Et si Home Made dénonçait ce qui n’est plus?

Théâtre • Vérités d’autrefois ne sont peut-être plus vérités d’aujourd’hui: pour être «fait maison» encore faut-il qu’il y ait une maison!

La pièce Home made, écrite et mise en scène par Magali Tosato, s’inspire du livre «Mars» de Fritz Zorn, paru en 1976, et interroge comme lui, mais dans un style beaucoup moins violent, l’influence et la contrainte qu’impose une certaine éducation. Magali Tosato a le sens de la langue, une expression qui mêle poésie, ironie, absurde; elle confie son texte à deux acteurs, Baptiste Coustenoble et Tomas Gonzalez. Ils sont l’un, l’autre, personne et tout le monde, le fils, la mère, l’ami, bref une espèce de prisme de personnalités qui renvoie au rapport entre l’individu et le milieu familial, tout à la fois rassurant et oppressant.

Un manque de règles qui étouffe
Certes, l’influence de la famille et de la société dans lesquelles on a vécu son enfance sont déterminants, soit qu’on y adhère, soit qu’on se révolte, mais les problèmes d’il y a quarante ans ne sont plus ceux d’aujourd’hui, même dans un milieu aisé, favorisé, en quelque sorte protégé pas sa situation sociale. Peut-être même surtout dans ce milieu, qui n’a pas à se battre avec les difficultés de ceux qui n’appartiennent pas à la bourgeoisie privilégiée. Car même là, le mode de vie et le rapport à la mère ne sont plus ceux de jadis. La mère travaille et se réalise dans un métier qu’elle a choisi, donc ne «sacrifie» heureusement pas tout à ses enfants, lesquels se forment très tôt en dehors du cocon familial: crèche, puis clubs de sport ou culturels, réseaux sociaux, smartphone, ordinateurs, pour ne pas parler de la première auto qu’en ces milieux on va leur offrir sitôt l’âge de conduire atteint. Pas sûr qu’ils resteront longtemps «l’enfant sage, poli, qui ne désobéit pas, respecte les lois». La réalité, les scandales qui se multiplient leur sont un tout autre exemple! D’autre part l’enfant risque fort de vivre divorce, précarité professionnelle – le père fût-il banquier – ou changement de domicile.

Quand on entend les propos de Home Made, on a l’impression d’une carte postale d’une autre époque. On rit souvent tant certaines banalités, réminiscences, commémorations bien amenées dans une mise en scène intelligente, qui joue sans excès avec video et voix enregistrées, sont d’un réalisme désopilant, mais tout cela date un peu. La société, aujourd’hui, plus que la famille, forme l’enfant. Ce ne sont pas les règles qui l’étouffent mais plutôt le manque de règles crédibles, de références sur lesquelles s’appuyer pour s’affirmer; et son appartenance à un milieu ou à un autre n’a plus rien de pérenne. Il n’empêche que certaines vérités calmement énoncées dans la pièce font réfléchir, car elles stigmatisent le rapport psychologique à la mère nécessairement ambigu, même si les enfants s’en émancipent.

Théâtre de Vidy, salle La Passerelle, jusqu’au 4 octobre