Le MCG, c’est la droite en pire

Aux élections cantonales, l'extrême droite genevoise a enregistré le meilleur score de son histoire et son entrée ou non au Conseil d'Etat dépend maintenant de la mobilisation de la gauche.

Aux élections cantonales, l’extrême droite genevoise a enregistré le meilleur score de son histoire et
son entrée ou non au Conseil d’Etat dépend maintenant de la mobilisation de la gauche.

Une dérouillée. On s’y attendait,
mais ça fait quand même mal.
Avec 32,2% des voix seulement,
en recul de 8 points sur le dernier scrutin,
la gauche genevoise a enregistré un
score historiquement bas à l’élection du
Grand Conseil, en fait son plus mauvais
résultat depuis la Seconde Guerre mondiale.
Perdant 6 points, les Verts ont
dévissé à 9,1%. Michèle Künzler a
entraîné le parti dans sa chute, mais on
se demande bien où sont donc passés
les suffrages qui se portaient sur les écologistes.
Avec 14,3% (+1,4), les socialistes
ont en sans doute capté une partie.
Si Ensemble à Gauche parvient à revenir
au Grand Conseil, c’est avec un petit
8,7% (-3,4) en raison de sa longue
absence au parlement.

Ces élections cantonales ont vu, par
contre, le triomphe de l’extrême droite
genevoise, qui n’avait jamais atteint un
tel score de toute son histoire. Le bloc
formé par le MCG (19,2% – +4,4) et
l’UDC (10,3% – +1,7) est parvenu à
capitaliser le mécontentement populaire
face à l’acuité des problèmes que sont le
chômage, la précarité, le manque de
logement, l’insécurité et les difficultés de
circulation. Des maux que subissent
d’autres pôles de la mondialisation, mais
que la petite république du bout du lac
n’arrive pas à (di)gérer. Il faudra donc
que la gauche parvienne à apporter des
solutions concrètes aux attentes des laissés
pour compte.

Pour l’heure, l’urgence est de préparer
le second tour de l’élection au
Conseil d’Etat prévue le 10 novembre.
Le MCG est bien placé pour mettre un
pied au gouvernement et les appels à
plébisciter Mauro Poggia se multiplient
à droite. « Ne diabolisons pas le MCG,
ce serait lui faire son lit. Au contraire, si
le peuple le veut, que le MCG entre au
gouvernement ! », n’hésite pas à écrire le
rédacteur en chef de la Tribune. A
l’image de Pierre Ruetschi, beaucoup
pensent qu’il faut « mouiller » le parti
d’extrême droite. Cette version genevoise
de l’expérience Blocher tient
cependant plus du scénario tessinois.
L’épreuve gouvernementale n’a pas
assagi la Lega, qui s’est renforcée. « Si
nous entrons au Conseil d’Etat, dans
cent ans on parlera encore du MCG », a
assuré Eric Stauffer au Temps. Pour une
fois, il est difficile de donner tort au
Duce gominé du MCG, il sera en effet
difficile de les déloger de cette position.

La présence de l’extrême droite au
Conseil d’Etat comme le maintien de
ses trois sièges dépend pour la gauche
de sa capacité à se mobiliser malgré les
hésitations et les clivages.

Craignant que la gauche ne soit
l’otage de la droite et de l’extrême droite,
certains militants sont favorables à une
cure d’opposition en invoquant la résistance
victorieuse au gouvernement
monocolore de droite. Minoritaires
certes, mais élus au suffrage universel
direct, les conseillers d’Etat de gauche
conservent cependant la liberté de
rompre la collégialité et de faire appel au
peuple. C’est ainsi que Rémy Pagani en
Ville s’oppose à la privatisation de
Naxoo voulue par le Conseil administratif.
Et l’Entente n’est pas comparable
au MCG et à l’UDC : abandonner des
départements et services publics à
Mauro Poggia, Eric Stauffer ou Céline
Amaudruz c’est leur donner toute
liberté de placer leurs hommes et de
mener leurs politiques, qui sont – faut-il
le rappeler – bien éloignées de celles de
la gauche.

Malgré la défaite de la gauche de ce 6
octobre, il faut être raisonnable et responsable,
ne pas abdiquer ni déserter,
faire front. Dans cette optique, Rémy
Pagani était prêt à se lancer dans une
candidature de combat sur une liste
unitaire de gauche, mais deux tiers des
militants de son parti – solidaritéS – en
ont décidé autrement. Reste en lice les
socialistes Thierry Apothéloz et Anne
Emery-Torracinta, ainsi que l’écologiste
Antonio Hodgers, qu’une partie de la
gauche radicale rechigne encore à soutenir.
De passage en Suisse au début du
mois, Guy Bedos a rappelé dans son
dernier spectacle que « la politique c’est
le choix entre deux inconvénients ». Partisan
de Jean-Luc Mélenchon, le Français
a expliqué avoir pourtant été amené
à voter François Hollande « pour virer
Sarkozy et sa bande » : « J’ai choisi mon
inconvénient ». Notre inconvénient,
camarades, prend les figures de Thierry
Apothéloz, Anne Emery-Torracinta et
Antonio Hodgers. On a vu pire. Le pire,
c’est Stauffer et sa bande. Cette politique
du pire ne mène à rien, il n’y a pas
d’autre solution que voter et faire voter
en bloc pour les trois candidats de la
gauche.

Une bande d’affairistes opportunistes

Il faut mener campagne en montrant
aux personnes qui se trompent à qui ils
ont affaire. Avant d’agréger l’extrême
droite par opportunisme et de gagner
du pognon dans la politique, Eric Stauffer
était un entrepreneur mal fortuné,
qui, vivant d’expédient, s’était spécialisé
dans les sociétés offshore. Saintenitouche,
Mauro Poggia a lui aussi
déposé une société à Panama. Avec 130
domiciliations dans le paradis fiscal
centre-américain, la palme revient à
Michel Amaudruz, père de la candidate
au Conseil d’Etat et qui vient d’être élu
au Grand Conseil. Il n’est dès lors pas
étonnant que ces affairistes se prononcent
pour la baisse de la fiscalité des
entreprises et fassent les yeux doux à la
droite économique. En dehors d’une
« préférence cantonale » inapplicable, le
MCG s’aligne presque systématiquement
sur la droite. Cultivant l’image
d’un défenseur de la veuve et de l’orphelin,
Mauro Poggia s’est ainsi opposé à
plusieurs projets de caisse maladie
publique, qui avaient pour tort, à ses
yeux, de proposer des primes en fonction
du revenu. « Nous sommes avec la
droite », a résumé Eric Stauffer pour Le
Temps, « n’oubliez pas que je suis un
ancien libéral ! »