Wikipedia donne la parole aux femmes. Prenons-la!

égalité • Seules 10% des contributions de la plus connue des encyclopédies en ligne sont faites par des femmes. En Suisse romande, des cours ont été mis en place pour y remédier. Nous y avons participé.

Wikipedia existe depuis 2001 dans sa version anglophone. Le nombre d’articles que cette encyclopédie en ligne nous propose (env. cinq millions en anglais, presque deux millions en français, presque trois cents langues et dialectes étant maintenant représentées) en fait la source d’informations la plus riche sur internet. Contrairement aux encyclopédies classiques, les connaissances qu’elle diffuse sont le fruit d’un travail collectif: en tant que «plateforme de construction participative du savoir», elle offre la possibilité à tout un-e chacun-e de proposer un article, de donner son avis sur un article déjà paru, de le compléter ou modifier. On exige que les participant-e-s observent les cinq principes fondateurs définissant la nature de Wikipédia: caractère encyclopédique de la contribution (tout doit être documenté), neutralité de point de la vue, licence libre de la publication (donc pas de droit d’auteur), respect des autres contributeurs, courtoisie lors des discussions et… «absence d’autres règles fixes», ceci pour encourager le public à intervenir en se montrant audacieux et à se lancer sans avoir peur de l’erreur, d’autres étant là pour corriger.

Ténacité contre les critiques

Mais voilà que les femmes n’osent pas prendre la parole. A une œuvre qui a la prétention de répertorier tout le savoir de l’humanité, elles ne fournissent en effet que 10% des contributions. Plusieurs domaines concernant la vie des femmes sont ainsi soit négligés, soit abordés trop sommairement. Le problème semble général, et non propre à la Wikipedia francophone. Au niveau de la Suisse romande, un projet d’envergure a été mis sur pied pour y remédier: la Fondation Emilie Gourd, le Bureau de l’Egalité de l’Université de Genève et l’association Wikimedia CH ont lancé «Abolissons l’écart entre les genres sur Wikipédia». Une initiative qui ambitionne d’augmenter numériquement les contributions émanant des femmes, mais aussi de faire participer la gent féminine aux discussions en vue de la modification d’articles existants.

A Genève, «Abolissons l’écart entre genres», connu internationalement comme «Let’s fill the Wikipedia Gender Gap», organise des ateliers de six séances gratuites, ouvertes à toutes et à tous. Le premier, qui a eu lieu en automne 2015, a été pris d’assaut. J’ai réussi à trouver une place dans celui qui a débuté en janvier 2016. Nous sommes une vingtaine, majoritairement des femmes, tous âges confondus. Après avoir assisté à une présentation de Wikipédia et avoir entendu un exposé sur le Gender Gap, nous sommes passées à la question technique de comment rédiger et modifier un article. Pour nous éviter de trop nous disperser, les animatrices nous ont suggéré de nous concentrer sur des biographies de femmes ayant vécu ou œuvré en Suisse. Nous sommes impressionnées par le travail déjà fourni par nos collègues, dont les contributions nous ont fait connaître des artistes, des scientifiques, des avocates ou syndicalistes, dont nous ignorions jusqu’à l’existence. Le cours sur «la mise en place d’outils de veille» nous a appris à collecter et à gérer l’information sur les thématiques que nous traitons. La séance du 8 mars était consacrée à la ténacité, pour nous encourager à faire face aux critiques allant des plus justifiées aux facétieuses, que nos contributions pourraient susciter. L’avant-dernière séance sera consacrée au langage épicène.