Un violon et son double pour chanter le temps

Musique • A Genève et Lausanne, un concert portrait de Wolfgang Rihm affiche les 9 et 10 novembre prochains son concerto pour violon «le Temps chanté», avec Tedi Papavrami en soliste.

Le violoniste Tedi Papavrami est aussi professeur à la Haute Ecole de musique de Genève.

Rencontré à Zurich lors de la création en 1992 de son concerto «le Temps chanté», une œuvre commandée et dirigée alors par Paul Sacher et jouée par Anne-Sophie Mutter, le compositeur allemand Wolfgang Rihm n’était pas très disert sur sa musique: «A celui qui entend d’entendre. Le message s’il existe est dans les œuvres». Il expliquait néanmoins: «J’ai toujours admiré, dans le jeu d’Anne-Sophie Mutter, pour qui j’ai écrit ce concerto, l’intensité et la beauté de ses sons aigus. J’aime que les œuvres pour cordes soient conduites de manière à permettre au son de se déployer; l’énergie qui se concentre dans le son engendre le son suivant et entre les sons apparaît – insaisissable – ce que nous pouvons appeler la musique.» Il en résulte une partie solistique qui est un chant intime, aux longues tenues, aux couleurs iridescentes. Il y a dans cette musique la sérénité d’un temps suspendu, une certaine nostalgie aussi. Un orchestre à l’effectif réduit suit la ligne mélodique tel son double, au sens romantique du terme, que quelques éclats de percussion ou de cuivres ne peuvent briser.

L’erreur, essentielle pour l’artiste

«J’ai commencé enfant à écrire, à peindre et à composer. J’ai terminé mon gymnase latin-grec, j’ai fait des études de musicologie, de composition et de théorie avec le piano comme branche secondaire. La composition est restée mon métier», explique très simplement Wolfgang Rihm, né en 1952. Il ajoute: «Pour ce qui est de mes origines tant nationales que techniques, je viens au fond de Schönberg, mais Debussy était tout aussi important pour moi, ainsi que Stravinsky. J’ai de la peine à me classer moi-même, et ce n’est pas ma tâche.» Précisons que Rihm a travaillé avec Stockhausen et Klaus Huber et qu’il vient d’être désigné comme successeur de Boulez à la tête de la Lucerne Festival Academy.

«Toute ma vie est un projet. Mon travail naît d’obsessions; je suis mes penchants, je ne travaille pas sur fond d’assurance, mais sur fond de divinations, d’égarements, de réussites occasionnelles. Je vis d’erreurs et d’ignorance. L’erreur est de toute façon une catégorie essentielle pour l’artiste. Ce sont précisément les passages manqués, les instants ratés, les épaves que les flots entraînent qui donnent naissance bien plus tard à des voies nouvelles.»

Tedi Papavrami, un talent exceptionnel
Ces 9 et 10 novembre c’est le violoniste Tedi Papavrami qui sera le soliste du «Temps chanté». Il me souvient du jeune homme réservé, introverti, que j’ai interviewé en 1986. Il avait fui l’Albanie, seul, rejoint ensuite par ses parents. Elève de Pierre Amoyal, il cumulait à quinze ans déjà les premiers prix. Il était venu à Lausanne invité par l’orchestre de Chambre de St-Paul. On découvrait un talent exceptionnel et sa carrière, en effet, devint rapidement internationale. Il est aujourd’hui professeur à la Haute Ecole de musique de Genève. Il jouera le concerto de Rihm, précédé de quelques courtes pièces de musique de chambre, avec les Ensembles Contemporains des Conservatoires de Lausanne et de Genève sous la direction de Michael Wendeberg.

Lausanne, Utopia 1, rue de la Grotte 2, le 9 novembre; à 19h présentation par Philippe Albèra et rencontre avec le compositeur, concert à 20h15
Genève, grande salle du Conservatoire, pl. Neuve, le 10 novembre; à 18h rencontre avec le compositeur, 20h concert