Sous les averses, un déluge de critiques politiques et un flot de revendications syndicales

Premier mai • Malgré une pluie persistante, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour la justice sociale et le refus de toute exclusion dans une cinquantaine de localités du pays. Tour d’horizon des prises de paroles.

Photo Demir Sönmez
A Genève 1'500 personnes ont participé au 1er Mai.

Malgré une pluie persistante, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plus de 50 localités du pays pour la justice sociale et le refus de toute exclusion. «Justice sociale – Pas d’exclusion!», tel est en effet le slogan sous lequel l’Union syndicale suisse (USS) a placé les manifestations de ce 1er Mai. L’USS refuse que les ressortissants étrangers et les bénéficiaires de l’aide sociale ou de l’AI soient exclus de la société. Elle demande au contraire des salaires équitables, des rentes suffisantes et de bonnes conditions de travail, ainsi que des emplois sûrs et l’égalité salariale entre femmes et hommes. La plus grande manifestation du 1er Mai a eu lieu à Zurich. Le président du Syndicat du personnel des transports (SEV), Giorgio Tuti, a critiqué «Prévoyance vieillesse 2020» devant 10’000 manifestants. Selon lui, ce projet va même dégrader encore plus les prestations de l’AVS, en relevant l’âge de la retraite des femmes et en remettant en question la compensation du renchérissement. «Cela, nous ne pouvons pas l’accepter! Il est par contre temps d’améliorer les rentes. C’est pourquoi nous exigeons un supplément de 10% sur les rentes de l’AVS.»

«C’est le petit peuple et les salariés qui devront payer»
A Romanshorn, le président de l’USS, Paul Rechsteiner, a dénoncé «ce que l’on veut nous faire passer comme devant découler de la crise financière, soit de nouvelles baisses d’impôts, encore plus importantes pour les entreprises, moins de protection pour les travailleurs et travailleuses, aucune mesure contre la sous-enchère salariale – alors que le risque a encore augmenté à cause de la surévaluation du franc – et le démantèlement de l’Etat, c’est-à-dire le démantèlement des prestations publiques. Et c’est le petit peuple et les salariés qui devront payer.» A Bâle, la coprésidente d’Unia, Vania Alleva, a condamné la lutte des classes déclenchée par les dominants: «Toujours plus de marché, une inégalité toujours plus extrême, cela entraîne encore plus d’exclusion. Le résultat est un combat inhumain de tous contre tous. Ceux qui sont socialement les plus faibles passent à travers toutes les mailles du filet de la sécurité sociale. Les travailleurs et travailleuses âgés, les personnes peu formées et les migrants sont massivement discriminés sur le marché du travail. Les sans-papiers et leurs familles sont éjectés de la société.» Contre cela, les syndicats, a-t-elle ajouté, se battent pour que les énormes fortunes soient assujetties à l’impôt, pour qu’il y ait égalité salariale entre les femmes et les hommes, et contre toute nouvelle discrimination.

«Le franc livré aux spéculateurs»
A Sion, Aldo Ferrari, membre du comité directeur d’Unia, a évoqué les problèmes causés par la votation du 9 février 2014 sur le financement de l’AVS et des assurances sociales: «Les partisans de l’initiative contre l’immigration de masse ont menti à la population sur les conséquences du vote du 9 février 2014.» Aldo Ferrari a relevé que la remise en question des accords bilatéraux voulue par ces milieux précipite la Suisse et ses assurances sociales, l’AVS en tête, dans de très graves problèmes. Il a ensuite martelé que «les fossoyeurs de l’AVS ne sont pas ceux qui veulent une hausse des prestations, mais bien ceux qui ont décidé de fermer les frontières et par là empêchent les migrants de financer les retraites». A Berne, Corrado Pardini, membre du comité directeur d’Unia, a attaqué la décision de la Banque nationale de «livrer complètement le franc aux spéculateurs. Cela coûtera beaucoup d’emplois et bouleversera l’existence de milliers de familles.»

«La frontière suisse est à Lampedusa»
A Fribourg, Christian Levrat, le président du Parti socialiste suisse, a plaidé pour un engagement plus fort de la Suisse dans la politique d’asile européenne: «Ce qui se passe sur la mer Méditerranée est inacceptable; et cela concerne la Suisse. La frontière sud de notre pays n’est pas à Chiasso. En matière de migration et d’asile, grâce à Schengen et Dublin, elle est à Lampedusa!» La solidarité a occupé beaucoup de place dans le discours de Christian Levrat, et pas seulement en ce qui concerne la politique d’asile. Ainsi, en parlant du monde du travail, le président du PS a réclamé une meilleure protection des travailleurs âgés: «Il n’est pas admissible, dans notre riche Suisse, qu’à partir de cinquante ans, il faille craindre de perdre son emploi.» Afin d’améliorer leur situation, il propose de mettre en place une meilleure protection contre les licenciements, un droit à la formation continue et une rente-pont. «A toujours compter sur l’autorégulation, rien ne se passe», regrette Christian Levrat. Cela se vérifie très bien en matière de discrimination salariale féminine, alors que l’article constitutionnel garantissant l’égalité des sexes fête ses 34 ans. «La droite a fait la démonstration de l’inefficacité de ses recettes , dénonce le président du PS. «Année après année, ce sont quelque 7,7 milliards de francs qui sont soustraits aux femmes salariées, ce n’est plus acceptable!» Et le président de demander des mesures contraignantes pour que l’article constitutionnel et la loi sur l’égalité ne restent pas que des vœux pieux.

«Je fais un rêve: que les salariés à partir d’aujourd’hui s’unissent»
A Genève, le 1er Mai avait pour mot d’ordre «Nos emplois, nos salaires, nos retraites: unissons-nous!» «Les attaques se multiplient contre les conditions de travail, les retraites, le service public, contre tout ce que nous appelons le bien commun», a rappelé Jean Burgermeister, représentant de solidaritéS. «Il est donc nécessaire de construire un véritable front de lutte capable de battre en brèche l’austérité et toutes les oppressions que porte en lui le capitalisme comme la nuée porte l’orage», a dit le militant. «Je fais un rêve: que les salariés à partir d’aujourd’hui s’unissent et rejoignent les syndicats pour que plus jamais on n’arrive à voir des entreprises avec des taux de bénéfices mirobolants se permettant de mettre à la porte des salariés ou de leur baisser leurs salaires sous prétexte d’un franc fort ou d’une crise sans rendre des comptes», a souligné, de son côté, Sarah Neboux, déléguée de la branche horlogère d’Unia Genève. «Le monde financier tue le monde ouvrier», comme le relevait une banderole portée par des délégués de la Commission syndicale de Givaudan Vernier (voir ci-dessous). Et Sarah Neboux de conclure: «Il faut remettre l’être humain, le travailleur au cœur de la vie économique et sociale!»

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