Genève a besoin de plus de sécurité… sociale

élections cantonales genevoises • En 2012, elle briguait le siège de Pierre Maudet au Conseil administratif de la Ville de Genève. Cette année, elle se présente au Conseil d'Etat avec six colistiers d'Ensemble à Gauche et sur la liste 1 au Grand Conseil. Autant dire Salika Wenger a la politique dans le sang. Interview de la candidate en pleine campagne électorale.

En 2012, elle briguait le siège de Pierre Maudet au Conseil administratif de la Ville de Genève. Cette année, elle se présente au Conseil d’Etat avec six colistiers d’Ensemble à Gauche et sur la liste 1 au Grand Conseil. Autant dire Salika Wenger a la politique dans le sang. Interview de la candidate en pleine campagne électorale.

Huit ans après son éviction du Grand Conseil, pourquoi est-il si important qu’Ensemble à Gauche retourne au parlement ?
Salika Wenger En 2012, Ensemble à Gauche s’est battu contre le projet de nouvelle constitution. Or, les lois d’application de cette loi fondamentale se feront pendant la nouvelle législature. En réinvestissant le parlement, nous espérons modérer certaines mesures antisociales contenues dans le texte. Je veux, par exemple, parler du problème de la subsidiarité de l’action de l’Etat par rapport aux entreprises privées. Nous espérons aussi réintégrer les mesures de droit au logement qui ont été supprimées dans la nouvelle constitution ou revoir à la baisse le quorum pour rentrer au parlement.

Ces dernières années, le Canton a attiré de nombreuses multinationales sur son territoire, devenant même un centre mondial du trading de matières premières. Le taux d’imposition étant différent entre entreprises internationales et locales, l’UE a demandé d’en finir avec cette distorsion de concurrence. Ce qui a finalement conduit l’écologiste David Hiler à proposer un taux unique d’imposition des entreprises à 13%. Qu’en pensez-vous et quelles sont vos revendications en matière d’économie ?
Nous sommes résolument contre toute politique de cadeaux fiscaux aux multinationales et militons en faveur de la suppression de forfaits fiscaux pour les riches étrangers, comme le revendique une initiative cantonale socialiste. A Zurich, ils ont supprimé ces forfaits et il n’y a eu aucun départ de riches contribuables. Pour avoir fait partie de la commission des finances, je sais aussi que ce n’est pas uniquement la fiscalité faible de Genève qui attire les entreprises, mais aussi ses infrastructures, sa qualité de vie ou la centralité de la ville en Europe. Plutôt que de faire des cadeaux fiscaux à des multinationales, il faut favoriser un secteur secondaire et des entreprises de proximité qui offrent du travail à la main-d’œuvre locale.

Votre coalition fait aussi campagne sur le thème de la mobilité, en dénonçant les incohérences du nouveau réseau TPG. Est-ce que cette bataille n’est pas d’arrière-garde ?
Je peux vous garantir que beaucoup de gens sont fous de rage contre les TPG. Il faut aller à Bel-Air, à la sortie du travail, pour constater que les usagers sont mécontents des transbordements, qui se font de manière anarchique, au milieu des vélos, piétons et bagnoles. C’est un grand bonheur de ne pas savoir par qui l’on va être renversé. Cette question est d’autant plus sensible que les transports publics sont le moyen de transport des travailleurs. Ce qu’on veut, c’est de la cohérence. Il ne s’agit pas d’attaquer Michèle Künzler, mais de favoriser un outil de déplacement efficace.

Faut-il une traversée de la rade ?
Cela fait 50 ans que l’on parle de cette traversée. Je suis ahurie qu’on ne l’a pas encore faite. Est-ce qu’aujourd’hui on en a besoin ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est qu’une grande traversée coûtera des milliards et que nous aurons besoin d’un appui fort de la Confédération.

L’UDC, le MCG et même la droite classique font de la sécurité leur priorité. Comment vous situez-vous dans ce débat ?
La sécurité fait partie d’un droit régalien de l’Etat. Il faut donc une police compétente, formée et en nombre suffisant. A cela, j’ajouterais aussi un nécessaire point de vue citoyen de la part des policiers. Or, à Genève, l’on constate que les effectifs d’une vraie police républicaine dépendant des pouvoirs publics sont de plus en plus remplacés par des polices privées. Cela ne va pas. Tout cela vient une nouvelle fois de la droite qui, vote après vote, réduit les budgets, en coupant dans le personnel. Aujourd’hui, on en paie le prix fort. Considérer que la fonction publique est une charge dans un budget, c’est un point, mais il faut se rappeler que cette charge a, comme corollaire, un service à la population. Une collectivité publique n’est pas comme une entreprise qui doit faire bénéfice.

La gauche n’est-elle pas trop angélique dans le dossier sécuritaire ?
La politique de Mussolini se caractérisait par ses axes social et sécuritaire. Ces deux pôles sont ceux qu’on retrouve chez le MCG et l’UDC qui sont des partis populistes de la plus belle eau. Ils veulent plus de police, sans qu’on sache vraiment à quelles tâches ils veulent les destiner. Ils ont une pure posture idéologique.

Le MCG continue sa campagne contre les frontaliers. Fallait-il approuver les accords de libre circulation ?
En tant que représentante du Parti du Travail, je rappellerai que nous nous étions opposés aux premières bilatérales, en disant qu’il y aurait du dumping salarial, s’il n’y avait pas de contrôles, des inspecteurs en suffisance ou l’instauration d’un salaire minimum. On avait été traité de raciste et de xénophobe. Sans travail syndical préalable, c’était la porte ouverte au dumping et les patrons ont effectivement utilisé les bilatérales de cette manière. Nous n’avons rien à voir avec les partis populistes qui montent les travailleurs les uns contre les autres. Ces formations oublient de dire que si dumping existe, c’est parce que les patrons font de la sous-enchère salariale. Ce ne sont quand même pas les travailleurs étrangers qui veulent être moins payés.

Derrière votre position, doit-on lire une critique du travail des syndicats ?
En amont des bilatérales, ils n’ont pas fait leur boulot. On le constate aujourd’hui, puisqu’ils lancent maintenant des initiatives pour renforcer le nombre d’inspecteurs et améliorer les contrôles.

Les chômeurs genevois se retrouvent de plus en plus en emplois de solidarité. Quel bilan tirez-vous de cette tendance ?
L’économie sociale et solidaire sert de fourre-tout pour finalement moins payer les chômeurs. Suite au changement de la loi sur le chômage, la droite a poussé les fins de droit à prendre n’importe quel travail, à des conditions idéales pour le patronat. C’est les mêmes attaques patronales sur les salaires qu’on retrouve aussi dans toute l’Europe. Cette politique absurde de sous-enchère salariale pousse aujourd’hui nombre de travailleurs du Sud à émigrer.

Genève souffre toujours autant d’une pénurie de logements. Ensemble à Gauche propose que les bureaux vides soient transformés en logements. Quelles sont vos autres propositions ?
Il faut agrandir la ville. Il faut que Genève achète des terrains à l’extérieur de la Ville. On doit aussi en passer par des déclassements de zones agricoles. C’est une pierre d’achoppement avec les Verts qui veulent construire la ville en ville, tout en y ménageant des zones vertes et en rejetant les déclassements. On a l’impression qu’ils ne veulent ni ville en ville, ni ville à l’extérieur. Il faudra se mettre d’accord. J’espère aussi que le projet de PAV (Praille-Acacias-Vernet) préservera un ratio de 50% d’emplois pour 50% de logements et que ceux-ci soient dévolus aux personnes qui ont de la peine à se loger. Pour l’heure, la politique de construction en vigueur continue à vouloir favoriser une ville exclusivement bourgeoise.

Le Canton doit-il plus s’engager dans la culture ?
Le Canton doit s’engager dans les grandes structures comme le Musée d’art et d’histoire, le Grand Théâtre ou la future nouvelle Comédie, du fait du rayonnement international de la ville de Genève. Dans années 30, au moment de la répartition des responsabilités, la Ville devait se charger de la culture et l’Etat du social, avec le succès que l’on voit actuellement. La Ville a aujourd’hui une énorme charge sociale et elle finance la culture. La forme de péréquation existante aujourd’hui est absurde. On sait que seul 8% des Genevois vont au Grand Théâtre et qu’ils proviennent de communes comme Vandoeuvres ou de Cologny, qui ne paient pas de centime additionnel. Il faut que la péréquation se fasse de façon plus réaliste et que le canton assume enfin son rôle.

Quels sont pour vous les grands dossiers de la prochaine législature ?
Pour Ensemble à Gauche, le plus important est d’empêcher les privatisations des grandes régies autonomes. Un autre dossier touche à l’éducation, un chantier particulièrement mal géré par Charles Beer. La société de demain sera basée sur le partage des savoirs. Pour cela, il faut renforcer une école formatrice et de qualité. La loi d’autonomisation de l’université est un scandale. Elle continue à exclure toutes les classes populaires de l’éducation supérieure.


(Photo Carlos Serra)