Quand le Japon était encore mystérieux

Exposition • «Le bouddhisme de Madame Butterfly», au Musée d’ethnographie de Genève, propose un voyage dans la peau des premiers aventuriers à la découverte du Japon, alors que celui-ci s'ouvrait à peine vers l'extérieur.

Maintenant que le vent glacé souffle, que la pluie froide tombe et que le ciel devient de plus en plus blanc, aucune excuse (je dis bien aucune) ne peut justifier que vous restiez loin de l’exposition «Le bouddhisme de Madame Butterfly – le japonisme bouddhique», actuellement proposée au Musée d’Ethnographie de Genève. Vous y trouverez tout ce qui fait le charme des expositions qui vous transportent: scénographie, œuvres, audio, vidéo, raffinement, beautés, découvertes, bref, un régal des sens et de l’âme!
Le parcours s’articule autour d’une invitation au voyage que d’élégantes et longues tentures suggèrent en se parant de noms évocateurs: Nagasaki, San Francisco, Le Havre ainsi que d’estampes aux couleurs aussi vives qu’envoûtantes. On entend aussi au loin des sirènes de bateaux: n’oublions pas que le Japon est une île.

Un Japon qui s’ouvrait à peine
L’exposition plonge le visiteur dans la peau de ces voyageurs fortunés s’engouffrant avec passion dans un Japon lointain qui s’ouvrait à peine et où tout restait à découvrir, dans la seconde partie du 19ème siècle. Avec l’ouverture du Canal de Suez en 1869, la durée du voyage diminue sensiblement et le Japon devient une escale incontournable. Des noms mythiques émergent: Cook, Perry, Guimet. Aventuriers, explorateurs, visionnaires, curieux, le Japon les absorba et leur passion influença directement de nombreux d’artistes en Europe tels que Donnay, Mucha ou encore Vincent van Gogh. Les affiches annonçant expositions ou spectacles se parent de kimonos et de lettres dont la calligraphie évoque l’Extrême-Orient. La couverture de la partition La Mer de Debussy déroule magistralement une variation de La vague de Kanagawa par Hosukai. Le bouddhisme fascine également les Européens. De leurs périples, nous conservons des pièces de toute beauté telles que cette Nouvelle carte du grand Japon par Matsuda, datant de 1875, des croquis, pris sur le vif par Alfred Paul Emile Etienne Dumont qui séjourna au Japon en 1891, des statues du Bouddha, des bannières liturgiques ou des cloches de temple. L’acquisition de ces pièces fut facilitée par la persécution menée contre le bouddhisme entre 1868 et 1874 au profit du shinto dont l’empereur est le prêtre suprême. Une pièce frappe tout particulièrement: Couple des dieux de la joie. On ressent une grande sérénité à les regarder, chacun avec sa tête d’éléphant, s’enlacer.

Deux salles consacrées à Guimet

Deux salles sont ensuite consacrées à Guimet et à son projet de musée d’histoire des religions. Celui-ci avait pour but de rassembler les valeurs sociales partagées par toutes les religions. Des toiles de Felix Regamey, qui l’accompagna en 1878, dévoilent le quotidien de l’archipel, mais aussi les moments historiques de rencontres que Guimet organise avec les différents représentants religieux du pays.

Le tragique destin de Madame Butterfly, créé en 1904 à La Scala, sonna, en son temps, la fin du japonisme, il se déplie ici comme un délicat éventail dont les mouvements seraient accompagnés par la musique de Puccini. La genèse de l’œuvre: le roman Madame Chrysanthème, de Loti, publié en 1888, puis un premier opéra d’André Messager en 1893 qui déclencha la colère du peintre Regamey. Ce dernier, pour réfuter l’image négative du Japon véhiculée par l’œuvre, publia Le cahier rose de Madame Chrysanthème. L’histoire rocambolesque continue, mais je vous laisse le soin de la découvrir!

Le bouddhisme de Madame Butterfly – le japonisme bouddhique, jusqu’au 19 janvier 2016 au Musée d’Ethnographie de Genève, MEG