Attrape-gogos (libéral) de base

Il faut le dire • Comme nous le rappelions dans le dernier numéro, le RBI apparaît comme un dilemme sérieux pour la gauche, un sujet de débat long et parfois houleux. Pourtant, à moins de, disons, 4’000 francs, il ne devrait pas y avoir d'équivoque et le projet être refusé.

Proposé dans les années 60 par Milton Friedman (un nom qui, en soi, est déjà un argument massue pour un non de gauche au RBI), le revenu de base est pensé à l’origine comme une mesure compensatoire en échange de la suppression du salaire minimum.

Ce qui est visé d’un point de vue libéral, c’est, d’une part, l’uberisation progressive de l’économie, c’est-à-dire l’individualisation des parcours des travailleurs contraints d’accepter des emplois à temps partiel, à l’appel et mal rémunérés pour compléter une allocation de base minimale. D’autre part, on cherche à entraîner la baisse du coût du travail en faveur des revenus du capital, puisque plus rien n’empêche alors une baisse généralisée des salaires, et ceci, aux frais de l’État. Pour les classes plus aisées, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une baisse d’impôts déguisée, théorisée par le même Friedman sous une forme de «monnaie-hélicoptère», concept dont on entend également de plus en plus parler.

L’entourloupe est encore plus évidente quand on apprend que le gouvernement de droite finlandais qui cherche à introduire bientôt la même allocation universelle, espère ainsi diviser par deux le budget consacré à l’aide sociale dans le pays. Plus qu’une seule ligne dans le budget national et le volet d’ajustement structurel rêvé pour les mesures d’austérité à venir, puisque rien n’est dit quant à l’indexation prévue de la future rente.

Au final, et quand bien même les initiants nous convaincraient de leurs visées humanistes et idéalistes pour un changement de société en profondeur, ou que l’on soit convaincu par nécessité ou par l’attrait de disposer d’un revenu garanti de 2’500 francs, qui pourrait imaginer que le Parlement réactionnaire et grippe-sou qui siège maintenant à Berne concocte une loi d’application acceptable et équitable pour une initiative aux termes aussi vagues?