La Chambre de l’économie sociale et solidaire: comment ça marche?

Alternatives • Vaste chantier tourné vers le futur et un vivre-ensemble autre,
l’économie sociale et solidaire (ESS) existe déjà, officiellement depuis dix ans à Genève.

A Genève, APRES-GE fédère les structures qui appliquent au quotidien des principes tels que la lucrativité limitée, la valorisation du temps partiel ou encore la limitation de l’impact écologique de l’activité. Avec près de trois cents membres (5% des emplois du Canton de Genève), la Chambre est l’interlocuteur incontournable d’une économie viable pour laquelle la maximisation du profit n’est pas un but en soi. Si la forme juridique n’est pas exclusive pour être membre de la Chambre, la charte comporte une série de critères vérifiables auxquels il est nécessaire de souscrire. Depuis deux ans, les nouveaux membres, mais également les plus anciens doivent remplir un questionnaire de quatre-vingts questions afin de valider leur affiliation. En effet, la structure existe depuis dix ans et lors de sa création, il suffisait d’accepter une liste d’intentions pour adhérer. Cela n’est désormais plus le cas ni pour les nouveaux membres, ni les anciens qui pourraient donc se voir refuser le renouvellement de leur statut, si les réponses au questionnaire ne reflètent pas suffisamment les valeurs de la charte. Marc Bieler, secrétaire général, m’explique que «c’était une démarche importante. Nous sommes dans une phase d’expansion et il était indispensable que nous puissions savoir que notre base était 100% en accord avec nos principes. Cela conduira peut-être à la non-reconduction du statut de membre pour certains, mais c’est un risque que nous sommes prêts à prendre».

Quels sont donc les incontournables de la charte? Le point essentiel, et qui est même spécifique à l’économie sociale et solidaire (ESS), est le principe de la lucrativité limitée, celui-ci met en avant le fait que les bénéfices doivent d’abord et avant tout être réinvestis pour l’activité que ce soit en termes d’investissements purs ou en terme de bénéfices pour les travailleurs. Si vous êtes détenteur d’une action dans ce type d’organisation, ce qui est possible, vous ne pourrez jamais espérer un rendement frisant les 10 ou 15%. Votre démarche, dans ce cas, est d’encourager une autre vision du monde de l’entreprise et de l’avenir. Les travailleurs peuvent ainsi accéder, entre autres à des salaires plus confortables, des prestations sociales supérieures aux minima légaux (congés supplémentaires, congés paternité), des formations pour développer leurs compétences. Les membres de la Chambre pratiquent aussi des écarts salariaux réduits entre le salaire le plus élevé et le plus bas (maximum 1-7), ce qui contribue à créer une harmonie au sein de la structure et valorise toutes les parties prenantes. Je n’oublie pas de citer la parité hommes/femmes, l’insertion de travailleurs handicapés, une gestion participative et démocratique, une politique d’achat responsable ou encore de bonnes pratiques environnementales.

Dans la Chambre
Entrons maintenant dans cette institution et voyons comment ses différents organes s’articulent pour que cette économie se développe. Contrairement aux schémas classiques, APRES-GE n’est pas une chambre de patrons, mais de structures, comme nous le dit Carole Z’graggen Linser, sa présidente: «Nous sommes d’abord un lieu où toutes les parties prenantes de la structure patron, clients, fournisseurs, collaborateurs réfléchissent. Il n’y a pas de hiérarchie». Il est vrai que c’est l’intention et que cette émulation existe, mais pour Mathieu Jacquesson, qui travaille au service communication, il faut aller plus loin en créant de véritables ponts entre les entreprises membres afin que cette économie viable puisse se nourrir elle-même et se développer. Aujourd’hui l’impact social est devenu un critère incontournable pour les entrepreneurs. Ceci représente une plus-value importante pour l’entreprise. De plus en plus de consommateurs regardent quelle structure se trouve derrière ce qu’ils consomment, d’où le développement d’un certain marketing «vert» (McDonald par exemple), mais celui-ci ne fait que changer l’image, pas le mode de fonctionnement ni les mentalités des personnes impliquées. L’engagement de la Chambre de l’économie sociale et solidaire est dirigé vers une économie collaborative, partagée à laquelle chacun peut contribuer et qui se développe de plus en plus. La mise en valeur de l’être humain est primordiale. J’ai séjourné chez plusieurs membres et je peux vous dire à quel point j’ai ressenti un bien-être au travail, un plaisir que j’ai rarement expérimenté dans des sociétés classiques. Pour l’année 2016, la Chambre va ainsi mettre en place une série d’événements, de formations et de rencontres pour stimuler ce riche vivier et d’une créativité impressionnante.


Essaim, l’incubateur du XXIème siècle

Comme toute Chambre, APRES-GE offre un espace d’écoute et de conseils aux personnes voulant créer leur propre activité. Il est ouvert à tous, pour le développement de toute activité économique . L’accompagnement d’Essaim permet ainsi de sensibiliser les futurs entrepreneurs aux pratiques qui permettent de respecter les valeurs de l’ESS. Fanny Bernard, conseillère en création d’activités économiques, m’éclaire sur le statut d’entrepreneur salarié dont peuvent bénéficier les candidats. «Pendant trois ans, les entrepreneurs sont salariés, dans ce cadre ils bénéficient des services d’un back-office pour tout ce qui est administratif, de séances de coaching, de sessions thématiques, de rencontres avec les autres entrepreneurs en herbe et d’un soutien dans leurs démarches». Tous les corps de métiers sont concernés, Essaim accueille actuellement, par exemple, un informaticien, un designer, un coach sportif, une personne travaillant sur la coopération Nord/Sud.

L’insertion professionnelle
Sandra Vazquez Jaeggi, conseillère en insertion professionnelle PPE+, me présente cet aspect qui s’articule autour de deux pôles. D’abord les offres d’emplois publiées par les membres de la Chambre sur son site (www.apres-ge.ch), mais également grâce à son Programme d’Expériences Professionnelles dans l’Economie sociale et solidaire (plus connu sous l’appellation PPE+), qui offre une myriade de stages d’une durée de six mois pour qui souhaite, notamment, réorienter sa carrière professionnelle, en lui donnant un sens plus profond que celui de toucher uniquement un salaire. Pendant les six mois, les participants bénéficient de formations sur des thèmes tels que le réseautage, le développement personnel, les valeurs, tout en bénéficiant d’un accompagnement de coaching individuel. Cette période de six mois donne la possibilité de confirmer le choix d’une réorientation et d’acquérir une première expérience au sein de celle-ci. Le stage est suivi par la Chambre, notamment grâce à un entretien avec le rapporteur de stage et lors des sessions individuelles. Une quarantaine de personnes sont concernées par année.

Rue des Savoises, 15 – CH – 1205 Genève info@apres-ge.ch – +41 22 807 27 97 www.apres-ge.ch