Le dumping dans le collimateur

ÉLECTIONS CANTONALES GENEVOISES • La lutte contre la sous-enchère salariale est un des enjeux cruciaux des élections cantonales. Tant la gauche que les syndicats plaident pour un renforcement des contrôles et une augmentation des inspecteurs.

La lutte contre la sous-enchère salariale est un des enjeux cruciaux des élections cantonales. Tant la gauche que les syndicats plaident pour un renforcement des contrôles et une augmentation des inspecteurs.

Il y a deux semaines, les candidats d’Ensemble à Gauche débarquaient sur un chantier à la Jonction pour dénoncer les pratiques de sous-traitance de l’entreprise de construction Perret, dont le patron est accessoirement président de la Fédération des Métiers du Bâtiment (FMB). Celle-ci aurait recouru à Manaco, une entreprise secondaire des travaux de ferraillage de dalles, dont l’actionnaire a déjà fait deux fois faillite sous le nom de TTBC et recourait au travail au noir.

Pourtant, ce secteur ne serait pas celui qui connaît le plus de dumping salarial à Genève, selon un rapport sorti en septembre du professeur à la Haute école de gestion, José Ramirez. Dans une branche comme le commerce de détail, les risques de sous-enchère restent très importants, mais encore plus dans l’hôtellerie-restauration qui est pourtant au bénéfice d’une CCT nationale. Dans son étude, le professeur genevois estime qu’entre 2008 et 2010 le risque de sous-enchère dans ce dernier secteur a doublé, passant de 8,1% il y a deux ans à 19,8% aujourd’hui pour les personnes occupant un poste de travail qui requiert un CFC. Cette menace serait encore accrue, note le professeur, pour les femmes.

Un avis corroboré par Umberto Bandiera, secrétaire syndical d’Unia en charge de ce secteur et qui connaît de près le terrain. Récemment, le syndicat a épinglé les pratiques du Casino du Lac à Meyrin, où certains salaires ne dépassaient pas les 2’600 francs et étaient complétés par une part variable… en pourboire. « L’office de contrôle de la convention se trouve à Bâle et ne dispose que d’un inspecteur pour quatre cantons romands, y compris Genève », relève le syndicaliste. C’est la raison qui pousse Ensemble à Gauche à revendiquer l’engagement de 20 nouveaux inspecteurs, tout en exigeant aussi que le système de « responsabilité solidaire » soit mis en place rapidement, afin que les maîtres d’œuvre soient responsables de leurs sous-traitants en cas d’infraction. Pour sa part, Umberto Bandiera pointe encore d’autres faiblesses actuelles de cet inspectorat : « Les contrôles sont annoncés au préalable. De plus, il ne peut y avoir de sanctions qu’au deuxième contrôle et celles-ci, plus que faibles, sont rares si on considère le nombre de contrôles effectués. Ceux effectués par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) peuvent aboutir à une exclusion des marchés publics en cas de violation sur la Loi sur le travail au noir, ce qui leur fait une belle jambe. » Au-delà de la faiblesse des moyens de contrôle, il pointe aussi le fait qu’il reste difficile pour les syndicalistes de faire leur travail au niveau cantonal. « Pour certaines grandes entreprises avec lesquelles nous avons des conflits, comme l’hôtel Intercontinental ou la Réserve, des employés ont été licenciés ou nous avons reçu de menaces de plaintes pénales. » Comme cela s’est passé quand Unia a voulu faire de l’information syndicale sur la nouvelle CCT devant le restaurant de Philippe Chevrier à Satigny. Umberto Bandiera appuie l’initiative des syndicats pour un renforcement d’un inspectorat cantonal qui donnerait plus de moyens à l’OCIRT. « Ce sera un instrument important pour contrôler les entreprises des nombreux secteurs où n’existe pas d’inspection paritaire et où les contrôles cantonaux sont rares (commerce de détail, coiffure, boulangeries, etc.) », rappelle-t-il, tout en donnant un satisfecit à la Ville de Genève, qui a signé avec Unia en août un accord relatif au respect des conventions collectives de travail par les 120 cafés et restaurants locataires de la commune. Comme la Ville n’est pas partie contractante de la convention collective nationale et ne dispose donc pas de la compétence de demander une enquête, le mandat sera confié au syndicat. Celui-ci pourra dénoncer les cas à l’Office de contrôle en cas de suspicion d’irrespect de la convention collective de travail. Le fautif pourrait voir son bail résilier dans le cas d’un second contrôle positif.

Si le dumping reste fort dans le secteur privé, quid du secteur public ? « Dans le public, la menace est moins le dumping que l’externalisation des tâches », souligne Pablo Cruchon, secrétaire syndical du SSP. Et de citer en Ville de Genève les menaces sur des externalisations de services aux espaces verts ou à la voirie. « La Ville reste pourtant moins problématique que l’Etat, qui envisage de faire appel à des associations privées pour remplacer des tâches au service des tutelles », explique le syndicaliste.

Face à ces attaques multiples, la gauche et les syndicats doivent plus que jamais demander une augmentation des contrôles et le renforcement des commissions paritaires cantonales pour les secteurs conventionnés ou des commissions tripartites dans les branches dépourvues d’une convention collective de travail. C’est le meilleur gage pour faire accepter la libre circulation et battre en brèche la propagande MCG.


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(Photo Ensemble à Gauche)