ont ainsi été rejoints par une septantaine de militants venus apporter leur soutien par des prises de paroles. Le conseiller administratif de la Ville de Genève Rémy Pagani était de la partie et a appuyé le mouvement social.

Le Conseil d’Etat
porte une lourde responsabilité

Tout comme Roger Deneys, qui a visité à deux reprises le piquet de grève. « Je soutiens cette grève légitime », indique le député socialiste. « Il n’est pas normal que l’Etat comme propriétaire de l’aéroport, mais aussi comme garant des conditions de vie économiques et sociales des Genevois, se désintéresse ainsi de ce qui se passe à Cointrin. Le Conseil d’Etat et en particulier la conseillère d’Etat Isabel Rochat, qui non seulement préside le conseil d’administration de l’aéroport, mais est aussi en charge de l’emploi, porte une très lourde responsabilité en la matière », dénonce le candidat au Conseil d’Etat. « La défense des bénéfices de quelques patrons profiteurs ne fait pas une politique économique sérieuse. »

Le Parti socialiste et les Verts ont conjointement déposé une résolution au Grand Conseil invitant le Conseil d’Etat à intervenir auprès de la direction de Cointrin afin de faire respecter les règles du partenariat social au sein des entreprises concessionnaires de l’aéroport et à ne pas renouveler les concessions des contrevenantes. La résolution demande également au gouvernement d’agir contre les tentatives de dumping salarial et de proposer aux partenaires liés par la CTT en vigueur à Gate Gourmet de prolonger celle-ci jusqu’au 30 juin 2014.

Le syndicat Unia a quant à lui demandé le contrôle des plannings horaires des employés intérimaires. Des travailleurs qui ne doivent pas être utilisés à briser la grève, ce qui serait contraire à l’article 9 de la CCT des employés temporaires. Le SSP a d’ailleurs envoyé une lettre à la direction de Genève Aéroport au sujet de la violation des droits syndicaux qui se multiplient ces derniers temps et empêchent le travail des syndicalistes.

La grève décolle donc bien à l’aéroport de Cointrin.


Un rassemblement de soutien aux grévistes aura lieu le mercredi 25 septembre à 18h à la Place Molard

JPEG - 355.3 ko
Le piquet de grève, qui débute tous les jours à 6h30 du matin, a été rejoint le 18 septembre par une septantaine de militants venus témoigner de leur solidarité. (photo Eric Roset)