Le MCG prospère sur la fracture sociale

GENÈVE • L'élection de Mario Poggia au Conseil d'Etat montre qu'il est urgent pour la gauche de se réunir dans un front commun offensif pour répondre concrètement aux attentes des personnes précarisées.

L’élection de Mario Poggia au Conseil d’Etat montre qu’il est urgent pour la gauche de se réunir dans
un front commun offensif pour répondre concrètement aux attentes des personnes précarisées.

Les électeurs de gauche n’auront pas
été dupes de cette girouette qui
promet tout et son contraire. Premier
représentant de l’extrême droite à
accéder au Conseil d’Etat genevois,
Mauro Poggia n’a obtenu qu’un petit
millier de voix de la gauche. L’avocat est
porté au pouvoir par les sympathisants
de droite qui l’ont préféré à Isabel
Rochat, copieusement biffée, et à
Thierry Apothéloz. Il est normal après
tout que la droite penche pour un
MCG « modéré », PDC refoulé, plutôt
que pour un socialiste. Mais il a manqué
au candidat de la gauche des suffrages
des milieux populaires, en particulier
dans la couronne urbaine. La liste
MCG caracole en effet en tête à Lancy,
Meyrin, Onex et même à Vernier où
Thierry Apothéloz est conseiller administratif.
L’élection de nouveaux magistrats
d’extrême droite est à prévoir dans
ces communes à l’occasion des élections
municipales de 2015.

Dans son livre Ce que cache le
Grand Genève
publié au printemps, le
conseiller d’Etat sortant Charles Beer
avait diagnostiqué la fracture sociale
genevoise. Il y a désormais deux
Genève : l’une qui prospère à la faveur
de la mondialisation et du dynamisme
de l’économie et l’autre, rejetée dans les
cités, qui s’enfonce dans la précarité et
un sentiment d’abandon. Le constat
posé reste pour la gauche à trouver la
formule.

Un indispensable front de gauche

Premier problème, la gauche manque
d’unité. L’Alternative n’est qu’une
coquille vide, comme l’a encore montré
la campagne électorale. Sans un
regroupement des partis, syndicats et
associations progressistes, rien n’est
possible pour la gauche. L’autre difficulté
pour ce front de gauche est de
présenter des solutions concrètes aux
attentes des laissés pour compte.

C’est dans cette optique que s’est
formé récemment un « Forum alternatif
de la gauche » au Tessin à l’initiative
du socialiste Franco Cavalli et d’autres
militants. Le canton du sud des Alpes
subit les mêmes maux que Genève, le
dumping social et la sous-enchère salariale
favorisant la domination des
forces réactionnaires. Le but de ce
forum est « de stimuler une discussion
et une action pour que, dans le futur, la
gauche puisse penser et réaliser le
dépassement d’un système qui provoque
tant d’injustices sociales »,
explique Sergio Roic dans Pages de
gauche
. Le vice-président du PS de
Lugano pose une bonne question : « La
gauche participe au système, mais serat-
elle capable de le changer ? »

Publié à l’annonce du résultat des
élections, le communiqué conjoint du
PS genevois et des Verts en fait douter.
L’accession de Mauro Poggia au
Conseil d’Etat serait due à la politique
fiscale de l’Entente selon les deux partis,
qui sous-estiment encore les effets
de la libre circulation sur l’emploi et les
conditions de travail en évoquant des
« difficultés » et en se tenant à des
« mesures d’accompagnement » qui
n’ont plus guère de crédibilité.

Le patronat et la droite ne feront
effectivement aucune concession sur ce
point, comme le montrent les discussions
du groupe de travail mis sur pied
par Johann Schneider-Ammann dans
le contexte de l’extension de l’Accord
sur la libre circulation à la Croatie. « De
nombreuses revendications ont été
exprimées, du côté syndical et de la
part de quelques cantons frontaliers,
notamment le Tessin qui est particulièrement
sous pression. Du côté patronal
et de la majorité des cantons, aucune
modification de loi n’est souhaitée »,
regrette Renzo Ambrosetti, coprésident
d’Unia, interrogé par L’Evénement syndical.

La reconquête passe par une position
claire sur la libre circulation

Indéniablement, la reconquête des
classes populaires passe pour la gauche
genevoise par une position claire sur la
libre circulation. La soutenir en l’absence
de contreparties tangibles est suicidaire,
comme le montrent ces résultats
électoraux les plus mauvais depuis
la guerre. Il doit pourtant être possible
de rester « intransigeants sur les
valeurs », comme le revendiquent le PS
genevois et les Verts, tout en n’abandonnant
pas ce thème crucial aux « partis
des frontières » et à leur « préférence
cantonale » inapplicable dans les faits.


(Dessin Stéphane Montavon)