« Nous voulons contrôler les patrons »

élections cantonales genevoises • Candidat au Conseil d'Etat et au Grand Conseil pour la coalition Ensemble à Gauche, David Andenmatten travaille comme laborantin aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG). Il est co-président du syndicat des services publics (SSP) genevois et a été un fer de lance de l'opposition à la fusion des caisses de pension des fonctionnaires et à la dégradation de leur retraite. Il considère que la dernière législature a péjoré la condition de la fonction publique et celle des salariés en général. Interview d'un syndicaliste combatif qui, lorsqu'il était militant en Argentine, a passé trois ans dans les geôles de la dictature.

Candidat au Conseil d’Etat et au Grand Conseil pour la coalition Ensemble à Gauche, David Andenmatten travaille comme laborantin aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG). Il est co-président du syndicat des services publics (SSP) genevois et a été un fer de lance de l’opposition à la fusion des caisses de pension des fonctionnaires et à la dégradation de leur retraite. Il considère que la dernière législature a péjoré la condition de la fonction publique et celle des salariés en général. Interview d’un syndicaliste combatif qui, lorsqu’il était militant en Argentine, a passé trois ans dans les geôles de la dictature.

Les HUG ont vécu plusieurs mouvements de grève (transports, nettoyages, labo, aides-soignantes). Quel bilan faites-vous de l’ère Bernard Gruson et qu’attendez-vous du nouveau directeur des HUG, Bertrand Levrat ?
David Andenmatten Du point de vue de la gestion du personnel, le bilan de Gruson est catastrophique. On a assisté à une dérive extraordinaire, avec une augmentation énorme du nombre de cadres, de l’autoritarisme, une démotivation et une souffrance croissantes du personnel. Il a aussi mené une politique antisyndicale très forte, avec des attaques, de la répression et des procès en justice. On a aussi enregistré une dégradation des prestations aux patients, avec la mise en place de liste d’attente, des convalescences des malades écourtées. Avec l’arrivée du nouveau directeur, on espère, on souhaite et on demande des changements. Pour le moment, il n’est pas menaçant comme Gruson et nous écoute. Mais rien n’a encore changé. Toute l’équipe de destruction des ressources humaines, comme on appelle les DRH, est en place. Ce qui veut dire qu’on ne changera pas notre activité syndicale et qu’on continuera à mobiliser le personnel.

Gruson n’était-il pas tributaire du budget que lui allouait l’Etat ?
Nous prétendons qu’avec le même budget, on pouvait avoir plus de personnel de terrain, moins de cadres et une gestion qui respecte et responsabilise les salariés, alors qu’on enregistre beaucoup d’arrêts maladie. Il faut changer toute cette politique du personnel.

L’Etat de Genève prévoit un réajustement de toutes les classes de fonctionnaires, avec le projet Score. Où en est-on ? Quelles sont vos attentes sur ce projet ?
Le projet Score a déjà été appliqué dans d’autres cantons, dont le canton de Vaud. Il a favorisé une nouvelle fois les fonctions de cadres au détriment du personnel. Nous n’attendons donc rien de bon de cette réforme. Tout est prêt dans les cartons. A tel point qu’il est déjà utilisé dans la question du classement de la pénibilité des tâches. Score est un nouvel outil d’attaque des salariés. Ce qui est le plus étonnant c’est que ce soit David Hiler qui vient de la gauche qui fasse aussi bien le travail des grands patrons, en jouant de la carotte et du bâton avec les salariés.

La réforme est enterrée jusqu’aux élections ?
Probablement. La réforme se fera en 2014, mais le SSP se prépare déjà à la combattre.

Ce 20 septembre, les maîtres de sports débrayent pour la seconde fois. Le mouvement va-t-il s’élargir au reste du corps enseignant où la pénurie de personnel se fait sentir du fait des départs à la retraite ?
Dans le cas présent, il s’agit d’un mouvement limité contre une injustice. Les professeurs d’éducation physique veulent l’équité, car ils sont moins bien payés que leurs collègues. Pour le moment, il n’a pas de signe d’une grogne généralisée.

L’Office cantonal de l’emploi ou le Service de protection des mineurs ont fait entendre leur voix durant la dernière législature, en dénonçant le manque de personnel. Genève peut-il se payer encore une fonction publique nombreuse ?
Ces dernières années, on a baissé les impôts à Genève, en faisant surtout des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. Pour nous, il est possible de maintenir une fonction publique correcte dans tous les secteurs, mais il faut changer cette politique qui accroît les postes de cadres, en limitant les postes de terrain. Il faut maintenir le budget pour la fonction publique. Elle manque de personnel et il y a un mépris constant des autorités envers ce dernier. Les cadres sont censés réfléchir et les autres obéir. C’est vraiment comme à l’armée.

Dans le secteur privé, à l’aéroport de Cointrin, Gate Gourmet vient de licencier son personnel pour le réengager à moindres coûts. Cette péjoration des conditions de travail va-t-elle s’accélérer à l’aéroport ?
L’aéroport est une régie publique, où il y a des tentatives croissantes de tout privatiser. Tout dépendra de notre capacité à résister. Nous demandons à tous les syndicats de soutenir la grève de Gate Gourmet, pour s’opposer à toute sous-enchère salariale aussi bien à l’aéroport qu’en dehors.

Suite à la fusion des caisses publiques, à laquelle s’opposait le SSP, votre syndicat a quitté le Cartel intersyndical. Cette position est-elle tenable ? Le mouvement syndical n’a-t-il pas tout à perdre d’une scission ?
L’unité se fait sur des choses concrètes. Elle ne peut pas être que de façade et de paroles. Le Cartel a fait une campagne active avec le Conseil d’Etat, la droite, le PS et les Verts pour la fusion des caisses, avec nos cotisations. On ne peut financer un groupe qui finalement utilise nos contributions contre le personnel. Cependant, nous sommes disposés à mener des actions communes contre Score ou contre toute autre attaque contre la fonction publique. Le SSP fait encore partie de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) qui regroupe tous les syndicats. Celle-ci prend des positions qui nous semblent nettement meilleures que le Cartel. Elle s’est ainsi abstenue sur fusion des caisses. Au Cartel, on trouve le SIT qui a fait une alliance avec Hiler, en se réfugiant derrière l’idée qu’il faut se battre pour les bas salaires du privé plutôt que pour les fonctionnaires, et des organisations d’enseignants, des secteurs plutôt mieux lotis que les autres. Le SSP qui défend toute la fonction publique se trouve forcément isolé dans le Cartel. Notre assemblée a finalement décidé qu’il n’était pas possible de rester si le Cartel faisait campagne contre nos intérêts.

Ne faut-il pas l’unité pour mettre en application concrète la fusion des caisses ?
Le Conseil d’Etat a d’ores et déjà exclu le SSP des négociations sur la caisse, du fait que nous nous sommes opposés à la fusion. Le Cartel a co-validé cette position. Ils ont tout décidé entre eux. Ils partagent l’avis que pour la question de la pénibilité des tâches, on reprenne Score. Nous nous sommes opposés à notre éviction, mais nous n’avons pas été suivis par le Cartel. Patrick Flury, leur nouveau président n’est pas très combatif.

Vous vous présentez au Conseil d’Etat sur la liste Ensemble à Gauche, quels seront vos axes de campagne et comment comptez-vous vous opposer au MCG dans la campagne ?
Mon objectif est de dénoncer tous les abus patronaux. Aujourd’hui, les travailleurs sont mis de côté et les patrons peuvent tout faire avec eux. C’est ce qui nous révolte le plus. Au Grand Conseil, nous ferons des propositions pour protéger les salariés de ce canton. Du fait de notre implantation, on a assez d’arguments et d’éléments pour dénoncer les pratiques patronales. Quant au MCG, c’est un parti qui divise les travailleurs, en les montant les uns contre les autres. Le problème, ce ne sont pas les frontaliers, mais les patrons, qui utilisent les frontaliers contre les autres travailleurs en les engageant à bas prix. Nos collègues frontaliers ne sont pas responsables de la politique de sous-enchère des patrons. On espère être entendu, en rappelant que le MCG est nuisible pour le monde syndical.

Comment vous situez-vous par rapport à la libre circulation des personnes, qui va redevenir un thème national avec l’initiative de l’UDC ou l’élargissement de la libre circulation à la Croatie ? Comment éviter le dumping salarial et la concurrence entre travailleurs ?
Il faut protéger les salariés, en renforçant les conventions collectives et les contrôles. Nous soutenons donc l’initiative de la CGAS, invalidée par la droite, pour une augmentation des inspecteurs du travail. Il faut contrôler les patrons pour qu’ils ne fassent pas tout ce qu’ils veulent. Sans contrôle, la libre circulation est néfaste pour travailleurs. Avant de tout ouvrir, il faut batailler pour renforcer les contrôles, car la droite ne les fera pas.

Que pensez-vous des emplois de solidarité et de la grève des travailleurs de Partage à Carouge ?
Nous sommes contre les emplois de solidarité utilisés à la place des salariés, car ils entraînent du dumping salarial. Des gens exclus du marché du travail sont engagés à des salaires de misère pour un travail que devrait normalement faire un vrai personnel fixe. La sous-enchère salariale s’intensifie. A l’hôpital, on trouve maintenant des informaticiens frontaliers payés 2’900 francs du fait de la sous-traitance. Voilà un exemple de dumping comme celui de la sous-traitance de données des patients au Maroc. Si on ne combat pas cela, ce sera un désastre.